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‘‘L’invincible armada’’: aide-toi, le ciel t’aidera!

L’attitude actuelle des Arabes face aux Américains et aux Israéliens relève du défaitisme. Ils croient préserver la paix et l’avenir en demeurant dans l’expectative face à l’expansionnisme israélien. En réalité ils auront d’autant moins le choix de leur avenir. Et cela, l’Histoire ne cesse de nous l’enseigner…

Dr Mounir Hanablia *

L’Armada est cette flotte de 130 vaisseaux emportant 30 000 hommes que le Roi Philippe II d’Espagne affréta pour conquérir l’Angleterre en 1588. Elle se composait d’environ 130 navires. Il fallut une véritable révolution navale pour que les Espagnols, habitués à se battre sur des galères effilées armées d’éperons mobilisées par des rameurs avec des soldats se lançant à l’assaut des bateaux immobilisés par des grappins, se convertissent aux voiliers hauts arrondis capables de traverser l’océan et utilisant les canons pour endommager leurs adversaires et les couler.

Le Roi d’Espagne, champion de l’Eglise catholique, reprochait à la Reine d’Angleterre sa religion anglicane, le soutien apporté aux Hollandais calvinistes révoltés et que les Espagnols considéraient comme des rebelles, enfin les attaques contre les galions espagnols remplis des richesses d’Amérique du Sud.

L’Armada prit la mer en mai 1588 et se dirigea vers la Manche, ce bras de mer entre l’Angleterre et la France. Son plan était d’accoster en Flandre afin de se ravitailler et d’embarquer des soldats amenés par le duc de Parme, puis de les débarquer sur la côte anglaise afin de prendre le pays. Mais c’était compter sans la flotte anglaise bien renseignée et surtout sur l’expérience de ses équipages.

La supériorité maritime anglaise

Entre le 16 et le 26 juillet, une série d’engagements eurent lieu qui ne causèrent que peu de dégâts aux adversaires du fait de la volonté des Britanniques de ne pas se rapprocher des bateaux espagnols. De ce fait leurs couleuvrines ne furent pas assez puissantes pour couler les bateaux espagnols dont les canons n’avaient pas la portée nécessaire pour les atteindre.

Les Espagnols tentèrent de prendre la flotte adverse qui se trouvait dans le grand port de Plymouth, mais Francis Drake réussit à déployer ses unités au large à la barbe de ses adversaires et à prendre le vent, ce qui lui permettait de les attaquer sans risquer lui-même d’être surpris.

La flotte anglaise adopta la tactique de la meute qui consistait à attaquer les navires exposés de l’adversaire et à l’obliger de leur porter secours pendant que leur flotte se déplaçait et se mettait constamment sous le vent.

Les Espagnols furent ainsi empêchés de prendre l’île de Wight, qui aurait pu constituer pour eux une importante tête de pont. Un de leurs vaisseaux explosa suite à un acte de sabotage et un de leurs grands capitaines fut pris avec son bateau victime d’une grave avarie. Cependant, ils atteignirent Calais sans encombre mais sans trouver les soldats et le ravitaillement promis.

Dans la nuit du 26 juillet les Anglais lâchèrent sur la flotte espagnole regroupée et à l’ancre des brûlots, ces bateaux auxquels le feu avait été allumé. Les brûlots ne causèrent aucun dégât mais le Duc de Medina Sidonia, l’amiral de l’Armada occupa de couper les amarres et de détacher les ancres. Ce fut une décision fatale qui causa la dispersion des bateaux, ce qui la plaça à la merci des marins et des canons anglais, les Espagnols ayant épuisé leurs munitions.

Il s’ensuivit, le 29 juillet, la bataille dite de Gravelines. Quelques bateaux échoués sur les côtes flamandes furent pillés, et les soldats qui s’y trouvaient massacrés par les corsaires hollandais à l’affût. La moitié de la flotte avec le vaisseau amiral cingla vers l’ouest puis rejoignit l’Espagne par le sud-est en septembre. Les autres bateaux prirent vers le nord. Ceux qui contournèrent les Orcades et l’Écosse puis l’Irlande purent retrouver le chemin du retour. Les autres, qui s’engagèrent dans le golfe de Donegal et la mer d’Irlande, environ 25, s’échouèrent contre les récifs et coulèrent. Les naufragés furent pris et massacrés par les Anglais. Certains tel Leyva et les nobles qui l’accompagnaient traversèrent la côte et purent restaurer sommairement un autre bateau mais ils coulèrent au large de l’Angleterre. Un certain Cuellar, condamné à mort pour avoir laissé son bateau dépasser son vaisseau amiral fut condamné à mort sans que la sentence ne soit exécutée. Il se retrouva naufragé en Irlande et put regagner l’Ecosse puis la Flandre espagnole avant de rentrer dans son pays.

