Un casse-tête nommé Doliprane!
Aïe! Aie! Aie! Ouille! Ouille! Ouille! J’ai des spasmes et je me tords de douleur. Je me creuse la cervelle car je risque de tendre la main dans la nuit noire vers le tiroir de ma table de chevet et qu’elle n’agrippe rien. Ma boîte magique jaune et rouge, ma boîte souffre-douleur, mon Doliprane adoré manque dans ma pharmacie de secours. Rien que d’y penser me donne un mal de tête terrible.
Mohsen Redissi *
Sanofi, grand groupe pharmaceutique français, fabricant de Doliprane entre autres, vient de diluer dans une solution saline le brevet de fabrication à des investisseurs outre-Atlantique, des Américains, pour la modique somme de 15 milliards d’euros. Une somme à vous donner le vertige. Le monde de la pharmacologie est en pleine effervescence.
Il est vrai que la production de ce médicament est devenue peu rentable, sa marge bénéficiaire est faible. C’est le médicament générique par excellence reproduit sous diverses appellations dans plus de 150 pays. Autant de pays, autant de fabricants et d’appellations locales ou internationales.
La fièvre derrière le gain est tombée, Dieu merci. Le patient est guéri mais les tiroirs-caisses des ventes de Doliprane se vident. Sanofi a pris le pouls de ses finances. S’en débarrasser est devenu un mal nécessaire, tel est le diagnostic du comité des sages, en blouse blanche vêtus, qui s’est penché cliniquement sur le malade. Un avis sans équivoque, bien loin de la déontologie médicale.
La logique financière pour éthique
La maison mère a décidé, en contrepartie de la vente, d’entreprendre une vaste opération de relooking en s’attaquant au développement de médicaments et de vaccins innovants plus coûteux mais plus chers à la vente. Le groupe est accusé de n’avoir que la logique financière pour éthique. S’investir dans les traitements sous brevets sera à coup sûr plus rentable que produire des tablettes en vente libre. L’équipe Sanofi semble avoir oublié pour l’occasion le serment, celui d’Hippocrate.
Doliprane est l’antidote fétiche de plusieurs générations; une potion magique couramment utilisée pour traiter divers types de douleurs et fièvres. Son principe actif, le paracétamol, est efficace contre les maux de tête, les douleurs dentaires ou articulaires ou menstruelles.
Il est aussi l’un des médicaments les plus consommés dans le monde pour plusieurs raisons. Il existe sous plusieurs formes, sous 26 formats différents d’après les experts.
Un médicament également délivré sans ordonnance
Doliprane et ses déclinaisons sont vendus en comprimés, en gélules, en capsules, en suppositoires, en sachets de poudre effervescente et même en sirop pour enfants. Une cuillerée ou une pastille suffit. Le placebo parfait. Un malade, frappé d’oubli à cause de la fièvre qui le ronge, reconnaît facilement sa place sur les étagères de sa pharmacie de proximité. Il n’a qu’à pointer du doigt pour être servi. Ce médicament est également délivré sans ordonnance, l’avoir à la maison et tenir la boîte entre des mains fébriles est le début de la guérison.
Le pays risque-t-il un jour de manquer de Doliprane? La vente du brevet de cet antidouleur aura-t-elle une quelconque incidence sur les contrats avec des pays tiers? On ne doit pas être surpris de voir des files d’attente devant les officines. Sommes-nous résolus à nous rabattre sur les herbes médicinales?
Sanofi, maison mère, tient à rassurer tout le monde que l’acheteur américain s’est engagé à honorer les termes des contrats et les mêmes engagements pris par la maison venderesse. Sommes-nous rassurés pour autant ?
* Fonctionnaire à la retraite.
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