Le Sénégal est dans la compétition documentaire des Journées Cinématographiques de Carthage avec un long métrage historique, sorti en 2023, “Ndar : Saga Waalo” du réalisateur Ousmane William Mbaye, lauréat du Tanit d’or en 1979 pour son premier court métrage “L’enfant de Ngatch”.
Ce documentaire (91′) écrit et réalisé par Ousmane William Mbaye, revisite l’histoire de l’île de Saint-Louis, Ndar Guedj de son vrai nom, et lève le voile sur son passé de première ville coloniale d’Afrique noire et porte d’entrée du colonialisme français en Afrique de l’Ouest, il y a quatre siècles. L’auteur revient sur le passé de cette ville au nord du pays qui porte encore la blessure d’un passé colonial ayant changé la démographie du pays, entre autochtones et métis.
Le film s’ouvre sur une scène panoramique du célèbre pont Faidherbe d’où passaient les bateaux de commerce dans la ville très convoitée par les colons. Un guide touristique en calèche invite le spectateur à visiter cha que bâtiment et chaque étape phare de l’histoire de Saint-Louis. La ville dévoile ses secrets à travers divers témoignages. Cet ancien lieu de transit des esclaves se réveille sur une vision largement distincte sur la période coloniale et son héritage qui ne fait pas l’unanimité auprès des autochtones et ceux issus du métissage.
Saint-Louis est classée, depuis 2000, au patrimoine de l’Unesco. « Fondée par les colons français au XVIIe siècle, Saint-Louis s’urbanisa au milieu du XIXe siècle. Elle fut la capitale du Sénégal de 1872 à 1957 et joua un rôle culturel et économique prépondérant dans l’ensemble de l’Afrique occidentale », lit-on sur le site de l’Unesco.
En 2017, le monde s’est réveillé sur les news qui annonçaient le déboulonnement de la célèbre Statue de Louis Faidherbe qui trône au cœur de Saint-Louis, d’où le nom du pont de la ville. Cet ancien gouverneur de l’Afrique Occidentale Française (AOF), de 1854 à 1865, a vécu entre 1818 et 1889. Suite à l’incident de la statue, tombée de son piédestal, « la place Faidherbe a été baptisée place Baya Ndar » (Carrefour de Saint-Louis).
« J’ai écrasé sa tête avec mon pied », témoigne un jeune dont la position est celle d’une bonne partie des habitants qui souhaitent « décoloniser » la ville et la débarrasser des symboles du colonialisme pour les remplacer par « les héros anticolonialistes ». Cet avis ne fait pas l’unanimité auprès des mulâtres, qui défendent l’héritage du colonialisme comme étant une partie de l’histoire de la ville. Le film souligne aussi le rôle majeur des femmes dans «la résistance à la conquête française ».
Dans l’une des séquences, Léopold Sédar Sengho (1909-2001), premier président du Sénégal, poète et écrivain, disait « Nous sommes le Continent le plus exploité ».
Même avec l’abolition de l’esclavage, en 1848, les gens ont continué à pratiquer ce commerce durant 40 ans ». Ce que certains appellent « esclaves », d’autres y voient des « domestiques » qui étaient pris en charge par leurs maîtres et à qui on apprenait certains métiers.
Ce qui est évident, « La traite négrière est la plaie de l’esclavage, toujours ouverte », comme on le dit dans le documentaire.
Le colonialisme a laissé son empreinte à travers les bâtiments de la ville, sa cathédrale Saint-Louis, son école primaire, sa mosquée assez unique, son fleuve qui traverse toutes les villes et la carte permettant de naviguer toujours en usage.
Les images, portraits et paysages témoignent de la diversité culturelle et linguistique à Saint-Louis où l’Islam qui interdit toute forme d’esclavage, avait trouvé sa place auprès des nationalistes qui luttent contre l’esclavage.
« Saint-Louis était le cœur palpant du Sénégal dans les années 50 » selon l’un des témoignages. Le pays abrite une diversité de langues dont le Wolof est la langue la plus parlée suivi de la langue française.
La ville construite sur le fleuve Sénégal conserve bien ses monuments héritage de l’époque coloniale. Mais Saint-Louis vit aujourd’hui sous la menace environnementale et ce que certains appellent « la malédiction » du pétrole et du gaz sur la nature et la pêche qui joue un rôle crucial dans l’économie de l’île.
Ousmane William Mbaye est un documentariste auteur de plusieurs films historique sur la mémoire du Sénégal, tels que « Président Dia » (2012), “Kemtiyu Séex Anta » (2016) sur l’ancien président du conseil du gouvernement) Mamadou Dia Cheikh Anta Diop (1923-1986), historien et anthropologue qui est l’auteur du célèbre livre « Nations nègres et culture ».
“Ndar : Saga Waalo” est coproduit par Les films Mame Yandé et soutenu, en 2022, par le Fonds Francophonie TV5MONDEplus. En 2024, il a été sélectionné dans des festivals comme Stlouis’Docs – Festival du film documentaire de Saint-Louis et à la Quinzaine du cinéma francophone (Paris).
Le film dont l’avant-première sénégalaise a eu lieu à Dakar, en janvier dernier, débarque aux JCC dans l’espoir de décrocher un deuxième Tanit pour son réalisateur Ousmane William Mbaye.