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DOSSIER SPECIAL – Les BRICS abandonnent le projet de monnaie unique : Analyse des implications économiques et géopolitiques

ZOOM 2. Conséquences économiques pour les BRICS après l’abandon du projet de monnaie unique

L’abandon du projet de monnaie unique au sein des BRICS entraîne des conséquences significatives pour ces pays sur les plans de leur autonomie économique, de leurs relations commerciales, et de leur positionnement dans le commerce international.

 

  • Première conséquence significative via un maintien des monnaies nationales : Une autonomie économique renforcée mais une intégration limitée

Autonomie économique renforcée :

L’abandon du projet de monnaie unique pour les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) permet à chaque pays de conserver le plein contrôle de sa politique monétaire. Cela a plusieurs implications :

– Politique monétaire indépendante : chaque pays peut ajuster ses taux d’intérêt en fonction de ses propres besoins économiques. Par exemple, le Brésil peut augmenter ses taux pour lutter contre l’inflation, tandis que l’Inde pourrait les abaisser pour stimuler la croissance. Cette flexibilité permet de répondre rapidement aux chocs économiques internes et externes.

– Gestion des réserves de change : Les pays peuvent gérer leurs réserves de change selon leurs priorités. Par exemple, la Chine, avec sa forte base d’exportations, pourrait choisir de maintenir des réserves en dollars pour stabiliser sa devise, tandis que l’Afrique du Sud pourrait se concentrer sur des réserves en rand pour soutenir sa monnaie locale.

– Réactions aux crises économiques : en période de crise, chaque pays peut mettre en œuvre des politiques adaptées à ses propres défis. Par exemple, en cas de crise alimentaire, le Brésil peut agir sur les subventions agricoles sans se soucier des implications sur une monnaie unique.

Intégration limitée :

Malgré ces avantages, le maintien des monnaies nationales présente plusieurs limitations en termes d’intégration économique :

– Coûts de transaction élevés : avec des monnaies différentes, les échanges intra-BRICS impliquent des coûts de conversion de devises et des frais bancaires. Cela peut décourager le commerce intra-groupe, qui est essentiel pour renforcer les liens économiques.

– Fluctuation des devises : les fluctuations des monnaies locales par rapport au dollar et à l’euro peuvent rendre les échanges commerciaux plus risqués. Par exemple, si le rouble russe se déprécie par rapport au dollar, cela peut rendre les produits russes moins compétitifs sur le marché international, nuisant ainsi aux exportations de la Russie vers d’autres membres des BRICS.

– Moins de coopération économique : une monnaie unique aurait pu favoriser une plus grande coopération économique et politique entre les membres des BRICS. L’absence d’une telle monnaie peut créer des rivalités et des tensions, car chaque pays poursuit ses propres intérêts économiques, ce qui nuit à l’harmonie et à la collaboration au sein du groupe.

– Exposition aux fluctuations des marchés mondiaux : les pays des BRICS restent vulnérables aux fluctuations des devises mondiales. Par exemple, en période de hausse de la valeur du dollar, les pays qui dépendent fortement des importations peuvent voir leurs coûts augmenter, ce qui peut nuire à la croissance économique.

En somme, le choix de maintenir les monnaies nationales permet aux pays des BRICS de préserver leur autonomie économique, ce qui est crucial pour gérer leurs économies diverses. Toutefois, cette autonomie vient avec des compromis, notamment en matière d’intégration économique et de compétitivité sur le marché mondial.

L’absence d’une monnaie unique pourrait limiter les opportunités d’expansion économique et de coopération entre les pays membres, rendant leur union moins cohérente à long terme. La nécessité d’une stratégie commune pour surmonter ces défis sera cruciale pour déterminer l’avenir économique des BRICS.

 

  • Deuxième conséquence significative via un renforcement des relations bilatérales : Une alternative pragmatique mais potentiellement fragmentaire

L’abandon du projet de monnaie commune des BRICS pourrait pousser les pays membres à développer des relations bilatérales et multilatérales plus intenses en réponse aux défis économiques et monétaires qu’ils rencontrent. Bien que cette approche pragmatique présente de nombreux avantages, elle pourrait également engendrer des conséquences négatives pour l’unité et la cohésion du groupe.

Au niveau des accords commerciaux bilatéraux,

  • Diversification des modalités de paiement :

Les pays des BRICS pourraient établir des accords commerciaux qui permettent les paiements en monnaies nationales, comme le yuan chinois, le rouble russe ou la roupie indienne. Ces accords peuvent inclure :

– Élimination du dollar : en réduisant la dépendance vis-à-vis du dollar américain, ces pays pourraient minimiser les effets des fluctuations du dollar sur leurs économies, ce qui renforcerait leur souveraineté économique.

– Stimulation du commerce intra-BRICS : en facilitant les transactions en monnaies locales, ces accords pourraient accroître le volume du commerce entre les différents pays membres. Par exemple, un accord de commerce entre le Brésil et l’Inde pourrait encourager les exportations agricoles brésiliennes, tout en permettant à l’Inde d’exporter des technologies et des services.

– Développement de chaînes d’approvisionnement régionales : les accords bilatéraux peuvent encourager les pays à établir des chaînes d’approvisionnement régionales, réduisant ainsi les coûts logistiques et améliorant l’efficacité économique.

Risques de fragmentation :

Cependant, l’accent mis sur les accords bilatéraux peut avoir des implications négatives :

– Inégalité dans les relations commerciales : les pays plus puissants économiquement, comme la Chine, pourraient dominer les accords, ce qui pourrait conduire à des déséquilibres dans les échanges et à des tensions entre les membres.

– Compétition plutôt que coopération : en se concentrant sur des relations bilatérales, les pays pourraient devenir plus compétitifs que coopératifs, ce qui pourrait empêcher l’établissement d’une stratégie collective sur des enjeux globaux tels que le changement climatique ou la sécurité économique.

Fonds de stabilisation communs

Création de mécanismes de soutien :

Les pays BRICS pourraient renforcer des mécanismes comme le BRICS Contingent Reserve Arrangement (CRA), qui permet aux pays membres d’accéder à des réserves de liquidité en cas de besoin. Cela pourrait inclure :

– Accords de swap de devises : les pays membres pourraient établir des accords de swap pour faciliter l’accès à des devises étrangères, réduisant ainsi leur vulnérabilité aux chocs économiques et monétaires. Par exemple, un accord entre la Chine et l’Inde permettrait à l’Inde d’accéder à des yuans en cas de besoin urgent de liquidité.

– Mécanismes de financement d’urgence : en cas de crise économique ou financière, un fonds commun pourrait être utilisé pour aider les pays en difficulté, sans avoir besoin de passer par le dollar américain ou le Fonds monétaire international (FMI), ce qui renforcerait leur indépendance.

Risques d’inefficacité et de fragmentation :

Malgré ces avantages, la dépendance accrue aux fonds de stabilisation communs pourrait présenter des défis :

– Gestion complexe : la mise en place de mécanismes de financement communs peut entraîner des complications administratives et des divergences dans les priorités économiques des États membres, rendant la prise de décision collective difficile.

– Fragmentation de l’unité : en se concentrant sur des solutions bilatérales et des fonds de stabilisation, les pays pourraient perdre de vue l’importance d’une approche collective, ce qui pourrait affaiblir l’identité et la solidarité du groupe BRICS.

En fait, le renforcement des relations bilatérales à la suite de l’abandon de la monnaie unique représente une réponse pragmatique aux défis économiques rencontrés par les BRICS. Toutefois, cette stratégie comporte des risques de fragmentation qui pourraient entraver la coopération à long terme et creuser les divergences entre les membres.

Les BRICS devront naviguer avec soin pour trouver un équilibre entre l’autonomie économique par le biais d’accords bilatéraux et la nécessité de maintenir une unité stratégique au sein du groupe. Les pays membres devront également travailler à la mise en place de mécanismes de gouvernance qui favorisent une prise de décision collective tout en tenant compte des intérêts spécifiques de chaque pays.

 

  • Troisième conséquence significative via un Impact sur le commerce international d’une dépendance persistante au dollar et une influence réduite.

