Tunisie : Réglementations, financements et confiance pour que les PME résistent et investissent !
La dernière édition des journées de l’entreprises a été pour l’IACE, connu depuis le temps de Mansour Moalla et de Chakib Nouira, pour être l’un des think tanks économiques les plus importants de la place, l’occasion de présenter les recommandations émises par l’équipe des experts de l’institut sur les moyens susceptibles d’améliorer les performances des PME en Tunisie.
Les intervenants ont insisté lors de la présentation de l’étude sur la métamorphose de l’économie mondiale devant répondre aujourd’hui à nombre d’impératifs dont les chocs de l’offre appelés à se multiplier, la géopolitique, le climat ou encore la crise écologique et la décarbonisation.
La page du Covid, définitivement fermée, le monde redessine aujourd’hui un nouveau cadre pour les échanges internationaux auquel la Tunisie doit s’adapter. Les entreprises tunisiennes, directement ou indirectement exportatrices doivent, pour être compétitives et garder leurs parts de marché, se soumettre aux nouvelles réglementations européennes relatives à la décarbonisation et diversifier leurs marchés. Par ailleurs, la Tunisie ne peut plus se permettre des retards successifs dans la réalisation des projets d’énergie renouvelable ainsi que ceux de la digitalisation.
Pour s’intégrer dans la nouvelle économie mondiale, l’accès au financement est nécessaire, les PME tunisiennes, elles, peinent à obtenir, selon l’étude de l’IACE, des crédits bancaires en raison des exigences élevées en termes de garanties, des taux d’intérêts élevées, des complexités bureaucratiques souvent lourdes qui freinent la création et le développement des entreprises.
-
-
- Les PME sont l’épine dorsale de l’économie tunisienne et leur vitalité est cruciale pour la relance et la création d’emplois.
-
Aussi les contraintes réglementaires représentent un obstacle de taille. Les PME nationales sont freinées par une fiscalité contraignante et des incohérences légales qui engendrent un climat d’incertitude et limitent les investissements.
Les PME souffrent aussi de capacités organisationnelles limitées, d’un manque de compétences flagrant, d’une faible culture d’innovation et de problèmes de gouvernance limitant leur capacité à se développer et à innover ce qui freine leur accès aux marchés internationaux et ralentit leur intégration à l’échelle régionale internationale alors qu’elles font face à une concurrence accrue.
Face aux blocages et aux défis cités plus haut, la réponse de l’État a été, dans le cadre de la loi de Finances 2025, de consacrer aux sociétés communautaires une ligne de crédits supplémentaire de 20 millions de dinars (outre celle de l’année passée) et 10 millions de dinars à la caisse nationale de sécurité sociale en tant que garantie des financements.
-
-
- L’accès au financement, la simplification réglementaire et le développement des compétences sont les trois piliers pour libérer le potentiel des PME
-
Pour les PME, l’enveloppe prévue s’agissant des sources de financements est de 10 MD et la ligne de crédit est de 7 MD sur les moyen et long termes. Il y’aurait en Tunisie, selon l’INS, prés de 98.000 PME. Les financements peuvent-ils répondre à leurs besoins et à leurs attentes ?
L’exonération des petites et moyennes entreprises (PME) endettées auprès de la BFPME des intérêts de retard partiels ou intégraux et le rééchelonnement du principal sur 10 ans pourraient-ils sauver les PME en difficultés ? Et puis à combien s’élève le nombre des entreprises clientes de la BFPME par rapport aux autres ?
Tout cela pour dire que les mesures prises par la présidence du gouvernement, limité, il faut le reconnaître par les moyens, ne suffiront pas à pallier aux difficultés presque structurelles des PME.
Élaborer des solutions intéressantes pour les banques et les PME
Les recommandations des experts de l’IACE sont à ce propos plus exhaustives. On y parle, bien évidemment de l’accès aux financements, de la diversification des sources de financement par l’accès au crowdfunding, capital risques et d’autres sources pour maitriser les coûts d’endettement.
Ceci doit être appuyée par des mécanismes réels d’incitations fiscales. On propose aussi un accompagnement aux entreprises résilientes pour développer leurs stratégies de croissance, créer des emplois et appuyer leurs politiques d’expansion. On appelle à une adaptation du cadre de gestion des risques pour qu’il corresponde mieux aux réalités des PME et au renforcement du cadre légal et des garanties pour des solutions plus attractives autant pour les banques que pour les PME ainsi qu’un soutien technique et logistique.
