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Pourquoi les Tunisiens résidents n’auraient pas prochainement le droit d’ouvrir des comptes en devises?

L’une des déceptions de plusieurs Tunisiens sur la loi de finances 2025 est le vote contre un projet d’article permettant aux résidents d’ouvrir des comptes en devises. Certes, c’est un handicap majeur pour une jeunesse qui veut travailler sur le net et être payée en euros. Mais de facto, la Tunisie n’a pas le luxe d’ouvrir une porte qu’elle ne saura comment contrôler.

Le projet du texte a proposé de donner aux résidents la possibilité d’avoir de tels comptes sans accord préalable de la BCT. Ils pourront être alimentés par des virements provenant d’autres comptes en devises ou en dinars convertibles, ainsi que par les intérêts générés sous certaines conditions fixées par la Banque centrale. Les montants issus de l’allocation touristique annuelle pourraient également y être versés.

Une proposition vraiment alléchante?

Le texte de l’article est en faveur de toutes rentrées en devises outre que celles en liquide. Toutefois, l’autorisation de la BCT est imposée pour les débits. Ce qui limite tout intérêt concret de ces comptes.

Quel est l’intérêt si une dépense, même d’une dizaine d’euros, passe par une autorisation préalable? Nous avons impression que le bruit autour du texte dépassait sa vraie utilité pour les Tunisiens.

Les députés veulent mettre leur empreinte sur le quotidien des jeunes. Politiquement, c’est légitime. Toutefois, il y a ce conflit entre des équilibres budgétaires et financiers fragiles et l’alignement de la réglementation tunisienne à celle mondiale.

Nous n’avons pas les moyens de le faire à moyen terme. Ce qu’il faut chercher, c’est un accord sur une date à partir de laquelle il serait possible d’avoir de tels droits. Nous sommes convaincus que cela ne pourra pas avoir lieu avant 2027, et sous condition d’un vrai bond côté exportations.

Le service de dettes étrangères va significativement s’alléger d’ici là, mais nous serions toujours déficitaires en devises.

D’ailleurs, nous pensons que l’idée sous-jacente à tout cela est même contradictoire avec le projet de loi visant à modifier les statuts de la Banque centrale. D’une part, les députés voulaient limiter le stock en devises à 90 jours et transférer le reste au Trésor, de l’autre donner la possibilité de détenir des comptes en monnaie étrangère pour les résidents. Il faut bien tenir en considération que sans donner la main libre côté dépenses, personne ne serait intéressé.

Absence de moyens

L’impossibilité technique d’une telle mesure pourrait être déduite à partir d’une simple opération de calcul. Si le ministère des Finances a avancé les difficultés de contrôler les opérations et les risques de voir les Tunisiens spéculer sur les devises, il y a des entraves d’ordre financier.

Selon le dernier rapport de la Supervision bancaire, le nombre de comptes à vue s’est établi à 3,739 millions fin 2023, outre 5,213 millions de comptes spéciaux d’épargne. En tout, nous avons 10,532 millions de comptes actifs. Si nous ajoutons aussi les comptes postaux, le nombre dépassera de loin le nombre d’habitants.

Supposons que seuls les titulaires de trois millions de comptes optent pour un compte en devises et dépensent, chacun, 500 TND par an. Cela nous donne 1 500 MTND chaque exercice, soit plus de 5 jours d’importations selon les données actuelles. Est-ce que les avoirs nets en devises permettent cela? La réponse est clairement « Non » – avec un N majuscule. Chaque jour compte pour l’économie. Ce que nous allons rembourser au mois de janvier 2025 équivaut à 15 jours d’importations au moins, et passer sous la barre des 100 jours d’importations est l’hypothèse la plus plausible, toute chose étant égale par ailleurs.

Nous sommes convaincus que le nouveau Code de change n’apporterait pas une réponse à ce problème. Il y aurait toujours des restrictions sur l’utilisation des devises par les résidents. Ce n’est pas un hasard que les divers gouvernements et gouverneurs (de la BCT) n’ont pas avancé dans ce chantier. Ce n’est pas un refus, mais une conscience que la Tunisie n’a pas les moyens pour passer le cap. Ces droits s’obtiennent, entre autres, par le travail et la productivité de nous tous.

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