L’absence d’une monnaie commune au sein des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) a des conséquences notables sur le commerce international, en particulier en ce qui concerne la dépendance persistante au dollar américain. Bien que chaque pays puisse préserver sa souveraineté monétaire, cette situation présente plusieurs défis pour leurs relations commerciales et leur influence dans le système financier mondial.

Exposition aux fluctuations du dollar

Volatilité des taux de change :

Les économies BRICS continueront d’être exposées aux fluctuations du dollar, ce qui complique la gestion de leurs balances commerciales.

Les impacts incluent :

– Coûts d’importation et d’exportation : les variations du dollar peuvent affecter le coût des biens importés et les revenus des exportations. Par exemple, une appréciation du dollar rendra les importations plus coûteuses pour les pays qui doivent acheter des matières premières libellées en dollars. Inversement, une dépréciation du dollar pourrait réduire les revenus d’exportation des pays qui vendent leurs produits sur les marchés mondiaux mais dont les prix sont souvent indexés sur le dollar.

– Instabilité économique : l’instabilité des taux de change peut rendre difficile la planification économique à long terme. Les entreprises exportatrices et importatrices des BRICS doivent gérer des risques de change, ce qui peut augmenter les coûts de transaction et nuire à la compétitivité.

– Impact sur les investissements étrangers : les fluctuations du dollar peuvent également influencer les décisions d’investissement. Les investisseurs peuvent être moins enclins à investir dans des économies dont la monnaie est volatile par rapport au dollar, ce qui peut freiner le développement économique des pays BRICS.

Incapacité à contester l’hégémonie du dollar

Dépendance aux institutions dominées par l’Occident

Sans une monnaie commune, les BRICS renoncent à une opportunité de contester l’hégémonie du dollar et à sa position prépondérante dans le système financier international. Cela entraîne plusieurs implications :

– Maintien des structures de pouvoir établies : le dollar domine les transactions internationales, ce qui signifie que les BRICS continuent de dépendre des institutions financières comme le FMI et la Banque mondiale, qui sont largement influencées par les pays occidentaux. Cette dépendance limite leur capacité à façonner les règles et les normes économiques qui régissent le commerce international.

– Faible pouvoir de négociation : l’absence d’une monnaie unique signifie que les BRICS n’ont pas de contrepoids significatif au dollar. Cela affaiblit leur pouvoir de négociation sur les marchés internationaux et dans les discussions économiques mondiales. Les pays membres restent souvent à la merci des dynamiques du marché dominées par les grandes puissances occidentales.

  • Promotion de l’usage des monnaies nationales

Initiatives de certains membres :

Bien que l’absence d’une monnaie commune limite l’influence globale des BRICS, certains membres, en particulier la Chine, continuent d’expérimenter des alternatives au dollar :

– Accords de swap monétaires : la Chine a établi des accords de swap monétaires avec plusieurs pays, facilitant ainsi le commerce bilatéral en utilisant le yuan plutôt que le dollar. Cela permet une réduction partielle de la dépendance au dollar dans certaines transactions, surtout avec des partenaires commerciaux en développement.

– Infrastructures pour le yuan : la promotion du yuan comme monnaie d’échange dans le commerce international et au sein de blocs régionaux, comme l’Initiative de la ceinture et de la route, pourrait renforcer l’usage du yuan. Cela pourrait également inciter d’autres pays BRICS à envisager des solutions similaires pour réduire leur dépendance au dollar.

– Développement d’alternatives : d’autres pays BRICS, tels que la Russie, cherchent également à diversifier leurs réserves de change et à promouvoir l’utilisation de leurs monnaies nationales dans le commerce. Cela représente une tentative de réduire l’influence du dollar, bien que l’impact immédiat sur le commerce international reste encore limité. 

 

En définitive, l’absence d’une monnaie commune pour les BRICS entraîne une dépendance continue au dollar américain, exposant les économies à sa volatilité et limitant leur influence dans le système financier mondial. Bien que certains membres, comme la Chine, explorent des alternatives en promouvant l’utilisation de leur propre monnaie, ces initiatives ne suffisent pas à contester l’hégémonie du dollar à l’échelle internationale.

À long terme, pour que les BRICS augmentent leur influence sur le commerce international, ils devront envisager des stratégies collectives qui favorisent une coopération accrue, tout en diversifiant leurs relations économiques et en développant des mécanismes de soutien mutuel.

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DOSSIER SPECIAL – Les BRICS abandonnent le projet de monnaie unique : analyse des implications économiques et géopolitiques

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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DOSSIER SPECIAL – Les BRICS abandonnent le projet de monnaie unique : analyse des implications économiques et géopolitiques

Le groupe des BRICS, composé du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud, a longtemps été considéré comme une force montante sur la scène mondiale. Avec des économies en forte croissance et une volonté d’affirmer leur influence face aux puissances occidentales, l’idée d’une monnaie unique BRICS a suscité de nombreux débats.

Cependant, l’abandon récent de ce projet soulève des questions sur l’unité de ce bloc et sur les implications pour l’économie mondiale. Cet article propose une analyse des raisons de cet abandon, des conséquences pour les pays membres et des ramifications géopolitiques.

 

ZOOM 1. Les raisons de l’abandon du projet de monnaie commune

 

Le projet d’une monnaie unique parmi les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) a été régulièrement évoqué dans les cercles économiques et politiques. Mais il reste largement irréalisable pour plusieurs raisons.

Les défis liés à ce projet sont enracinés dans des différences structurelles, des risques financiers et des désaccords géopolitiques.

 

  • Premier défi, la diversité économique et politique

L’hétérogénéité économique et politique entre les membres des BRICS constitue un obstacle majeur :

– Niveaux de développement variés : les BRICS regroupent des économies à des stades de développement très différents. La Chine, par exemple, est une puissance économique dominante, avec un PIB par habitant plus élevé et une industrie hautement développée. Alors que des pays comme l’Inde ou l’Afrique du Sud restent marqués par des défis sociaux et économiques significatifs, comme la pauvreté et les inégalités.

– Structures économiques divergentes : les pays BRICS ont des bases économiques distinctes. La Russie repose principalement sur les exportations de matières premières, notamment le pétrole et le gaz. Tandis que l’Inde et le Brésil sont plus axés sur l’agriculture, les services et l’industrie légère. Ces différences rendent la coordination économique et monétaire extrêmement complexe.

– Systèmes politiques incompatibles : les approches politiques varient également. La Chine, avec un modèle socialiste autoritaire, contrôle étroitement ses flux financiers et son système monétaire. À l’inverse, le Brésil et l’Inde fonctionnent sur des systèmes démocratiques plus libéraux, avec une gestion monétaire influencée par des institutions indépendantes. Ces différences limitent les possibilités d’un cadre monétaire commun.

 

  • Deuxième défi, l’instabilité financière et le risque de change

L’instabilité économique dans plusieurs des pays BRICS complique l’idée d’une monnaie unique.

 

– Fluctuations des devises nationales : les devises des BRICS sont particulièrement sujettes à la volatilité. Par exemple, le rouble russe a subi de fortes dévaluations en raison des sanctions internationales et de la guerre en Ukraine. Tandis que le real brésilien est fréquemment affecté par des crises politiques internes. Une telle instabilité rend difficile la fixation de taux de conversion initiaux pour une monnaie commune.

– Risques liés aux crises économiques : certains pays des BRICS, comme l’Afrique du Sud, connaissent une fragilité économique chronique, marquée par des déficits budgétaires, une inflation élevée et un faible potentiel de croissance. Intégrer de telles économies dans une union monétaire pourrait déstabiliser l’ensemble du bloc.

– Absence de mécanismes de stabilisation : contrairement à la zone euro, les BRICS ne disposent pas d’un fonds commun ou d’une politique budgétaire intégrée pour amortir les chocs économiques asymétriques entre leurs membres. L’absence de ces mécanismes exacerbe le risque de déséquilibres.

 

  • Le troisième défi, l’absence de consensus politique

Les divergences géopolitiques entre les membres des BRICS représentent un frein supplémentaire.

