Autoentrepreneur : Genèse d’un statut dont l’idée née à l’IACE est concrétisée sous le gouvernement Madouri !
Rendre à César ce qui est à César et reconnaître le mérite de ceux qui prennent le temps de réfléchir, d’étudier et d’évaluer avant de décider. C’est le cas de l’idée “Autoentrepreneur” en Tunisie née à l’IACE lorsque l’un des membres de l’équipe technique a parlé du succès de l’expérience marocaine de l’autoentrepreneur. Intéressés par l’idée, les économistes de l’IACE ont proposé un projet de loi pour un statut de l’autoentrepreneur en Tunisie* et l’ont soumis, en 2018, au gouvernement de l’époque.
Dans le préambule de la présentation IACE du projet de loi, on citait le taux de chômage élevé, principalement parmi les diplômés de l’enseignement supérieur, et la crise économique incitant au développement de l’entrepreneuriat et des micro-projets.
Le processus entrepreneurial passe par les trois phases amorçage, développement, et transmission, le statut de l’auto-entrepreneur permet de lancer des projets de petite taille avec des ressources limitées, souvent dans des marchés de niche, et de les développer progressivement.
L’étude réalisée par l’IACE insiste sur l’importance du statut officiel de l’auto-entrepreneur pour lutter contre l’économie informelle. “L’auto-entrepreneur s’adresse souvent à un marché de niche ce qui lui permet d’acquérir de l’expérience pour peut-être se développer par la suite à des segments de marché plus étendus”.
Toutes les réglementations encourageant la création de projets individuels, comme les décrets de 2000 et 2008 et la loi de 2007 sur l’initiative économique n’ont pas été d’une grande efficience : “Bien que ces lois aient fortement contribuées à la simplification de l’activité entrepreneuriale, le régime fiscal et social peu avantageux demeurent une entrave à la création d’entreprises individuelles”.
Depuis, l’idée et le projet de loi proposés par l’IACE ont fait leur chemin et aujourd’hui les prétendants au statut d’autoentrepreneur peuvent accéder à la couverture sociale, aux cartes de soins, à la pension de retraite, à l’assurance travail.
Le lancement de la plateforme autoentrepreneur “Moubader” facilite comme signifié par nombre de médias les démarches administratives et raccourcit les délais confortant ainsi l’idée d’une auto-entreprise dont la gestion est simple et où le micro-entrepreneur n’a pas à se plier à la plupart des formalités inhérentes aux autres entreprises telle la rédaction des statuts ou la réalisation de bilans comptables.
Une belle loi à compléter
La loi dans son intégralité est appréciable, si ce n’est quelques clauses initialement prévues dans la loi qui ont été modifiées. Ainsi, les changements apportées dans le cadre de la loi des Finances 2023 a exclu le secteur agricole ? Pourquoi ? Nous ne pouvons prétendre que c’est parce que les agriculteurs bénéficient de régimes spéciaux, il en est de même pour les commerçants et les industriels qui bénéficient du régime forfaitaire alors pourquoi exclure l’agriculteur ? Pourquoi ne pas permettre à l’agriculteur de choisir entre le régime spécial qui régit son activité et le statut de l’autoentrepreneur beaucoup plus souple, moins coûtant et contraignant pour lui ?
Autre point à améliorer, le chiffre d’affaires estiment certains experts qui pensent que le fait de limiter le plafond financier à 75.000 Dt est très réducteur. Conjugué au fait que le glissement du dinar a pour conséquence une valeur moindre aujourd’hui à celle de 2020, la marge des 20 % de revenus, soit 15.000 Dt nets peut-elle suffire à assurer une vie confortable et convenable à l’autoentrepreneur ?
Pourquoi ne pas fixer le plafond financier à 100 000 Dt tels ceux soumis au régime forfaitaire ou même 150.000 dinars pour encourager le maximum de personnes à intégrer le statut autoentrepreneur ? Soit un montant qui permet à l’intéressé de disposer de 30.000 dinars de bénéfices nets, ce qui est acceptable !
Obliger un autoentrepreneur à passer au régime réel à partir d’un chiffre d’affaires de plus de 75.000 dinars est assez contraignant et coûte très cher alors que le régime de l’autoentrepreneur est très souple.
Il aurait été plus simple de doubler le montant des impôts les faisant passer de 200 Dt à 400 Dt par an et augmenter le plafond du chiffre d’affaires. D’autre part, pourquoi interdire aux patentés dont le chiffre d’affaires n’est pas important d’adopter le statut d’autoentrepreneur ? Devons-nous les pénaliser parce qu’ils ont choisi dès le début de travailler dans la lumière, de respecter les lois et d’évoluer dans le secteur formel ? Devons-nous les punir parce qu’ils sont disciplinés ?
“Une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi ; mais elle doit être loi parce qu’elle est juste.” Disait Montesquieu.
No comment
Amel Belhadj Ali
* https://www.iace.tn/wp-content/uploads/2018/02/NBA_statut_autoentrepreneur.pdf