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Pourquoi les monarchies du Golfe tournent-elles le dos à la cause palestinienne?

Pourquoi certains pays arabes, notamment les monarchies du Golfe, dont l’Arabie saoudite, se réjouissent-ils discrètement que Tsahal se débarrasse, à leur place, de l’Axe de la résistance anti-israélien composé du Hamas, du Hezbollah ou encore des Houthis ? Explications.

Alors que l’armée d’occupation israélienne sème la mort et la désolation à Gaza, en Cisjordanie occupée et au Liban, que la région du Moyen-Orient est assise sur un baril de poudre à cause du bras de fer infernal entre Tel-Aviv et Téhéran, le silence de plusieurs pays arabes, notamment celui de monarchies richissimes du Golfe, et notamment de l’Arabie saoudite se fait de plus en plus pesant.

Un silence assourdissant

Comment expliquer ce silence assourdissant? Pourquoi ces pays restent-ils peu enclins à condamner Israël ou exiger un cessez-le-feu aussi bien à Gaza qu’au Liban? Une situation qui s’explique par l’étroitesse des relations de certains pays du Golfe avec l’État hébreu, vécue comme une pantalonnade par leurs propres populations et un coup de poignard dans le dos par les nombreux Palestiniens.

En effet, « la Palestine n’a pas connu un tel silence depuis les années de la Nakba », assure un analyste politique palestinien. « Nous vivons une nouvelle Nakba, mais avec le consentement des Arabes ». D’ailleurs, il ajoute qu’ « au niveau politique, ils ne soutiennent pas l’application des résolutions internationales; ni même les résolutions prises lors des sommets arabes. Pour eux, la cause palestinienne n’est qu’un slogan ». Terrible constant.

Du côté de ce qu’on appelle « la rue arabe », Karim Émile Bitar, professeur à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, évoque « un gouffre » entre les opinions publiques arabes et les gouvernants.

« Les opinions publiques sont dans leur écrasante majorité des soutiens de la question palestinienne. Elles sympathisent avec la souffrance des populations civiles libanaises et palestiniennes. En revanche, la grande majorité des leaders autoritaires de la région, directement inféodés aux États-Unis, doivent prendre en compte les considérations américaines. Car Washington assure leur maintien au pouvoir en leur apportant un soutien économique, militaire et politique », assure-t-il.

A cet égard, l’on peu expliquer ce silence coupable par les contours du « nouveau Moyen-Orient ». Lesquels ont pris forme en 2020 avec la signature des Accords d’Abraham. Et la normalisation des relations entre Israël et nombre de pays arabes, dont les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan. Ces accords, faut-il le rappeler, auront résisté à la guerre génocidaire menée par Israël dans la bande de Gaza et les bombardements meurtriers au Liban, avec leur corolaire de très lourd bilan humain.

Rappelons qu’en 2020, l’ancien président des Etats-Unis, Donald Trump poussa ces pays à parapher ces fameux accords reconnaissant de facto Israël comme un État souverain et initiant des relations diplomatiques avec Tel Aviv. D’autres pays du Golfe à l’instar de l’Arabie saoudite, le Koweït et Oman s’apprêtaient à prendre le train en marche lorsque le Hamas lança des attaques sans précédent dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023.  Retour à la case départ.

L’équation iranienne

Mais comment expliquer l’empressement de ces pays arabes à normaliser les relations avec l’ennemi héréditaire, en l’occurrence l’Etat hébreu?

C’est que, selon le vieil adage qui dit que « l’ennemi de mon ennemi est mon ami », l’État hébreu, les monarchies sunnites du Golfe, ainsi que plusieurs autres pays arabes, dont l’Égypte, rêvent  d’un « nouveau Moyen-Orient » où toute influence chiite iranienne est bannie. Comment? En fermant les yeux sur les tentatives de Tel-Aviv d’éliminer les principaux groupes militaires pro-iraniens, à savoir  le Hamas palestinien, le Hezbollah libanais et les Houthis yéménites. Du moins, leur affaiblissement fait l’affaire des pays du Golfe et notamment de l’Arabie saoudite.

Menace existentielle

Il faut dire qu’entre Riyad et le Hamas, les relations ont toujours été extrêmement tendues. En effet, l’Arabie saoudite, mais aussi l’Égypte considèrent les Frères musulmans, la mouvance dont est issu le Hamas, comme étant un « groupe terroriste ».

Ce qui explique que Ryad se frotte discrètement les mains quand le Hamas, le Hezbollah ou encore les Houthis sont affaiblis par les frappes israéliennes. Ceci dit, le prince héritier Mohamed Ben Salman, le dirigeant de facto du royaume, doit prendre en compte son opinion publique qui suit quotidiennement sur les réseaux sociaux les carnages en Palestine et au Liban. D’où sa position qui consiste désormais à dire qu’elle ne signera rien sans la création d’un État palestinien.

Mais pas n’importe lequel : un État palestinien qui serait administré par l’Autorité palestinienne, sans la moindre présence du Hamas. C’est le plan qu’aurait remis le prince saoudien au secrétaire d’État américain, Antony Blinken, en mai dernier.

Pour ce qui est du Hezbollah, une milice militairement et financièrement soutenue par Téhéran, il est également honni par l’Arabie saoudite, qui, pendant plusieurs années, a soutenu l’Alliance du 14-Mars, une coalition regroupant plusieurs partis politiques libanais opposés à l’influence de la Syrie et de l’Iran dans leur pays.

A savoir qu’en 2008, Riyad avait même proposé à Washington de mettre sur pied une force arabe chargée de combattre le Hezbollah au Liban, avec le soutien de l’ONU et de l’OTAN, selon une note diplomatique diffusée par WikiLeaks.

En 2022, l’Arabie saoudite et plusieurs autres monarchies du Golfe avaient même rappelé leurs ambassadeurs de Beyrouth. Et ce, après des propos controversés d’un ministre libanais proche du Hezbollah qui avait critiqué la guerre de la coalition multinationale, dirigée par le royaume wahabite contre les Houthis qu’on souhaite voire disparaître de la carte régionale.

C’est le même cas pour l’Égypte dont les liens surtout avec le Hamas sont anciens. Car cette organisation islamiste palestinienne est une émanation des Frères musulmans, confrérie sunnite née en Egypte en 1928. En 2013, le maréchal Abdel Fattah al-Sissi après son coup d’État contre le président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, est en affrontement direct avec les Frères musulmans, donc avec le Hamas.

Bref, si les Frères musulmans représentent un danger pour le régime actuel en Egypte, ils sont perçus comme une menace quasi existentielle pour les monarchies arabes. Car ils ont la prétention d’offrir un modèle islamiste de rechange aux régimes en place. Voici le fond du problème.

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