‘‘L’invincible armada’’: aide-toi, le ciel t’aidera!
L’attitude actuelle des Arabes face aux Américains et aux Israéliens relève du défaitisme. Ils croient préserver la paix et l’avenir en demeurant dans l’expectative face à l’expansionnisme israélien. En réalité ils auront d’autant moins le choix de leur avenir. Et cela, l’Histoire ne cesse de nous l’enseigner…
Dr Mounir Hanablia *
L’Armada est cette flotte de 130 vaisseaux emportant 30 000 hommes que le Roi Philippe II d’Espagne affréta pour conquérir l’Angleterre en 1588. Elle se composait d’environ 130 navires. Il fallut une véritable révolution navale pour que les Espagnols, habitués à se battre sur des galères effilées armées d’éperons mobilisées par des rameurs avec des soldats se lançant à l’assaut des bateaux immobilisés par des grappins, se convertissent aux voiliers hauts arrondis capables de traverser l’océan et utilisant les canons pour endommager leurs adversaires et les couler.
Le Roi d’Espagne, champion de l’Eglise catholique, reprochait à la Reine d’Angleterre sa religion anglicane, le soutien apporté aux Hollandais calvinistes révoltés et que les Espagnols considéraient comme des rebelles, enfin les attaques contre les galions espagnols remplis des richesses d’Amérique du Sud.
L’Armada prit la mer en mai 1588 et se dirigea vers la Manche, ce bras de mer entre l’Angleterre et la France. Son plan était d’accoster en Flandre afin de se ravitailler et d’embarquer des soldats amenés par le duc de Parme, puis de les débarquer sur la côte anglaise afin de prendre le pays. Mais c’était compter sans la flotte anglaise bien renseignée et surtout sur l’expérience de ses équipages.
La supériorité maritime anglaise
Entre le 16 et le 26 juillet, une série d’engagements eurent lieu qui ne causèrent que peu de dégâts aux adversaires du fait de la volonté des Britanniques de ne pas se rapprocher des bateaux espagnols. De ce fait leurs couleuvrines ne furent pas assez puissantes pour couler les bateaux espagnols dont les canons n’avaient pas la portée nécessaire pour les atteindre.
Les Espagnols tentèrent de prendre la flotte adverse qui se trouvait dans le grand port de Plymouth, mais Francis Drake réussit à déployer ses unités au large à la barbe de ses adversaires et à prendre le vent, ce qui lui permettait de les attaquer sans risquer lui-même d’être surpris.
La flotte anglaise adopta la tactique de la meute qui consistait à attaquer les navires exposés de l’adversaire et à l’obliger de leur porter secours pendant que leur flotte se déplaçait et se mettait constamment sous le vent.
Les Espagnols furent ainsi empêchés de prendre l’île de Wight, qui aurait pu constituer pour eux une importante tête de pont. Un de leurs vaisseaux explosa suite à un acte de sabotage et un de leurs grands capitaines fut pris avec son bateau victime d’une grave avarie. Cependant, ils atteignirent Calais sans encombre mais sans trouver les soldats et le ravitaillement promis.
Dans la nuit du 26 juillet les Anglais lâchèrent sur la flotte espagnole regroupée et à l’ancre des brûlots, ces bateaux auxquels le feu avait été allumé. Les brûlots ne causèrent aucun dégât mais le Duc de Medina Sidonia, l’amiral de l’Armada occupa de couper les amarres et de détacher les ancres. Ce fut une décision fatale qui causa la dispersion des bateaux, ce qui la plaça à la merci des marins et des canons anglais, les Espagnols ayant épuisé leurs munitions.
Il s’ensuivit, le 29 juillet, la bataille dite de Gravelines. Quelques bateaux échoués sur les côtes flamandes furent pillés, et les soldats qui s’y trouvaient massacrés par les corsaires hollandais à l’affût. La moitié de la flotte avec le vaisseau amiral cingla vers l’ouest puis rejoignit l’Espagne par le sud-est en septembre. Les autres bateaux prirent vers le nord. Ceux qui contournèrent les Orcades et l’Écosse puis l’Irlande purent retrouver le chemin du retour. Les autres, qui s’engagèrent dans le golfe de Donegal et la mer d’Irlande, environ 25, s’échouèrent contre les récifs et coulèrent. Les naufragés furent pris et massacrés par les Anglais. Certains tel Leyva et les nobles qui l’accompagnaient traversèrent la côte et purent restaurer sommairement un autre bateau mais ils coulèrent au large de l’Angleterre. Un certain Cuellar, condamné à mort pour avoir laissé son bateau dépasser son vaisseau amiral fut condamné à mort sans que la sentence ne soit exécutée. Il se retrouva naufragé en Irlande et put regagner l’Ecosse puis la Flandre espagnole avant de rentrer dans son pays.