Au total, environ une cinquantaine de bateaux furent perdus et environ 20 000 marins et soldats ne regagnèrent pas leurs foyers.

Du côté des anglais, une centaine mourut au combat, et environ un millier décédèrent probablement par empoisonnement en consommant de la nourriture avariée. En effet, l’hygiène était tellement déplorable sur les bateaux que l’eau et la nourriture s’en trouvaient fréquemment polluées. Cependant, il est probable que quelques-uns moururent du typhus, véhiculé par les poux.

Pour tout dire les Anglais remportèrent la victoire même s’ils ne le surent pas immédiatement, contre l’Invincible, qui s’avéra ne l’être que de nom. Et cela, ils le doivent avant tout à leur meilleure science de la navigation à la voile et au brio de leurs chefs. Ils étaient en effet habitués à naviguer et pêcher dans les eaux agitées de l’Atlantique Nord. Leur organisation était également supérieure, et dans le domaine de la mer, même si l’Amiral était toujours un noble, les gens du peuple tels que Francis Drake connus pour leurs compétences trouvaient leur place et leurs voix étaient entendues.

C’est Drake qui fut le maître tacticien de la flotte anglaise, même si la Reine refusa ses conseils d’attaquer l’Armada et de la détruire dans ses ports d’attache avant son départ. D’autre part, c’est lui qui introduisit les rangées de canons sur les flancs des vaisseaux et qui transforma ainsi le combat naval. Enfin c’est son raid sur Cadix en 1587 qui fit prendre conscience à ses adversaires de la supériorité maritime anglaise.

En contrepartie, les Espagnols étaient dépourvus en marins qualifiés et de surcroît, ceux-ci étaient soumis à l’autorité des nobles qui ne connaissaient rien aux affaires de la mer. Le Duc de Medina Sidonia, nommé Amiral contre sa volonté il faut le préciser, était ainsi dénué de toute qualification. En dépit de son courage, c’est lui qui dans un moment d’affolement donna l’ordre funeste de rompre les amarres des bateaux provoquant ainsi la dispersion de la flotte.

Le destin des nations est entre leurs mains

Certes l’Espagne surmonta le désastre et forte de l’expérience elle reconstitua une flotte qui put protéger efficacement ses bateaux. Néanmoins la résistance victorieuse contre l’Armada fit prendre conscience au peuple anglais de l’importance de sa flotte de guerre pour la protection de son pays. Elle renforça le sentiment national naissant dans la population. Elle empêcha plus tard Napoléon et Hitler d’envahir les îles britanniques.

Le destin des nations n’est pas fait que de paix. Au moment où l’Angleterre affrontait l’Espagne, celle-ci était la superpuissance mondiale, et les Anglais n’étaient pas assurés de vaincre.

On peut imaginer ce qui se serait passé si la Reine d’Angleterre avait fait sa soumission à un pays beaucoup plus puissant qu’elle; il n’y aurait probablement pas eu d’Etats Unis d’Amérique.

On peut voir comment l’attitude actuelle des Arabes face aux Américains et aux Israéliens relève du défaitisme. Les Arabes croient qu’ils préservent la paix et l’avenir en demeurant dans l’expectative face à l’expansionnisme israélien. En réalité ils auront d’autant moins le choix de leur avenir.

A l’inverse, les Israéliens, ces élèves émoulus de l’impérialisme anglais, essaient d’adopter la tactique de Drake qui consiste à détruire les potentialités de l’adversaire avant qu’il ne s’en serve. On a vu comment ils ont agi en Syrie.

Pourtant malgré les inévitables destructions issues d’une infériorité aérienne, le Hezbollah, le Hamas, les Houthis, des organisations paramilitaires qui ne comptent pas plus de quelques milliers de militants, ont prouvé qu’on pouvait résister victorieusement à leur supériorité aérienne.