 

– Conflits entre membres : la rivalité sino-indienne est particulièrement significative. Les tensions frontalières récurrentes et la méfiance stratégique entre ces deux puissances limitent leur volonté de coopération. Ces divergences créent un climat peu propice à des discussions approfondies sur des projets ambitieux comme une monnaie unique.

– Vision économique contrastée : la Chine, souvent perçue comme le leader de facto des BRICS, privilégie des solutions où elle maintient une influence dominante. Cela peut être perçu comme une menace par d’autres membres, comme l’Inde ou le Brésil, qui souhaitent préserver leur souveraineté économique et politique.

– Manque d’harmonisation des priorités : les intérêts nationaux des BRICS divergent également sur des questions cruciales. Par exemple, la Russie, sous sanctions économiques, cherche des alternatives rapides pour contourner le système monétaire international dominé par le dollar. Tandis que des pays comme le Brésil ou l’Afrique du Sud, plus intégrés dans les marchés occidentaux, sont moins pressés d’adopter des mesures drastiques.

 

En définitive, l’abandon du projet de monnaie unique des BRICS résulte d’un mélange de contraintes structurelles, économiques, et politiques. La diversité économique et politique des membres complique la création d’un cadre monétaire homogène.

Par ailleurs, les risques financiers, amplifiés par l’instabilité de certaines devises nationales, rendent une monnaie commune peu viable. Enfin, les divergences géopolitiques et l’absence de consensus politique freinent toute initiative concertée.

Plutôt que de poursuivre l’idée d’une monnaie unique, les BRICS semblent se concentrer sur des objectifs plus pragmatiques, comme le développement d’instruments financiers pour renforcer le commerce intra-BRICS ou la dédollarisation progressive de leurs échanges.

 

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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ZOOM – ECLAIRAGE : croissance en hausse, chômage en augmentation, comment l’expliquer ?

L’INS a récemment publié, coup sur coup, les estimations de la croissance économique et les estimations de l’emploi et du chômage. Extraits :  

  • Croissance économique au troisième trimestre 2024.

Les estimations issues des comptes nationaux trimestriels montrent que le Produit Intérieur Brut (PIB) en volume, corrigé des variations saisonnières, a enregistré une croissance au taux de 1.8 % sur un an au cours du troisième trimestre de l’année en cours. En rythme annuel, la croissance marque ainsi une nette amélioration comparativement à celui estimé au cours du deuxième quart de l’année 2024 (1.0 %).

En glissement trimestriel, c’est-à-dire par rapport au deuxième trimestre de l’année en cours, le PIB en volume aura progressé de 0.8 %, contre une augmentation au taux de 0.2% au trimestre précédent.

Sur cette base, l’économie tunisienne a enregistré une croissance de 1.0% au cours des neuf premiers mois de l’année en cours. ( https://www.ins.tn/publication/la-croissance-economique-au-troisieme-trimestre-2024 ).

  • Emploi et chômage.

Le Taux de chômage stable à 16,0 %, mais on note une légère augmentation du nombre de chômeurs. Au troisième trimestre de l’année 2024, le nombre de chômeurs est estimé à 667,2 mille, contre 661,7 mille au deuxième trimestre. Le taux de chômage reste stable à 16,0 % (contre 16,0 % au deuxième trimestre du même année). Par sexe, le taux de chômage diminue a 13,3% pour les hommes (13,6 % au deuxième trimestre 2024). Alors que pour les femmes le taux de chômage augmente a 22,1 % au troisième trimestre 2024 (21,3 % au trimestre précédent). ( https://www.ins.tn/sites/default/files-ftp3/files/publication/pdf/Note_Emploi_T3_2024.pdf ).

 

Ces publications sont fortement controversées, voire même tournées en dérision.  

Certains experts en économie ont exprimé des doutes concernant les derniers indicateurs publiés par l’Institut National de la Statistique (INS). Dans la mesure où ces données font état d’une amélioration du taux de croissance économique, tout en signalant une stagnation, voire d’une aggravation, du taux de chômage.

Les chiffres montrent que le taux de croissance économique a progressé en glissement annuel, passant de -0,4 % au troisième trimestre 2023 à 1,8 % au troisième trimestre 2024. Cette évolution s’explique, selon les experts, par une reprise après la contraction enregistrée l’année précédente. Cependant, en glissement trimestriel, la croissance a ralenti, passant de 1 % au deuxième trimestre 2024 à 0,8 % au troisième trimestre.

Parallèlement, le taux de chômage est resté stable à 16 % au troisième trimestre 2024, par rapport au trimestre précédent, mais il a légèrement augmenté par rapport au troisième trimestre 2023, où il était de 15,8 %.

Ces experts qualifient cette situation d’ « invraisemblable » et soulèvent une question clé : « Comment peut-on expliquer une croissance économique passant de -0,4 % à 1,8 % alors que le chômage augmente de 15,8 % à 16 % ? ».

Ils jugent une telle dynamique difficile à comprendre, sauf à envisager une amélioration spectaculaire et rapide de la productivité nationale. Ce qui semble peu réaliste sur une période aussi courte.

Ils rappellent que les transformations économiques s’inscrivent généralement sur le long terme et non sur quelques mois seulement.

Ce qui précède nous interpelle pour remettre en lumière le paradoxe économique néoclassique fort connu (on trouvera, infra, une liste non exhaustive des principaux auteurs qui y ont contribué) : la coexistence d’une hausse du taux de croissance économique avec une augmentation du taux de chômage.

Ce phénomène, bien qu’en apparence contradictoire, peut être expliqué par plusieurs dynamiques économiques et structurelles spécifiques aux pays émergents et au contexte tunisien. 

 

  • Première dynamique : la reprise économique et ses limites structurelles.

La progression du taux de croissance de -0,4 % à 1,8 % en glissement annuel au troisième trimestre 2024 s’inscrit dans une dynamique de reprise post-contraction. Cette hausse traduit principalement un effet de rattrapage lié à la résilience de certains secteurs comme l’agriculture, les industries exportatrices ou encore le tourisme.

Cependant, l’amélioration observée reste modeste et fragile, comme le montre le ralentissement de la croissance en glissement trimestriel (1 % à 0,8 % entre T2 et T3 2024). Cela reflète des difficultés persistantes dans l’économie tunisienne, telles que des goulots d’étranglement structurels, un manque d’investissement productif et une faible diversification économique.

 

  • Deuxième dynamique : le chômage structurel et les limites du modèle de croissance

Le taux de chômage a stagné à 16 % au troisième trimestre 2024 par rapport au trimestre précédent, mais il reste supérieur au niveau enregistré un an plus tôt (15,8 %).

Cette tendance illustre un problème structurel du marché du travail tunisien :

Croissance non inclusive : L’amélioration de la croissance n’a pas généré suffisamment d’emplois. Cela peut s’expliquer par le fait que les secteurs moteurs de la croissance, comme le secteur extractif ou les industries exportatrices, sont souvent capitalistiques et peu générateurs d’emplois.

 – Décalage entre formation et demande du marché : le chômage, particulièrement élevé chez les diplômés, reflète une inadéquation entre les compétences disponibles et les besoins des entreprises.

– Informalisation et précarisation de l’emploi : une part importante de l’économie tunisienne repose sur des emplois informels ou précaires, ce qui limite l’impact des reprises économiques sur le taux de chômage officiel.

 

  • Troisième dynamique : hypothèse de productivité et qualité des données.

Ces experts en économie soulignent l’irrationalité d’une hausse rapide de la productivité en seulement trois mois pour expliquer la baisse du chômage. Cela invite à questionner la fiabilité des données statistiques et des méthodes de mesure employées par l’Institut national de la statistique (INS). Il est possible que :

– Les données sur la croissance surévaluent certaines performances sectorielles.

– Les chiffres du chômage sous-estiment les effets des politiques publiques ou des mouvements de main-d’œuvre, notamment dans le secteur informel.

 

  • Implications et perspectives.