A ce propos, les experts de l’IACE conseillent la création d’un fonds et la mise en place de programmes d’appui technique pour aider les PME à améliorer la qualité de leurs dossiers de financement.
-
-
- Face aux mutations de l’économie mondiale, les PME tunisiennes doivent s’adapter, innover et se positionner sur les marchés internationaux
-
Un autre aspect a été abordé pour l’amélioration de la compétitivité des PME est celui de l’attractivité et du maintien des talents. Permettre aux Tunisiens résidents (personnes physiques et sociétés unipersonnelles SUARL) d’ouvrir des comptes en devises, élargir le champ d’application de la carte technologique et augmentation de son plafond, développer des incitations favorisant le retour des compétences en Tunisie (grilles salariales intéressantes, exonération des taxes et contributions patronales) et développer au même titre les campus de recherche et d’innovation dans les grandes villes sont des recommandations à considérer pour appuyer le tissu des PME.
Les experts ont également appelé à la création d’une culture d’entreprise positive et au développement de marques employeurs fortes, à la fidélisation des employés par l’intéressement et les avantages non monétaires et à la mise en place de nouveaux modes de travail et de politiques RH intégrant les chemins de carrière avec des perspectives d’évolution claires pour les collaborateurs.
Mais pas seulement. Il va falloir, si l’on considère que les PME sont l’épine dorsale de toute relance économique jouant un rôle clé dans la création de l’emploi et pouvant se relever plus facilement que les grands groupes dans un contexte de crise, envisager des mécanismes souple d’alerte de leur donner une chance de se redresser à temps.
D’où d’autres recommandations appelant à la création d’un fonds et des incitations impliquant les acteurs eux mêmes et souscrire rapidement à des outils digitaux et d’IA pour améliorer la prise de décision et aussi permettre aux entreprises d’accéder à la veille économique, même si les logiciels de veille sont coûteux.
-
-
- Au-delà des mesures financières, c’est un climat de confiance et de sécurité juridique qui permettra aux PME de prospérer
-
Il se trouve toutefois, que s’agissant des fonds de soutien, il est de notoriété publique que dans notre pays, les fonds financés par des acteurs économiques tels ceux agricoles, n’ont pas forcément servi à sauver les opérateurs des crises profondes qu’ils ont traversé et à ce jour, nous ne savons pas exactement, à quoi ils ont servi et s’ils ont réellement aidé ceux qui les ont mis en place.
En résumé, il est clair que l’État tunisien, malgré toute sa bonne volonté, en manque de moyens ne peut pas être d’une grande efficience principalement s’agissant des financements pour accompagner, aider et soutenir les PME.
Dans pareil contexte, seules des décisions courageuses visant l’allègement des cadres réglementaires et les incitations fiscales peuvent rassurer un tant soit peu les PME. Mais plus que tout, ce sont l’État de droit et la sécurité juridique, qui réduisent l’incertitude, rassurent les opérateurs, facilitent les investissements et permettent la planification à moyen et long termes, qui sont les facteurs déterminants pour le futur économique du pays.
Un pays qui ne peut plus souffrir un étatisme économique poussé conjugué au tout social aux dépends de plans réels de réformes profondes touchant tous les aspects de l’économie nationale.
Ceci ne semble malheureusement pas être le cas et ce à tort ou à raison. Beaucoup d’opérateurs privés évoluant en tant que PME ou en tant que grandes entreprises ont peur, n’osent plus investir, se recroquevillent sur eux-mêmes et tiennent à être aussi invisibles que possible.
Lorsqu’on leur demande pourquoi cette peur s’ils n’ont rien à se reprocher. Ils rétorquent “En principe, nous respectons la loi, mais qui sait ?” ! A qui la faute ? Est-ce le fait des campagnes de haine omniprésentes sur les réseaux sociaux attaquant sans distinction tous les acteurs du secteur privé ? Est-ce dû à l’absence d’actions concrètes d’information et de communication venant des institutions patronales nationales sur la situation réelle des entreprises, leurs vécus, leurs luttes et leurs difficultés ?
Est-ce l’aboutissement des politiques entreprises depuis 2011 considérant le secteur privé comme une vache à lait en l’absence d’un climat d’affaires encourageant ou encore la conséquences des abus de nombre d’affairistes qui ne reflètent nullement le milieu entrepreneurial national et qui ont abusé des lois ?
Autant de questions qui nécessitent réponses et qui appellent les décideurs publics et privés à plus de dialogues, plus d’échanges et plus d’interactions pour améliorer le climat d’affaires, réformer les politiques publiques et plus que tout rétablir la confiance.
Amel Belhadj Ali