Au total, environ une cinquantaine de bateaux furent perdus et environ 20 000 marins et soldats ne regagnèrent pas leurs foyers.
Du côté des anglais, une centaine mourut au combat, et environ un millier décédèrent probablement par empoisonnement en consommant de la nourriture avariée. En effet, l’hygiène était tellement déplorable sur les bateaux que l’eau et la nourriture s’en trouvaient fréquemment polluées. Cependant, il est probable que quelques-uns moururent du typhus, véhiculé par les poux.
Pour tout dire les Anglais remportèrent la victoire même s’ils ne le surent pas immédiatement, contre l’Invincible, qui s’avéra ne l’être que de nom. Et cela, ils le doivent avant tout à leur meilleure science de la navigation à la voile et au brio de leurs chefs. Ils étaient en effet habitués à naviguer et pêcher dans les eaux agitées de l’Atlantique Nord. Leur organisation était également supérieure, et dans le domaine de la mer, même si l’Amiral était toujours un noble, les gens du peuple tels que Francis Drake connus pour leurs compétences trouvaient leur place et leurs voix étaient entendues.
C’est Drake qui fut le maître tacticien de la flotte anglaise, même si la Reine refusa ses conseils d’attaquer l’Armada et de la détruire dans ses ports d’attache avant son départ. D’autre part, c’est lui qui introduisit les rangées de canons sur les flancs des vaisseaux et qui transforma ainsi le combat naval. Enfin c’est son raid sur Cadix en 1587 qui fit prendre conscience à ses adversaires de la supériorité maritime anglaise.
En contrepartie, les Espagnols étaient dépourvus en marins qualifiés et de surcroît, ceux-ci étaient soumis à l’autorité des nobles qui ne connaissaient rien aux affaires de la mer. Le Duc de Medina Sidonia, nommé Amiral contre sa volonté il faut le préciser, était ainsi dénué de toute qualification. En dépit de son courage, c’est lui qui dans un moment d’affolement donna l’ordre funeste de rompre les amarres des bateaux provoquant ainsi la dispersion de la flotte.
Le destin des nations est entre leurs mains
Certes l’Espagne surmonta le désastre et forte de l’expérience elle reconstitua une flotte qui put protéger efficacement ses bateaux. Néanmoins la résistance victorieuse contre l’Armada fit prendre conscience au peuple anglais de l’importance de sa flotte de guerre pour la protection de son pays. Elle renforça le sentiment national naissant dans la population. Elle empêcha plus tard Napoléon et Hitler d’envahir les îles britanniques.
Le destin des nations n’est pas fait que de paix. Au moment où l’Angleterre affrontait l’Espagne, celle-ci était la superpuissance mondiale, et les Anglais n’étaient pas assurés de vaincre.
On peut imaginer ce qui se serait passé si la Reine d’Angleterre avait fait sa soumission à un pays beaucoup plus puissant qu’elle; il n’y aurait probablement pas eu d’Etats Unis d’Amérique.
On peut voir comment l’attitude actuelle des Arabes face aux Américains et aux Israéliens relève du défaitisme. Les Arabes croient qu’ils préservent la paix et l’avenir en demeurant dans l’expectative face à l’expansionnisme israélien. En réalité ils auront d’autant moins le choix de leur avenir.
A l’inverse, les Israéliens, ces élèves émoulus de l’impérialisme anglais, essaient d’adopter la tactique de Drake qui consiste à détruire les potentialités de l’adversaire avant qu’il ne s’en serve. On a vu comment ils ont agi en Syrie.
Pourtant malgré les inévitables destructions issues d’une infériorité aérienne, le Hezbollah, le Hamas, les Houthis, des organisations paramilitaires qui ne comptent pas plus de quelques milliers de militants, ont prouvé qu’on pouvait résister victorieusement à leur supériorité aérienne.
Les pays arabes devraient comprendre que tout comme les Anglais s’étaient dotés des moyens nécessaires pour construire une marine capable de les protéger, ils devraient développer leurs drones et leurs missiles balistiques, intégrer l’immensité de leur territoire, dans une stratégie de survie, plutôt que d’accepter de devenir les grands disparus dans les oubliettes de l’Histoire.
* Médecin de libre pratique.
‘‘L’invincible armada’’ de Blond Georges, éditions Plon, 1er janvier 1988, 218 pages.
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