Ce paradoxe met en exergue l’urgence de revoir les fondements de la stratégie économique tunisienne. Les efforts devraient se concentrer sur :

– La création d’emplois inclusifs : orienter les investissements vers des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, comme l’agriculture durable, le tourisme culturel et l’économie verte.

  – Une meilleure adéquation formation-emploi : réformer le système éducatif pour aligner les compétences des diplômés avec les besoins du marché.

– La modernisation de l’infrastructure économique : favoriser les investissements publics et privés pour renforcer les capacités productives et améliorer la compétitivité globale.

 

En définitive, la situation paradoxale décrite par M. Chkoundali révèle non seulement une incohérence entre les indicateurs économiques mais aussi des défis structurels profonds. Une politique économique cohérente, inclusive et orientée vers l’emploi est essentielle pour rompre avec cette dynamique stagnante.

 

Eclairages : la problématique néoclassique de la coexistence d’une hausse du taux de croissance économique avec une augmentation du taux de chômage,

La problématique néoclassique de la coexistence d’une hausse du taux de croissance économique avec une augmentation du taux de chômage souvent appelée « paradoxe de la croissance sans emploi » ou « joblessgrowth », a été étudiée par plusieurs économistes et chercheurs. Voici quelques auteurs et références pertinents sur cette question :

  1. Arthur Okun :

– Concept : la loi d’Okun explore la relation entre le taux de croissance du PIB et les variations du chômage. Cependant, des contextes où cette loi ne s’applique pas strictement, comme dans certains pays émergents ou en développement, ont été étudiés pour expliquer ce paradoxe.

– Ouvrage : « PotentialGNP:ItsMeasurement and Significance » (1962).

 

  1. William Baumol :

– Concept : la thèse de Baumol sur les services non productifs explique que dans les économies modernes, la croissance peut se concentrer dans des secteurs à faible intensité de main-d’œuvre, comme la technologie, tout en laissant les secteurs employeurs traditionnels en déclin.

– Ouvrage : « Macroeconomics of UnbalancedGrowth: The Anatomy of Urban Crisis » (1967).

 

  1. Philippe Aghion et Peter Howitt

– Concept : leur théorie de la croissance endogène examine comment l’innovation stimule la croissance économique mais peut initialement provoquer des pertes d’emplois dans certains secteurs avant d’en créer ailleurs.

– Ouvrage : « EndogenousGrowth Theory » (1998).

 

Plus récemment encore,

  1. David Autor

– Concept : Autor a travaillé sur l’impact de la polarisation du marché du travail et l’automatisation, qui favorisent la croissance économique tout en supprimant certains emplois intermédiaires.

– Ouvrage : Articles tels que « The Polarization of Job Opportunities in the U.S. Labor Market » (2010).

 

  1. Joseph Stiglitz

– Concept : Stiglitz aborde les inégalités croissantes dans ses travaux, en expliquant comment elles peuvent découpler croissance et emploi, surtout dans les économies dominées par des politiques néolibérales.

– Ouvrage : « Globalization and Its Discontents » (2002) et « The Price of Inequality » (2012).

 

  1. Dani Rodrik

– Concept : Rodrik met en avant la désindustrialisation prématurée et l’incapacité des secteurs modernes à absorber suffisamment de main-d’œuvre, ce qui alimente le paradoxe.

– Ouvrage : « The Globalization Paradox » (2011).

 

  1. Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice

– Concept : Ils explorent la « croissance qualitative » et ses limites en termes de création d’emplois, notamment dans les pays où le secteur des services domine.

– Ouvrage : « Les nouveaux indicateurs de richesse » (2012).

 

Ces auteurs offrent des perspectives variées pour comprendre ce paradoxe économique néoclassique, en tenant compte de facteurs structurels (technologie, inégalités), institutionnels (marché du travail) et sectoriels (désindustrialisation, tertiarisation).

Parmi les auteurs mentionnés, Joseph Stiglitz a été primé. Il a reçu le Prix Nobel d’économie en 2001, conjointement avec George Akerlof et Michael Spence, pour leurs analyses des marchés avec asymétrie d’information.

Les autres auteurs, bien que très influents dans leurs domaines respectifs, n’ont pas été récompensés par le Prix Nobel d’économie à ce jour.

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

 

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ZOOM : La Banque centrale de Tunisie envisage-t-elle une baisse de ses taux pour un soutien nécessaire pour relancer l’économie ?

Le Produit intérieur brut (PIB) en volume, corrigé des variations saisonnières, a progressé de 1,8 % en glissement annuel, au troisième trimestre 2024, marquant une nette amélioration par rapport au 1,0 % enregistré au deuxième trimestre. 

En glissement trimestriel, le PIB a augmenté de 0,8 % par rapport au trimestre précédent, contre 0,2 % au deuxième trimestre 2024. 

Sur les neuf premiers mois de 2024, la croissance cumulée de l’économie tunisienne s’élève à 1,0 %. 

Croissance économique au troisième trimestre 2024 (INS).

 

Commentaires 

Les chiffres du troisième trimestre 2024 publiés par l’INS révèlent une dynamique de reprise modérée mais encourageante pour l’économie tunisienne. Avec une croissance en glissement annuel de 1,8 %, le rythme s’accélère nettement par rapport au deuxième trimestre (1,0 %).

Cette amélioration reflète une possible reprise de certaines activités économiques, soutenue par des facteurs conjoncturels favorables ou une meilleure résilience face aux défis structurels.

En glissement trimestriel, la progression de 0,8 % confirme un raffermissement de l’activité économique, indiquant une reprise plus soutenue après un premier semestre hésitant. Ce regain pourrait être attribuable à une amélioration des secteurs productifs, bien qu’il soit prématuré de parler d’une dynamique de croissance robuste et durable.

Cependant, le cumul sur les neuf premiers mois, limité à 1,0 %, souligne les contraintes structurelles pesant encore sur l’économie tunisienne, notamment l’inflation, les déséquilibres extérieurs et les défis liés aux réformes. Cette croissance demeure insuffisante pour répondre aux exigences d’une relance véritable, notamment en termes d’emploi et de pouvoir d’achat.

 

Les perspectives 

Pour maintenir et renforcer ce rythme, il est déterminant d’intensifier les réformes structurelles et de stimuler les investissements, tout en assurant une meilleure répartition des fruits de la croissance pour améliorer le climat social. Une attention particulière doit également être portée à la conjoncture internationale, dont l’impact sur les exportations et le financement reste déterminant.

Pour autant, compte tenu de ce contexte sur un arrière fond d’une baisse notable des offres d’emploi, la Banque centrale de Tunisie (BCT) pourrait être amenée à abaisser ses taux directeurs. Dans un contexte où la demande intérieure s’affaiblit et où les entreprises peinent à maintenir leur compétitivité, une telle mesure pourrait offrir une bouffée d’oxygène à l’économie tunisienne, facilitant l’accès au crédit et stimulant ainsi la consommation et l’investissement.

La Tunisie fait face à un environnement économique difficile marqué par une faible croissance et un marché de l’emploi morose. Plusieurs secteurs clés, tels que le tourisme, l’industrie manufacturière et les services, montrent des signes d’essoufflement, tandis que le taux de chômage reste élevé (16% de la population active). La baisse des offres d’emploi traduit non seulement un recul de la dynamique de création de postes mais aussi une perte de confiance des entreprises en l’avenir économique.

La demande intérieure reste atone, exacerbée par la baisse du pouvoir d’achat des ménages due à une inflation persistante, récemment mesurée à 6,7%. Cette inflation, combinée à un manque de financement accessible pour les entreprises, limite les perspectives de reprise rapide, ce qui plaide en faveur d’une intervention de la BCT.

 

Les bienfaits anticipés d’une baisse des taux

  • En premier lieu, un soutien à la consommation et une amélioration du pouvoir d’achat

Une baisse des taux directeurs par la BCT rendrait le crédit plus accessible pour les ménages et les entreprises. En facilitant les emprunts à un coût réduit, cette mesure pourrait stimuler la demande intérieure en augmentant les dépenses de consommation.

Une hausse de la consommation aurait un effet multiplicateur sur l’économie, relançant les ventes et l’activité de nombreux secteurs, et soutenant ainsi indirectement la création d’emplois.