Les pays arabes devraient comprendre que tout comme les Anglais s’étaient dotés des moyens nécessaires pour construire une marine capable de les protéger, ils devraient développer leurs drones et leurs missiles balistiques, intégrer l’immensité de leur territoire, dans une stratégie de survie, plutôt que d’accepter de devenir les grands disparus dans les oubliettes de l’Histoire.   

* Médecin de libre pratique.

‘‘L’invincible armada’’ de Blond Georges, éditions Plon, 1er janvier 1988, 218 pages.

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Faut-il vraiment s’allier à l’Otan, ce renard dans le poulailler arabe?

Ceux-là mêmes qui ont salué la chute du tyran en Syrie et qui estiment que la Tunisie gagnerait à se ranger sous la bannière de l’Otan, dont notre pays est déjà depuis 2015 un allié majeur non membre, pour se protéger d’éventuels périls extérieurs, devraient comprendre que le prix à payer d’un tel alignement pourrait être prohibitif. Explications…

Dr Mounir Hanablia *

Faut-il se ranger sous la bannière de l’Otan? Depuis la chute du régime Al-Assad en Syrie, la question rebondit. Deux éminents anciens diplomates et ambassadeurs en ont exprimé la nécessité en arguant des limites de la puissance russe, éprouvée en Ukraine, absente en Syrie, et de l’éloignement du colosse chinois, qui serait plus occupé en mer de Chine du Sud qu’en Méditerranée.

Outre le caractère sommaire de ce jugement, puisque la Chine par le biais du port pakistanais de Gwadar possède un portail sur la mer d’Oran, le corollaire en est clair: il faudrait se mettre aux normes politiques et économiques américaines, autrement dit la démocratie et le libéralisme économique. En échange, nous serions assurés de la  protection qui compte, puisque les Etats-Unis sont le seul pays disposant d’une flotte de guerre avec ses facilités et ses ports d’attache couvrant simultanément les différents théâtres d’opérations militaires du monde, et capable de projeter sa puissance. Il faudrait donc déjà savoir contre qui et contre quoi cette protection serait indispensable.

Les conditions de la stabilité en Tunisie  

A l’est, il y a évidemment l’hypothèque libyenne, mais la Libye est dans les faits partagée entre Benghazi soutenue par l’Egypte et ses alliés saoudiens et émiratis, et Tripoli dont le régime est consolidé par la présence de l’armée turque non loin de la frontière tunisienne. Or la Turquie, quoique proche des islamistes d’Ennahdha et dont les liens avec les jihadistes sont apparus en Syrie au grand jour, est alliée au Qatar et de surcroît membre de l’Otan, ce qui ne laisse pas d’inquiéter d’autres pays méditerranéens membres de l’Otan comme la Grèce, l’Italie, et la France. Et on l’a bien constaté, il y a plusieurs mois, lorsque la Turquie avait envoyé ses bateaux prospecter dans les eaux territoriales que la Grèce considérait comme siennes. Elle l’a donc sans doute fait avec l’assentiment américain car ainsi que l’a démontré l’affaire du Nord Stream, l’Amérique tient à garder l’Europe sous sa dépendance, particulièrement en matière de ressources énergétiques. De là à dire que grâce à l’armée turque, elle tient dans sa ligne de mire le gazoduc algéro-italien qui transite par la Tunisie pour alimenter l’Europe, il n’y a qu’un pas.

Ceci amène évidemment à parler du voisin de l’ouest, l’Algérie qui possède un intérêt stratégique évident en Tunisie, celui de la sécurité de son gazoduc, et par voie de conséquence, de sa stabilité politique, d’autant que les généraux algériens ne veulent pas d’un modèle politique dans un pays voisin qui remettrait le leur en question et qui hypothèquerait leur marge de manœuvre; d’autant que ce modèle, la démocratie, avait mené les islamistes algériens au seuil du pouvoir et déclenché une guerre civile de dix ans.

L’Algérie a donc vu d’un bon œil les changements politiques qui sont intervenus en Tunisie, et qui ont brisé l’étau dans lequel menaçaient de la plonger ses relations tumultueuses avec le Maroc, assuré de garder le Sahara occidental et soutenu par Israël et les Etats-Unis. Mais l’Italie, le pays de destination du gazoduc algérien, a aussi évidemment les mêmes intérêts que l’Algérie, celui de la stabilité de la Tunisie. D’autant que la question migratoire rend impératif pour les Italiens et les Européens l’existence dans notre pays d’un Etat fort ayant la volonté sinon de la résoudre, du moins de la limiter, ainsi que le faisaient en leur temps Ben Ali et Kadhafi.

