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Condamnés à des peines de prison, des créateurs de contenu font appel

En Tunisie, les avocats de certains créateurs de contenu ont interjeté appel et contesté les décisions prononcées, ce mois-ci, à l’encontre de leurs clients poursuivis pour des contenus jugés attentatoires à la morale publique et aux bonnes mœurs.

C’est ce qu’a déclaré à l’agence TAP, Me Ghazi Mrabet, avocat de l’une des accusées. La date des audiences d’appel n’a pas encore été fixée, a-t-il ajouté.

Début novembre, la justice a prononcé des peines d’emprisonnement contre cinq créateurs de contenu, allant de 18 mois à quatre ans et demi.

Le ministère de la Justice avait demandé, fin octobre, au parquet de prendre les mesures judiciaires nécessaires pour lutter contre des contenus sur les réseaux sociaux, notamment TikTok et Instagram, jugés contraires aux bonnes mœurs, immorales ou contraires aux valeurs de la société.

Après le verdict rendu dans cette affaire, le porte-parole des tribunaux de première instance de Monastir et Mahdia, Farid Ben Jha, a déclaré, aux médias, que la justice a prononcé la peine maximale prévue par la loi.

Il a précisé que les accusés, tout comme le ministère public, peuvent interjeter appel. La cour d’appel peut soit confirmer, diminuer ou aggraver les peines. Elle peut également remplacer la peine d’emprisonnement par des peines alternatives, telles que le travail d’intérêt général.

Les dispositions de la loi

Dans ce genre d’affaires, la justice s’appuie sur une série de lois prévues, principalement, par le Code des télécommunications, le Code pénal et de la loi relative à la lutte contre les infractions des systèmes d’information et de communication, selon Farid Ben Jha.

Il a, à ce propos, expliqué que les poursuites judiciaires contre certain de ces « créateurs de contenus » ont été engagées sur les dispositions des articles 86 du Code des télécommunications, 226 et 226 bis du Code pénal, ainsi que des articles 24 et 25 de la loi sur la lutte contre les infractions des systèmes d’information et de communication.

L’article 86 du Code des télécommunications prévoit que Est puni d’un emprisonnement d’an à deux ans et d’une amende de cent à mille dinars quiconque sciemment nuit aux tiers ou perturbe leur quiétude à travers les réseaux publics des télécommunications.

L’article 226 du Code pénal dispose que: Est puni de six mois d’emprisonnement et de quarante huit dinars d’amende, quiconque se sera, sciemment, rendu coupable d’outrage public à la pudeur.

Selon l’article 226 bis, qui a été ajouté par la loi n° 2004-73 du 2 août 2004):

Est puni de six mois d’emprisonnement et d’une amende de mille dinars quiconque porte publiquement atteinte aux bonnes moeurs ou à la morale publique par le geste ou la parole ou gène intentionnellement autrui d’une façon qui porte atteinte à la pudeur.

Est passible des mêmes peines prévues au paragraphe précédent, quiconque attire publiquement l’attention sur une occasion de commettre la débauche, par des écrits, des enregistrements, des messages audio ou visuels, électroniques ou optiques.

L’article 24 de la loi sur la lutte contre les infractions des systèmes d’information et de communication prévoit:

Est puni de six mois d’emprisonnement et d’une amende de cinq mille dinars quiconque utilise intentionnellement un système d’information ou de communication pour la propagation de données contenant des paroles obscènes ou un outrage aux bonnes mœurs.

La peine est de 3 ans d’emprisonnement et d’une amende de dix mille dinars si le contenu des données vise à inciter à l’adultère ou à l’impudicité.

Selon l’article 25 de la même loi:

Est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de cinquante mille dinars quiconque utilise intentionnellement un système d’informations pour le traitement des données personnelles d’autrui afin de les lier à un contenu portant atteinte aux bonnes mœurs ou les montrer d’une manière blessant son honneur et son estime.

Les Tunisiens et les réseaux sociaux

Il ressort d’une étude réalisée par la « Fondation Media Net » et publiée en avril 2024 que 7 millions 700 mille Tunisiens ont une page Facebook, soit une évolution de 14 pc par rapport à 2023.

La même étude souligne que les utilisateurs d’Instagram se chiffrent à 3 millions 512 mille Tunisiens enregistrant une hausse de 19 pc par rapport au mois de janvier 2023.

A noter que 2 millions 320 mille Tunisiens sont inscrits à la plateforme Linked-In.

L’application Messenger occupe la deuxième place, en termes d’utilisation suivi de Tik Tok avec une hausse qui a atteint 75 pc.