  • En deuxième lieu, une stimulation des investissements privés

Le coût élevé du crédit a freiné l’investissement dans plusieurs industries tunisiennes, notamment les petites et moyennes entreprises (PME) qui forment l’épine dorsale de l’économie locale. En baissant les taux, la BCT offrirait aux entreprises un accès à des financements moins onéreux, stimulant ainsi les projets d’expansion et d’innovation, essentiels pour renforcer la compétitivité et favoriser la création d’emplois.

  • En troisième lieu, une amélioration de la compétitivité des exportations.

Avec un dinar tunisien sous pression et des marges de manœuvre budgétaires limitées, la réduction des taux pourrait aussi contribuer indirectement à renforcer la compétitivité des exportations tunisiennes en facilitant les investissements dans les secteurs orientés vers l’exportation.

Une économie tunisienne plus compétitive à l’international pourrait ainsi mieux tirer parti des débouchés extérieurs et réduire le déficit de la balance commerciale.

  • En quatrième lieu, une réduction des pressions sur l’inflation et une stabilisation du taux de change

Bien que les taux d’intérêt bas puissent généralement susciter des craintes d’inflation, dans le cas actuel de la Tunisie, l’impact pourrait être maîtrisé, notamment si la baisse des taux aide à stabiliser le dinar en soutenant la croissance et en attirant davantage d’investissements.

Une croissance mieux soutenue par des taux d’intérêt bas pourrait alors stabiliser la monnaie et limiter l’inflation importée.

 

Les défis et risques d’une baisse des taux

Toutefois, la BCT pourrait avancer avec prudence. La réduction des taux directeurs comporte des risques, notamment en ce qui concerne la stabilité financière. Une politique de taux trop bas pourrait entraîner une hausse de l’endettement des ménages et des entreprises, rendant l’économie plus vulnérable aux chocs externes.

Par ailleurs, une baisse trop rapide des taux pourrait accentuer la fuite des capitaux si les investisseurs internationaux perçoivent la Tunisie comme moins attractive en raison de rendements moins intéressants.

L’impact d’une telle mesure dépendra aussi de l’efficacité des réformes structurelles nécessaires pour renforcer la résilience économique et améliorer le climat d’affaires. Sans un soutien accru à la réforme fiscale, au marché du travail et aux infrastructures, l’effet de la baisse des taux pourrait s’avérer limité à court terme.

 

En définitive, une opportunité pour relancer l’économie tunisienne

Dans le contexte actuel de faible croissance et de marché de l’emploi affaibli, une baisse des taux directeurs par la BCT apparaît comme une mesure pertinente pour soutenir l’économie tunisienne. En réduisant le coût du crédit, la BCT pourrait stimuler la consommation et l’investissement, créant ainsi des conditions plus favorables pour la reprise économique.

Cependant, cette stratégie monétaire devra s’accompagner de réformes structurelles pour garantir des effets durables, renforcer la compétitivité, et encourager la création d’emplois.

Une baisse des taux pourrait ainsi être une première étape pour redonner confiance aux acteurs économiques et insuffler une nouvelle dynamique à une économie en quête de relance. La BCT doit toutefois rester vigilante quant aux risques de cette approche, en s’assurant que les conditions financières favorisent une reprise solide et durable.

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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DOSSIER SPECIAL (VI) – Trump et le Maghreb : Entre défis et opportunités dans un monde reconfiguré

La présidence de Donald Trump, marquée par son style de gouvernance non conventionnel et son approche centrée sur les intérêts américains, aurait des répercussions significatives sur les relations internationales et sur les pays du Maghreb, dont la Tunisie.

Dans un contexte global marqué par les rivalités géopolitiques, les tensions commerciales, et une polarisation accrue, les choix de politique étrangère de Trump pourraient introduire des incertitudes, tout en offrant des opportunités de repositionnement stratégique pour les pays maghrébins.

 

 

ZOOM 6 – Les perspectives pour le Maghreb : opportunités et risques

 

La réélection de Donald Trump représente pour les pays du Maghreb un défi important, nécessitant une adaptation rapide et stratégique.

Les implications de la politique étrangère de Trump, centrée sur les intérêts nationaux des États-Unis, la réduction de l’engagement international et un protectionnisme accru, pourraient redéfinir le rôle des pays maghrébins sur la scène internationale.

Cependant, cette situation apporte aussi des opportunités uniques pour réorienter leurs priorités économiques et diplomatiques.

 

  • Premier défi, la diversification des partenariats économiques : saisir les opportunités globales

Face à une Amérique moins présente et plus axée sur ses propres intérêts, les pays du Maghreb seront incités à élargir leur éventail de partenaires économiques.

La Chine, la Russie, et même l’Inde, qui cherchent toutes à accroître leur influence en Afrique, pourraient devenir des partenaires majeurs pour le Maghreb. Ces pays apportent des investissements importants dans les infrastructures, l’énergie, et les technologies, secteurs critiques pour le développement régional.

La diversification pourrait également inclure une coopération renforcée avec les pays du Golfe, comme les Émirats arabes unis et le Qatar, qui sont déjà présents au Maghreb par le biais de projets immobiliers et énergétiques.

Ces partenariats pourraient atténuer la dépendance vis-à-vis des flux d’investissements traditionnels et ouvrir de nouveaux marchés pour les exportations maghrébines. Cependant, il est crucial que ces accords soient équilibrés pour éviter une dépendance excessive et garantir des bénéfices mutuels.

 

  • Deuxième défi, le renforcement des alliances régionales : vers une autonomie stratégique

Un désengagement américain dans la région pourrait aussi encourager les pays du Maghreb à intensifier leur coopération régionale pour renforcer leur autonomie stratégique.

Bien que la coopération régionale ait historiquement été limitée par des rivalités, notamment entre le Maroc et l’Algérie, la nécessité de compenser l’absence de soutien extérieur pourrait pousser ces pays à explorer des voies de collaboration plus pragmatiques, particulièrement dans les domaines de la sécurité, de l’économie et de la gestion des ressources naturelles.

Par exemple, une intégration accrue des économies maghrébines permettrait de dynamiser les échanges intra-régionaux, qui restent aujourd’hui faibles, et de créer des synergies dans des secteurs clés comme l’agriculture et l’énergie renouvelable.

Une coopération plus étroite sur les questions de sécurité, notamment la lutte contre le terrorisme et la gestion des flux migratoires, pourrait également renforcer la stabilité régionale. Bien qu’il soit difficile de surmonter les désaccords historiques, cette nouvelle dynamique pourrait encourager un dialogue plus constructif entre les dirigeants maghrébins.

 

  • Troisième défi, l’attraction des investissements hors occident : nouvelles opportunités.

L’une des grandes priorités pour les pays du Maghreb sera d’attirer des investissements en dehors des canaux traditionnels occidentaux.

L’Union européenne, partenaire historique de la région, pourrait se montrer hésitante à intensifier son soutien, en raison des préoccupations concernant les réformes structurelles et les conditions de gouvernance dans les pays maghrébins.

Ainsi, en se tournant vers des pays émergents comme la Turquie, la Chine, et même le Japon, les économies maghrébines peuvent explorer de nouvelles sources d’investissements directs étrangers (IDE) et de transferts de technologie.

Cependant, une telle stratégie comporte des risques. Les conditions d’investissement des nouvelles puissances peuvent être moins transparentes et parfois plus exigeantes en termes d’accès aux ressources naturelles ou de soutien diplomatique.

Par ailleurs, ces partenariats peuvent susciter des tensions avec les alliés traditionnels des pays maghrébins, notamment en Europe, qui voient l’expansion de la Chine et de la Russie en Afrique avec méfiance.

Les gouvernements maghrébins devront donc équilibrer soigneusement leurs relations avec les partenaires émergents et occidentaux pour maximiser les avantages économiques sans compromettre leurs intérêts stratégiques.

 

  • Quatrième défi: développer une diplomatie agile – naviguer dans un contexte global complexe

Les incertitudes de la politique étrangère américaine sous Trump obligeraient les pays du Maghreb à adopter une diplomatie plus agile et proactive.