Il apparaît donc que ce sont nos voisins du nord et de l’ouest qui ont le plus intérêt à assurer notre stabilité et notre sécurité, beaucoup plus que ne le feraient les Etats-Unis, certes alliés de l’Europe, d’un point de vue militaire, mais peu désireux de lui ôter la bride lorsqu’il s’agit d’intérêts économiques divergents. Et on avait déjà bien vu comment Mattei, le PDG italien de l’Eni, avait fini dans un accident d’avion lorsqu’il avait voulu concurrencer les majores pétrolières.

Inutile d’évoquer le rôle qu’avait joué la Tunisie en 1943 de tremplin de la conquête de la Sicile puis l’Italie par les troupes anglo-britanniques  interdisant tout renfort allemand durant la bataille de Koursk en Ukraine. On n’imagine en effet pas qui pourrait de nos jours faire de même ni pour quelles raisons.

Néanmoins, on ne peut ignorer pour autant la valeur aéronavale unique du port de Bizerte commandant le passage entre la Méditerranée occidentale et orientale, et par voie de conséquence le trafic maritime entre l’Europe Occidentale et l’Extrême-Orient. Cela confère une autre raison à l’intérêt que peut nous accorder une puissance comme la Turquie lorsque son puissant parrain américain désire accroître la pression sur ses alliés européens autant par la perturbation de l’approvisionnement en gaz que par l’émigration et, il ne faut pas l’oublier, le terrorisme. Si donc la Tunisie court actuellement un danger, on ne voit pas de quelle autre partie il pourrait venir.

Les périls liés aux bouleversements géostratégiques

Naturellement d’aucuns, inquiets de l’intensité de l’émigration subsaharienne transitant sur notre territoire, arguent du «grand remplacement» en se faisant l’écho des théories de l’extrême droite européenne. Il est certain qu’elle pourrait être beaucoup mieux gérée qu’elle ne l’est actuellement, en particulier sur le plan de la porosité des frontières. Néanmoins malgré les problèmes qu’elle engendre, ceux ci demeurent localisés et ne mettent pas en question la stabilité ou la sécurité du pays, du moins pour le moment.

Il reste que le plus grand danger pourrait voir l’Etat Islamique surgir du Sud en embrigadant autant ces émigrés là que d’autres venus du Moyen-Orient, pour déstabiliser ce géant gazier que constitue l’Algérie, qui, de toute évidence, demeure la cible la plus importante de la région dans toute tentative éventuelle d’accaparer la production mondiale des hydrocarbures.

Si l’Iran tombe, ce qui est dans le domaine du possible, étant données les mœurs devenues belliqueuses du couple israélo-américain, et sa volonté de mettre sous l’éteignoir toute velléité de puissance arabe ou musulmane, il est probable que la cible suivante puisse être l’Algérie. Et dans ce cas, la Tunisie doit éviter de constituer une base d’agression contre nos voisins dont nous ne retirerions aucun bénéfice.

Ainsi que le disait le regretté Ahmed Mestiri, ce qui se passe en Algérie a toujours des répercussions sur la Tunisie, et l’inverse est aussi vrai. Or c’est bien ce qu’une coopération avec l’Otan risquerait de nous imposer.

Eu égard à tout cela, le refus de tout crédit supplémentaire du FMI assorti des conditions habituelles tendant autant à mettre notre économie en berne qu’à susciter des troubles sociaux, paraît relever de la sagesse la plus élémentaire.

Certes, on arguera que le Maroc a emprunté cette voie. Mais le Maroc est un royaume pluriséculaire dont le peuple est doté d’une forte conscience nationale incarnée dans la fidélité à son souverain, et qui dispose de ressources autrement importantes.

En Tunisie, malheureusement, le sentiment d’unité nationale a été mis à mal par dix années de multipartisme et de partitocratie, dont les conséquences n’ont pas encore été surmontées.

