Eclairage â Allemagne-Russie, la fin dâune illusion stratĂ©gique
En dĂ©nonçant un accord de coopĂ©ration militaro-technique vieux de deux dĂ©cennies avec lâAllemagne, Moscou acte la fin dâun dialogue stratĂ©gique post-Guerre froide. Un tournant symbolique fort qui entĂ©rine lâĂ©chec du modĂšle europĂ©en dâintĂ©gration pacifique de la Russie et consacre la montĂ©e des logiques de confrontation sur le continent.
Une rupture aux accents de guerre froide
La Russie a officiellement rompu lâaccord de coopĂ©ration militaro-technique signĂ© avec lâAllemagne au dĂ©but des annĂ©es 2000. Ce texte, devenu obsolĂšte depuis lâinvasion de lâUkraine, permettait des Ă©changes technologiques et la maintenance de matĂ©riel hĂ©ritĂ© de lâex-RDA. Si ses effets pratiques Ă©taient dĂ©jĂ inexistants depuis 2022, son abandon prend une forte charge politique.
Moscou envoie un message clair : Berlin nâest plus un partenaire, mais un adversaire stratĂ©gique. Ce geste traduit un changement de perception radical, qui scelle la fin dâun espoir : celui dâune Russie intĂ©grĂ©e Ă lâordre europĂ©en.
Berlin renonce au dialogue et choisit lâatlantisme
Du cĂŽtĂ© allemand, cette rupture formelle nâest que le point dâorgue dâune transformation stratĂ©gique entamĂ©e dĂšs le dĂ©but de la guerre en Ukraine. Le gouvernement Scholz avait opĂ©rĂ© un revirement sans prĂ©cĂ©dent : rĂ©armement accĂ©lĂ©rĂ©, soutien militaire massif Ă Kiev, et abandon dĂ©finitif du projet Nord Stream 2.
LâAllemagne, longtemps perçue comme la voix modĂ©rĂ©e dâEurope face Ă Moscou, sâaligne dĂ©sormais sans ambiguĂŻtĂ© sur la position amĂ©ricaine. Elle renonce ainsi Ă son rĂŽle de mĂ©diateur, hĂ©ritier du Wandel durch AnnĂ€herung, cette doctrine de rapprochement par lâinterdĂ©pendance Ă©conomique chĂšre Ă Willy Brandt.
La Russie tourne la page de lâEurope
Pour Moscou, cette rupture sâinscrit dans une dynamique de dĂ©couplage stratĂ©gique plus vaste. PrivĂ©e dâaccĂšs aux technologies occidentales, la Russie accĂ©lĂšre sa coopĂ©ration militaire avec la Chine, lâIran ou encore la CorĂ©e du Nord. Elle ne cherche plus Ă prĂ©server un lien avec lâEurope, mais Ă affirmer une autonomie stratĂ©gique complĂšte.
La rupture avec Berlin confirme une tendance plus large : lâabandon de toute illusion de rapprochement avec lâOccident. Moscou assume une posture de confrontation, dans un monde quâelle juge dĂ©sormais structurĂ© par la force, les blocs et la rivalitĂ© systĂ©mique.
Lâeffondrement dâun projet europĂ©en
Ce divorce russo-allemand incarne lâĂ©chec dâune architecture sĂ©curitaire europĂ©enne fondĂ©e sur trois piliers : la coopĂ©ration Ă©conomique, le dialogue stratĂ©gique, et lâespoir dâintĂ©grer la Russie dans un ordre continental pacifiĂ©. Ces fondements se sont effondrĂ©s les uns aprĂšs les autres.
La guerre en Ukraine nâa pas seulement figĂ© les positions militaires, elle a figĂ© les rĂŽles politiques : lâAllemagne devient un rempart, la Russie une menace, et lâEurope un théùtre de polarisation croissante.
In fine, le dialogue nâest plus une option
Au-delà de sa portée technique, la fin de cet accord militaire incarne une cassure idéologique et stratégique. Les passerelles construites laborieusement depuis les années 1990 sont désormais démantelées. Berlin et Moscou ne se parlent plus, ne coopÚrent plus, et surtout, ne se font plus confiance.
Dans cette nouvelle Ăšre de rivalitĂ©s assumĂ©es, la diplomatie du compromis cĂšde la place Ă la logique de bloc. Le rĂ©alisme stratĂ©gique impose une vĂ©ritĂ© brute : on ne coopĂšre pas avec celui que lâon perçoit comme un ennemi. Une Ă©poque sâachĂšve. Une autre, plus instable, vient de commencer.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-EconomĂštre.
Ancien Enseignant-Chercheur Ă lâISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de lâInstitut Africain
DâEconomie FinanciĂšre (IAEF-ONG)
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