Une diplomatie agile signifie être capable de manœuvrer entre différents partenaires, de s’adapter rapidement aux changements géopolitiques, et de tirer parti des opportunités sans s’enfermer dans des alliances exclusives.

Cela inclurait le maintien de bonnes relations avec l’Europe tout en renforçant les liens avec des puissances non occidentales, et le développement d’une coopération plus étroite avec des acteurs régionaux comme la Turquie ou le Qatar.

Par exemple, le Maroc pourrait jouer de son partenariat stratégique avec les États-Unis pour maintenir certains privilèges commerciaux, tout en renforçant sa coopération avec des puissances comme la Chine pour les investissements en infrastructures.

La Tunisie, quant à elle, pourrait utiliser son statut de “partenaire privilégié” de l’Union européenne pour renforcer ses exportations vers l’Europe, tout en développant des projets énergétiques financés par des investisseurs asiatiques.

Ce type de diplomatie permettrait aux pays du Maghreb de maximiser les bénéfices de chaque relation bilatérale sans sacrifier leur autonomie.

 

  • Cinquième défi: redéfinir le rôle du Maghreb sur la scène internationale

Finalement, la réélection de Trump pourrait offrir aux pays du Maghreb une occasion unique de réévaluer et de redéfinir leur positionnement international.

Les défis liés au retrait partiel de l’Amérique de la région nécessitent des solutions novatrices pour répondre aux aspirations économiques et sécuritaires des sociétés maghrébines. En adoptant une approche proactive et en privilégiant une diversification stratégique de leurs relations, les pays du Maghreb pourraient non seulement limiter les impacts négatifs d’une politique protectionniste américaine, mais aussi capitaliser sur les nouvelles dynamiques internationales pour renforcer leur souveraineté et accroître leur influence régionale.

Toutefois, cette ouverture vers de nouveaux partenariats implique des risques. Les pays maghrébins devront veiller à ne pas devenir des points de tension géopolitique entre les grandes puissances, notamment si la compétition entre l’Occident et des acteurs comme la Chine ou la Russie s’intensifie.

La stabilité économique et politique des pays maghrébins pourrait être mise à l’épreuve si cette concurrence entraîne des conditions d’alliance strictes ou des pressions pour prendre parti dans des conflits internationaux.

 

IN FINE

En somme, les perspectives pour le Maghreb dans un contexte de réélection de Trump oscillent entre des opportunités stratégiques et des défis complexes.

La capacité des pays maghrébins à saisir ces opportunités dépendra de leur aptitude à diversifier leurs partenariats, à renforcer leurs alliances régionales, et à adopter une diplomatie pragmatique et flexible.

En tirant parti de cette situation, les pays du Maghreb pourraient renforcer leur autonomie stratégique, réduire leur dépendance vis-à-vis des puissances occidentales, et s’affirmer en tant qu’acteurs indépendants et influents sur la scène internationale.

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

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DOSSIER SPECIAL (V) – Trump et le Maghreb : Entre défis et opportunités dans un monde reconfiguré

La présidence de Donald Trump, marquée par son style de gouvernance non conventionnel et son approche centrée sur les intérêts américains, aurait des répercussions significatives sur les relations internationales et sur les pays du Maghreb, dont la Tunisie.

Dans un contexte global marqué par les rivalités géopolitiques, les tensions commerciales, et une polarisation accrue, les choix de politique étrangère de Trump pourraient introduire des incertitudes, tout en offrant des opportunités de repositionnement stratégique pour les pays maghrébins.

 

ZOOM 5 – Cinquième incertitude : impacts sur les relations intermaghrébines et la coopération régionale

Une présidence Trump, marquée par un retrait partiel de l’engagement américain en Afrique du Nord, pourrait avoir des répercussions significatives sur les relations intermaghrébines et sur la coopération régionale, suscitant à la fois des opportunités et des défis pour les pays du Maghreb.

 

  • Première répercussion : un vide stratégique et une incitation à l’autonomie régionale

Le désengagement progressif des États-Unis dans la région pourrait être perçu comme une opportunité pour les pays du Maghreb de prendre en main leur propre destin stratégique, en renforçant les mécanismes de coopération régionale pour pallier l’absence d’un soutien extérieur.

Avec des défis communs comme la lutte contre le terrorisme, la gestion des flux migratoires, et les enjeux de développement économique, les pays maghrébins ont tout intérêt à coordonner leurs efforts pour renforcer leur sécurité et leur résilience économique.

Ce contexte pourrait encourager des initiatives autonomes de coopération, telles que l’augmentation des échanges commerciaux intra-maghrébins, le partage d’infrastructures énergétiques, ou encore la coordination en matière de gestion des ressources en eau.

Cependant, la capacité des pays maghrébins à s’unir face à l’absence de soutien américain dépend de leur volonté de surmonter les rivalités politiques et économiques qui freinent traditionnellement les efforts de coopération régionale.

Si les États-Unis continuent de réduire leur engagement au Maghreb, il est possible que les acteurs régionaux soient contraints de trouver des solutions autonomes et d’adopter une approche pragmatique face aux enjeux communs.

 

  • Deuxième répercussion : les rivalités historiques et l’obstacle à la coopération

Malgré les potentiels avantages d’une coopération accrue, les relations entre les pays du Maghreb, et en particulier entre le Maroc et l’Algérie, restent entravées par des divergences géopolitiques profondes.

Le différend sur le Sahara Occidental est au cœur de cette rivalité, divisant depuis des décennies le Maroc et l’Algérie – qui soutient le Front Polisario en faveur de l’indépendance de ce territoire. Ce conflit persistant a entravé des initiatives clés de coopération, telles que l’Union du Maghreb arabe (UMA), qui reste aujourd’hui inactive en raison de ces tensions.

Dans un contexte où le soutien des États-Unis aux initiatives de médiation s’amenuise, il pourrait devenir encore plus difficile pour les pays du Maghreb de trouver un terrain d’entente pour résoudre leurs différends.

Un retrait américain peut également réduire les pressions extérieures sur les gouvernements locaux, les incitant moins à faire des concessions pour débloquer les processus de coopération régionale.

Sans un acteur extérieur de poids pour encourager ou imposer des compromis, il est peu probable que les tensions historiques soient surmontées facilement, limitant ainsi les perspectives de collaboration régionale.

 

  • Troisième répercussion : les enjeux économiques et l’opportunité pour l’intégration commerciale

Le retrait américain pourrait également donner un nouvel élan à l’intégration économique régionale en poussant les pays du Maghreb à chercher des alternatives pour compenser la perte d’investissements américains.

Avec la chute des investissements étrangers directs (IED) et des aides américaines potentielles, il deviendrait d’autant plus urgent pour ces pays de renforcer le commerce intra-maghrébin, qui demeure à un niveau extrêmement bas par rapport à d’autres régions africaines.

Le développement de corridors commerciaux, la suppression des barrières tarifaires, et l’harmonisation des politiques douanières pourraient non seulement dynamiser les économies locales, mais aussi améliorer la résilience économique du Maghreb face aux chocs externes.

Toutefois, ces initiatives nécessitent une volonté politique forte et des efforts soutenus pour harmoniser les infrastructures, les standards de production et les régulations douanières entre les pays.

Sans l’incitation ou le soutien d’une puissance extérieure, ces efforts de rapprochement économique risquent d’être compromis par les rivalités internes et les priorités politiques nationales divergentes.

 

  • Quatrième répercussion: la sécurité régionale … une coopération nécessaire mais difficile

La lutte contre le terrorisme et la gestion des flux migratoires sont des enjeux de sécurité majeurs pour les pays du Maghreb, qui partagent des frontières poreuses et des menaces sécuritaires communes.

La diminution de l’assistance américaine, en matière de renseignement et de financement des initiatives de sécurité, pourrait contraindre les pays maghrébins à renforcer leur coopération sécuritaire.

Cela inclurait le partage d’informations de renseignement, la coordination des patrouilles frontalières, et des opérations conjointes contre les groupes terroristes.