Les utilisateurs de Facebook sont de la tranche d’âge entre 35 et 54 ans (31 pc). Cette plateforme est moins utilisée par les jeunes de 25 à 34 ans qui sont beaucoup plus porté sur Instragram, alors que le réseau Tik Tok est le plus utilisé par les moins de 24 ans.

A l’heure des « influenceurs et des créateurs de contenus » tunisiens actifs sur les réseaux sociaux, l’Etat a mis en place une cellule chargée d’enquêter et d’exploiter les informations qui les concernent en vue de les soumettre au devoir fiscal.

La ministre des Finances, Sihem Nemsia Boughdiri, avait, lors de la discussion du budget du département pour l’exercice 2025, rappelé qu’un contrôle fiscal de 15 millions de dinars a été réalisé pour cette catégorie.

Sensibilisation et application de la loi

Commentant les peines de prison infligées à des créateurs de contenu tunisiens, le doyen de la Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de l’Ariana Wahid Ferchichi a souligné qu’en droit, les premières règles à prendre en considération sont la proportionnalité et la nécessité et qui ne le sont pas dans cette affaire.

Dans une déclaration à la TAP, il a ajouté qu’en aucun cas la dissuasion par la loi n’a été la meilleure solution pour protéger la société en général, les enfants et les adolescents en particulier contre les « contenus inacceptables ».

Le crime éthique est un crime relatif et la sanction punitive doit intervenir en dernier et décidée dans de rares exceptions, a-t-il poursuivie.

La responsabilité de protéger les enfants et les adolescents incombent en premier lieu aux parents estime l’universitaire qui insiste tout autant sur la révision des systèmes éducatifs pour sensibiliser les jeunes générations des risques des réseaux sociaux.

Dans ce contexte, le sociologue Fathia Saidi a fait observer que les réseaux sociaux constituent à un espace public virtuel qui reflète toutes les orientations, visions, avis et comportements de la société, ce qui exige de nous, aujourd’hui, d’inscrire l’éducation aux nouvelles technologies dans les programmes scolaires.

Pour la sociologue, il est également nécessaire d’accompagner et d’orienter les jeunes et d’établir des liens de confiance et d’échange entre parents et jeunes générations.

Saidi estime que la solution ne réside pas dans le placement des « créateurs de contenu » en prison.

La punition par la prison approfondit le sentiment d’injustice et nourrit de la compassion envers les détenus.

La peine de prison peut dissuader et réduire les contenus de mauvaise qualité, mais ses effets restent limités dans le temps. De plus elle n’aura pas d’impact sur les comportements. Pire, elle produira un effet contraire.

Avec TAP

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Amnesty s’inquiète des condamnations d’influenceurs en Tunisie

Amnesty International Tunisie a exprimé sa profonde préoccupation face aux peines de prison prononcées contre de nombreux influenceurs des réseaux sociaux pour des accusations liées aux valeurs morales. Et appelé les autorités à mettre fin à ce qu’elle qualifie de «campagne punitive».

Dans une note sur Facebook, Amnesty International Tunisie rappelle que les expressions qui pourraient être considérées comme offensantes ne constituent pas des infractions pénales au regard du droit international et ne doivent pas faire l’objet de poursuites pénales ni entraîner de peines de prison.

Amnesty «appelle donc les autorités tunisiennes à mettre un terme à la campagne punitive et à la répression de la liberté d’expression et de publication et met en garde contre les manœuvres visant à faire taire et limiter toutes les voix dissidentes au niveau social et culturel».

L’association souligne également «la nécessité de garantir le droit à la dissidence et à l’égalité pour tous, indépendamment de l’identité, de l’expression ou du choix de genre, et de se concentrer sur le respect des normes internationales des droits de l’homme et du droit à la liberté d’expression».

Sur la base de l’article 226 bis du code pénal tunisien, plusieurs Instagrammers et TikTokers tunisiens ont récemment été jugés et condamnés à des peines de prison allant d’un à cinq ans. Certains sont incarcérés, d’autres sont toujours à l’étranger.

L’article 226 bis prévoit que «quiconque viole publiquement les bonnes mœurs ou la moralité publique par des gestes ou des paroles ou gêne intentionnellement autrui d’une manière ou d’une autre, est puni de six mois d’emprisonnement et d’une amende de mille dinars pour atteinte à la pudeur.

«Quiconque signalera publiquement la possibilité de commettre des troubles par des écrits, des enregistrements, des messages audio ou visuels, électroniques ou optiques, sera puni des mêmes sanctions prévues à l’alinéa précédent.»

Tandis que l’article 231 du même code prévoit : «En dehors des cas prévus par la législation en vigueur, les femmes qui, par des gestes ou des paroles, s’offriront aux passants ou se prostitueront, même occasionnellement, seront punies de six mois d’emprisonnement et d’une amende de 20 à 200 dinars».

I. B.

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