Ceux-là mêmes qui ont salué la chute du tyran en Syrie s’aperçoivent peut-être, du moins l’espère-t-on, que le prix à payer s’avère prohibitif. Dans ces conditions, le mieux est de traiter avec les pays dont les intérêts coïncident avec les nôtres, et éviter les fauteurs de guerre, ceux qui, par le biais de la dette, veulent nous astreindre à devenir les instruments de leurs entreprises impérialistes et colonialistes dont nous ne saurions être que les premières victimes. L’Ukraine qui s’était déjà bernée de l’illusion de la sécurité obtenue par l’adhésion à l’Otan, en constitue le sanglant démenti.  

* Médecin de pratique libre.

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‘‘Le bouleversement du monde, l’après 7 Octobre’’ : L’hécatombe face au génocide? Un délire onirique

Gilles Kepel, qui a consacré 40 ans de sa vie à l’étude du monde musulman contemporain, ne semble en tirer, en bon orientaliste, aucun respect particulier pour ceux à qui il a consacré son attention et sa réflexion. Entraîné par son islamophobie hors des sentiers de la rigueur scientifique exigée des chercheurs universitaires, il n’en finit pas de justifier le génocide des Palestiniens. Ecœurant

Dr Mounir Hanablia *

Dans son dernier livre, déjà dépassé par l’actualité lors de sa parution, Gilles Kepel situe le 7 octobre 2023 en tant qu’événement fondateur d’un ordre international nouveau, hors celui issu de la seconde guerre mondiale. C’est déjà trop dire.

On a déjà évoqué dans les mêmes termes la chute du mur de Berlin, la guerre du Golfe, la disparition de l’Union Soviétique, le 11 septembre 2001. Concernant la victoire israélienne de Juin 1967, on avait déjà parlé de guerre des Six jours en se référant au récit biblique, dès lors qu’il s’agit de Juifs, de la création du monde, en l’occurrence d’un autre monde. Cette tendance à faire de chaque événement contemporain une exception, en particulier quand des Juifs y sont impliqués, relève plutôt du délire onirique.

Le 7-Octobre est encore loin d’avoir dévoilé tous ses secrets et seule une enquête internationale indépendante le fera. Mais l’auteur s’appuyant sur un rapport de l’organisation Human Rights Watch en attribue la responsabilité à la direction du Hamas, plus particulièrement à Yahya Sinwar, décrit comme un tueur sanguinaire responsable de l’attaque «pogromiste» selon les termes de l’auteur, et qui, ainsi qu’on le sait, tombera les armes à la main contre l’envahisseur.

C’est déjà choisir son camp que de décrire les faits d’une manière plutôt dénuée de critiques pour un universitaire, certes à la retraite. Il exonère évidemment Israël de toute responsabilité en tant que victime de l’attaque «pogromiste».

Bien sûr, pour donner le change, il exonère l’Iran de toute responsabilité dans la tuerie, même s’il mentionne bien que c’est la République Islamique qui a armé le Hamas en faisant transiter l’aide militaire par la Mer Rouge, le Soudan, le Sinaï et à travers le corridor Philadelphia avec l’aide financière du Qatar et la complicité intéressée des généraux égyptiens.

Tout ce beau monde après la nième guerre contre le Hamas n’aurait pas éveillé l’attention des services secrets israéliens. Et même ce serait le chef du Mossad qui aurait fait transiter vers Gaza la valise remplie de billets verts qui régulièrement débarquait du Qatar. De là à dire que Netanyahu accusé de corruption aurait prélevé sa part du trafic, il n’y a qu’un pas que l’auteur ne franchit pas.

Un génocide avec l’assentiment des Américains

L’Iran accusé de faiblesse militaire dans sa riposte (annoncée) contre Israël et d’incompétence dans le contre-espionnage après l’assassinat de Ismail Haniyeh à Téhéran et de quelques uns de ses généraux en Syrie, se révèlera pourtant capable par ses missiles balistiques de hausser le ton après l’assassinat de Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, et d’infliger de sérieux dommages à l’infrastructure militaire israélienne sur tout son territoire, suffisamment dissuasifs pour prévenir des représailles sévères.

Ce sont les Américains qui en l’occurrence auraient bridé les velléités bellicistes de leurs alliés, démontrant que la thèse de l’auteur, celle d’un Netanyahu libéré de toute entrave avec les élections américaines et la victoire prévisible de Trump, relevaient une fois encore du délire onirique. Tout ce qui s’est passé l’a été avec l’assentiment de l’administration américaine, qui n’a jamais interrompu son aide militaire ou financière, il convient de le rappeler, malgré les contraintes imposées par la guerre en Ukraine. Comment en aurait-il été autrement dans un bouleversement du monde. Mais c’est dans sa tentative d’attribuer à Netanyahu un comportement rationnel que le livre semble le plus critiquable.