Cependant, cette coopération sécuritaire reste entravée par un manque de confiance mutuelle, en particulier entre le Maroc et l’Algérie, ainsi que par une différence dans les approches stratégiques vis-à-vis de certains acteurs régionaux.

Par exemple, l’Algérie, avec sa doctrine de non-ingérence militaire, adopte une politique de sécurité largement basée sur la défense intérieure, tandis que le Maroc a manifesté une volonté accrue de participer à des initiatives sécuritaires régionales et internationales. Cette divergence rend difficile la mise en œuvre de stratégies sécuritaires régionales coordonnées.

Sans un soutien américain pour arbitrer ou encourager des partenariats sécuritaires, les pays du Maghreb risquent de manquer les synergies nécessaires pour répondre efficacement aux défis de sécurité régionaux.

De plus, le désengagement américain pourrait encourager d’autres puissances, comme la Russie ou la Chine, à jouer un rôle accru dans les affaires sécuritaires du Maghreb, introduisant ainsi de nouvelles dynamiques géopolitiques qui pourraient compliquer davantage la situation sécuritaire.

 

  • Cinquième répercussion: le rôle de puissances alternatives … vers de nouvelles alliances ?

Face à l’absence d’un engagement américain, les pays du Maghreb pourraient être tentés de se tourner vers d’autres partenaires, notamment la Chine et la Russie, qui cherchent à renforcer leur présence en Afrique.

En plus de leurs partenariats économiques croissants, ces deux puissances offrent également des options de coopération en matière de défense et de sécurité.

La Russie, par exemple, propose des équipements militaires et des programmes de formation, tandis que la Chine est de plus en plus active dans le financement des infrastructures et dans des programmes de cybersécurité.

Toutefois, cette diversification des alliances comporte des risques pour les pays maghrébins, qui devront gérer habilement leur positionnement géopolitique pour éviter une dépendance excessive vis-à-vis de ces puissances.

Par ailleurs, cette ouverture vers des puissances non occidentales pourrait engendrer des tensions avec les partenaires européens, qui jouent un rôle fondamental dans l’économie et la sécurité du Maghreb, et qui partagent des préoccupations concernant l’influence croissante de la Chine et de la Russie en Afrique.

 

En définitive, le retrait partiel des États-Unis sous une présidence Trump pourrait créer un contexte favorable à une autonomie accrue et à un renforcement de la coopération régionale au Maghreb.

Cependant, les rivalités internes, notamment entre le Maroc et l’Algérie, demeurent un frein majeur à cette coopération.

Le défi pour les pays du Maghreb sera de saisir cette opportunité pour renforcer leur intégration régionale sans perdre leur souveraineté ni créer une dépendance excessive envers d’autres puissances.

Pour réussir, les États maghrébins devront adopter une approche pragmatique qui combine des initiatives de coopération économique et sécuritaire avec une diversification stratégique de leurs partenariats, tout en restant vigilants face aux risques de dépendance ou de conflit d’intérêts entre leurs nouveaux alliés et leurs partenaires traditionnels.

 

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DOSSIER SPECIAL (IV) – Trump et le Maghreb : Entre défis et opportunités dans un monde reconfiguré

La présidence de Donald Trump, marquée par son style de gouvernance non conventionnel et son approche centrée sur les intérêts américains, aurait des répercussions significatives sur les relations internationales et sur les pays du Maghreb, dont la Tunisie.

Dans un contexte global marqué par les rivalités géopolitiques, les tensions commerciales et une polarisation accrue, les choix de politique étrangère de Trump pourraient introduire des incertitudes. Tout en offrant des opportunités de repositionnement stratégique pour les pays maghrébins.

 

ZOOM  4 – Quatrième incertitude : positionnement face à la Chine et à la Russie… dilemmes pour les pays du Maghreb

Les tensions croissantes entre les États-Unis et des puissances comme la Chine et la Russie ont un impact non négligeable sur les pays du Maghreb, qui se retrouvent à jongler entre leurs liens traditionnels avec l’Occident et leur intérêt grandissant pour les partenariats avec ces nouveaux acteurs. Cette situation expose les pays maghrébins à des choix stratégiques complexes, les amenant à réfléchir à leur positionnement et aux compromis qu’ils devront faire pour préserver leur souveraineté et sécuriser leurs intérêts économiques et politiques.

Les pays du Maghreb, notamment le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, ont des relations de longue date avec l’Europe et les États-Unis.

Ces liens incluent des accords commerciaux privilégiés, des investissements directs, et des programmes d’aide au développement. La coopération avec les États-Unis se manifeste également sur le plan sécuritaire, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et du contrôle des flux migratoires.

Ces relations traditionnelles apportent une stabilité économique et politique aux pays maghrébins, mais créent aussi une dépendance vis-à-vis des partenaires occidentaux, qui influencent souvent leurs politiques nationales et régionales.

 

  • Effets de l’intérêt croissant pour la Chine et la Russie : opportunités et contraintes

Ces dernières années, les pays du Maghreb ont élargi leurs partenariats économiques et politiques avec la Chine et la Russie, attirés par des alternatives aux conditions strictes souvent imposées par les partenaires occidentaux.

La Chine, par exemple, propose des investissements massifs dans les infrastructures, notamment dans le cadre de l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie. Plusieurs projets chinois, tels que la construction de ports, d’autoroutes et de centrales énergétiques, répondent aux besoins criants en infrastructures dans la région, particulièrement en Algérie et au Maroc.

La Russie, de son côté, a renforcé sa présence en Afrique du Nord dans des domaines comme la sécurité et l’énergie. Son partenariat avec l’Algérie dans le domaine des hydrocarbures et ses accords militaires témoignent d’une volonté d’influence accrue dans la région.

Pour les pays du Maghreb, ces partenariats représentent des opportunités d’accéder à de nouvelles ressources, de diversifier leurs exportations et de bénéficier de nouvelles technologies, sans les conditions politiques souvent associées aux investissements occidentaux.

 

  • Effets des pressions américaines et des équilibres délicats

Sous la présidence de Trump, les États-Unis ont adopté une position plus ferme face à la Chine et la Russie, exhortant leurs partenaires internationaux à limiter leurs interactions avec ces puissances. Ce climat de confrontation pourrait avoir des conséquences pour les pays maghrébins, qui pourraient se retrouver sous pression pour limiter leurs partenariats avec la Chine et la Russie afin de ne pas compromettre leurs relations avec l’Occident.

Par exemple, une coopération trop visible avec la Chine dans des secteurs stratégiques comme les télécommunications pourrait être perçue comme une menace pour la sécurité par les États-Unis et leurs alliés. Ce qui risquerait de compliquer les relations diplomatiques.

Toutefois, céder à ces pressions pourrait être perçu comme une atteinte à leur souveraineté nationale par les gouvernements du Maghreb, qui souhaitent avant tout préserver leur indépendance dans leurs choix de partenariats.

Par ailleurs, limiter les interactions avec la Chine et la Russie pourrait priver les pays du Maghreb d’opportunités de financement et d’infrastructures cruciales pour leur développement économique.

 

  • Effets entre la neutralité et la diversification des partenariats

Dans ce contexte complexe, une option pour les pays du Maghreb pourrait consister à adopter une posture de neutralité vis-à-vis des rivalités entre les grandes puissances, afin de bénéficier à la fois des relations avec l’Occident et des partenariats avec la Chine et la Russie.

Cette position pourrait cependant être difficile à maintenir si les pressions américaines s’intensifient. Une neutralité trop marquée pourrait même être perçue comme un manque de loyauté par leurs partenaires traditionnels.

Une alternative pourrait être de renforcer leurs relations avec des puissances régionales émergentes comme la Turquie et le Qatar, qui, tout en étant moins hégémoniques, ont montré une volonté de soutenir des projets économiques et sécuritaires au Maghreb.

La Turquie, par exemple, s’implique de plus en plus dans le secteur de la construction et de la défense. Tandis que le Qatar investit dans les infrastructures et le tourisme.