On en arrive ainsi à la distinction entre l’Hécatombe, conjoncturelle à la guerre sanglante entreprise en représailles, et le génocide, terme réservé aux souffrances du peuple juif par les bien-pensants occidentaux, l’élimination pure et simple de la population civile adverse, par les bombardements directs, la destruction de l’infrastructure nécessaire à la préservation de la santé publique, et l’embargo sur l’eau et les produits alimentaires.

Il est clair que ce qu’on voit tous les jours à la télévision relève du génocide perpétré par l’armée de l’Etat juif et que cela n’a pas échappé au Procureur de la Cour pénale internationale (CPI).

Pourtant le premier ministre israélien, pour rappeler qu’Israël est une démocratie réservée, semble toujours être présenté comme l’otage de sa majorité extrémiste. Les intentions qu’on lui prête de prolonger la guerre à des fins personnelles, ainsi que l’en accusent les familles des otages, relèvent néanmoins du crime prémédité. Netanyahu n’a jamais semblé soucieux de faire libérer ces otages; cela aurait supprimé l’une des principales raisons de l’agression sanglante menée contre Gaza dont il ne prévoit pas la fin, ainsi qu’on l’a vu.

Alors de quel bouleversement et de quel monde s’agit-il?

Les terroristes de Daech de nouveau à la rescousse

La guerre contre les Palestiniens n’a jamais cessé depuis 1917 date de la déclaration Balfour et la dernière s’insère dans cette continuité. On veut maintenant supprimer la population de Gaza afin de l’annexer, en créant le précédent nécessaire à l’annexion de la Cisjordanie occupée et à l’expulsion de sa population. On a essayé de faire de même au Sud Liban mais l’entreprise s’est révélée beaucoup plus difficile que prévu et la résistance du Hezbollah a fini par imposer son caractère incontournable. Maintenant c’est en Syrie grâce aux terroristes de Daech commandités par la Turquie et à la cinquième colonne au sein du régime syrien qu’on prétend interrompre le ravitaillement en armes de la résistance libanaise.

Les récents revers militaires d’une armée syrienne suréquipée face à des mercenaires brandissant des fusils et de lance-roquettes se déplaçant dans des pick-up et ressemblant aux hordes sauvages de Mad Max, ne saurait s’expliquer que par la trahison.

Ce sont ces terroristes-là, de Daech, ceux soutenus par le Qatar, la Turquie, les Américains et Israël, qui avaient commis les attentats de Toulouse et de Montauban, de Charlie-Hebdo et du Bataclan en 2015 qui ont servi de point de ralliement et d’émergence à l’extrême droite française dans son discours anti-immigré. Cela date de bien avant le 7-Octobre, et abstraction faite de la crainte justifiée de nombreux Juifs français d’être privés de leur nationalité ainsi que cela s’était passé sous Vichy, le ralliement sioniste autour de Marine Lepen n’a eu d’autre objectif que d’empêcher la France, et à travers elle l’Occident, d’adopter une attitude anti-israélienne qui menacerait l’aide militaire et financière dont le gouvernement israélien a besoin pour mener à bien sa politique coloniale génocidaire.

Faut il dès lors s’étonner que de nombreux Occidentaux, dont les jeunes et les étudiants, renouant avec une tradition chrétienne de charité qui n’existe plus dans leurs sociétés, évaluent le génocide de Gaza à sa juste mesure et le dénoncent tout autant que l’injustice de leurs propres sociétés?

Plutôt que d’un bouleversement du monde, on aurait peut-être dû parler d’un monde à rebours, celui du retour à l’ère coloniale et à l’extermination des populations allogènes.

Décidément, Gilles Kepel, qui a consacré 40 ans de sa vie à l’étude du monde musulman contemporain, ne semble en tirer, en bon orientaliste, aucun respect particulier pour ceux à qui il a consacré son attention et sa réflexion. Ses ouvrages laissent toujours à l’Arabo musulman que je ne cesse pas d’être un goût d’injustice et d’amertume à la fin du dernier chapitre.    

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