Cette diversification permettrait aux pays du Maghreb d’éviter une trop grande dépendance envers une seule puissance et de maintenir une certaine flexibilité dans leurs alliances internationales.

 

  • Effets des risques de dépendance stratégique et de l’instabilité géopolitique

S’engager plus étroitement avec des puissances comme la Chine ou la Russie pourrait cependant engendrer de nouveaux risques de dépendance stratégique pour les pays du Maghreb.

En effet, ces partenaires alternatifs pourraient demander, en échange de leur soutien, des concessions économiques ou politiques qui limiteront la marge de manœuvre des États maghrébins.

Par ailleurs, un rapprochement excessif avec la Chine ou la Russie pourrait isoler le Maghreb de ses alliés traditionnels occidentaux. Ce qui pourrait nuire à ses intérêts dans des domaines comme l’aide au développement et les accords commerciaux privilégiés.

Enfin, la région maghrébine elle-même pourrait devenir un terrain de compétition géopolitique entre les grandes puissances, comme en témoignent les tensions autour de la Libye, où plusieurs acteurs externes cherchent à influencer l’avenir politique du pays.

Un contexte d’intérêts divergents pourrait alors compliquer la coopération régionale, fragiliser la stabilité politique et potentiellement polariser les pays du Maghreb en fonction de leurs alliances.

 

En définitive, les pays du Maghreb se trouvent dans une situation stratégique délicate, tiraillés entre la préservation de leurs liens avec l’Occident et les opportunités offertes par la Chine et la Russie.

Dans ce contexte de tensions internationales croissantes, ils devront faire preuve de diplomatie et de pragmatisme pour adopter un positionnement qui préserve leurs intérêts nationaux, tout en évitant des dépendances excessives.

La diversification de leurs alliances, notamment en renforçant les relations avec des partenaires régionaux comme la Turquie et le Qatar, pourrait être une solution pour maintenir un équilibre. Mais cette stratégie demande une grande habileté diplomatique et une vigilance constante face aux évolutions géopolitiques.

 

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La présidence de Donald Trump, marquée par son style de gouvernance non conventionnel et son approche centrée sur les intérêts américains, aurait des répercussions significatives sur les relations internationales et sur les pays du Maghreb, dont la Tunisie.

Dans un contexte global marqué par les rivalités géopolitiques, les tensions commerciales et une polarisation accrue, les choix de politique étrangère de Trump pourraient introduire des incertitudes. Tout en offrant des opportunités de repositionnement stratégique pour les pays maghrébins.

 

ZOOM 3 – Troisième incertitude : immigration et sécurité… des politiques plus restrictives

Les politiques migratoires et sécuritaires adoptées sous la présidence de Donald Trump ont marqué une volonté claire de restriction, avec un renforcement de la surveillance des frontières et un resserrement des conditions d’accès aux États-Unis pour certaines catégories de migrants.

Dans ce contexte, les pays du Maghreb se trouvent à la croisée des enjeux migratoires et sécuritaires. Avec des impacts potentiels tant pour leurs diasporas aux États-Unis que pour leur coopération en matière de sécurité.

 

  • Effets des restrictions sur l’immigration et l’impact sur les diasporas maghrébines

La présidence de Trump a introduit une série de mesures visant à limiter l’immigration aux États-Unis, avec une forte attention portée aux migrations en provenance de pays considérés comme des sources de risques potentiels pour la sécurité nationale.

Les diasporas maghrébines, constituées en majorité de communautés marocaines, algériennes et tunisiennes, pourraient faire face à des restrictions accrues pour les demandes de visas de travail, de regroupement familial ou même de visas étudiants. Ces restrictions risquent de réduire les opportunités de mobilité pour les Maghrébins. Ce qui pourrait affaiblir les liens économiques et culturels entre les diasporas et leurs pays d’origine.

Pour de nombreux Maghrébins, les États-Unis représentent une destination pour des opportunités académiques et professionnelles. Et ce, notamment dans des secteurs comme la technologie, l’ingénierie et les sciences. Cependant, des mesures restrictives pourraient freiner la participation des étudiants et des jeunes professionnels aux programmes d’échanges académiques ou de stages, réduisant ainsi le transfert de connaissances et d’expertise vers les pays du Maghreb.

La fermeture de certaines portes pourrait également limiter l’apport de fonds par les diasporas maghrébines vers leurs familles restées au pays. Ce qui aurait un effet indirect sur l’économie locale.

 

  • Effets de la priorité accordée à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme

La politique de sécurité de l’administration Trump a fait de la lutte contre le terrorisme une priorité stratégique, renforçant les pressions sur les pays partenaires, y compris ceux d’Afrique du Nord, pour intensifier leur coopération sécuritaire. Cette priorité pourrait se traduire par des demandes accrues de la part des États-Unis pour que les pays du Maghreb renforcent leurs dispositifs de sécurité intérieure. Et ce, notamment en matière de contrôle aux frontières, de partage de renseignements et de surveillance des flux migratoires.

Toutefois, malgré l’intensification de la coopération en matière de sécurité, les pays du Maghreb pourraient ne pas recevoir en retour un soutien financier ou technologique significatif. En d’autres termes, ils seraient encouragés à augmenter leurs efforts dans la lutte contre le terrorisme, sans pour autant obtenir les moyens nécessaires pour renforcer leur infrastructure sécuritaire. Ce manque de soutien pourrait aggraver la pression économique et logistique sur les gouvernements du Maghreb. Surtout si ces mesures de sécurité exigent des investissements considérables.

 

  • Effets des conséquences pour les relations bilatérales et la stabilité régionale**

L’absence de soutien financier ou technologique substantiel dans le cadre de la coopération sécuritaire pourrait mettre à mal les relations bilatérales entre les États-Unis et les pays du Maghreb. Ces derniers pourraient percevoir la coopération sécuritaire comme un engagement unilatéral, dans lequel ils assument les coûts opérationnels sans bénéficier des avantages de ressources ou de formation.

À long terme, ce déséquilibre pourrait affaiblir la stabilité régionale. Car les États du Maghreb seraient contraints de détourner des ressources de projets de développement vers des programmes sécuritaires. Et ce, au détriment des investissements dans les infrastructures, la santé ou l’éducation.

Par ailleurs, une pression sécuritaire accrue pourrait exacerber la surveillance des populations locales et engendrer des tensions internes, en particulier si des politiques de contrôle et de répression sont mal perçues par les citoyens.

Dans un contexte social souvent fragile, ces mesures pourraient générer des sentiments de frustration et d’injustice, affectant la confiance envers les gouvernements locaux.

 

  • Effets des répercussions sociales et perte de capital humain

Les politiques restrictives de Trump en matière d’immigration affectent également le capital humain du Maghreb.

De nombreux talents maghrébins, qui pourraient contribuer à des secteurs clés aux États-Unis ou y acquérir des compétences avancées avant de retourner dans leurs pays d’origine, pourraient voir leurs parcours compromis.

La limitation des échanges académiques et professionnels réduit les perspectives pour les jeunes générations et affaiblit la compétitivité des pays maghrébins, en freinant l’accès aux connaissances technologiques de pointe et aux réseaux internationaux.

Dans un monde globalisé, ces restrictions se traduisent par une forme d’isolement intellectuel, qui pourrait compromettre la capacité des pays maghrébins à rester compétitifs sur le marché international.

En privant les jeunes talents d’opportunités de développement à l’étranger, les États-Unis risquent de couper un lien essentiel entre les diasporas et leurs pays d’origine. Avec des conséquences de long terme pour le développement humain de la région.

 

En définitive, les politiques migratoires et sécuritaires restrictives de l’administration Trump posent des défis majeurs pour le Maghreb.

En limitant les opportunités de mobilité pour les diasporas et en exigeant une coopération sécuritaire sans soutien financier accru, ces mesures risquent d’affaiblir les relations bilatérales, de réduire le capital humain et d’accroître les pressions internes dans les pays du Maghreb.

Dans ce contexte, les gouvernements maghrébins devront naviguer avec prudence pour équilibrer leur engagement sécuritaire avec la protection de leurs intérêts économiques et sociaux. Tout en cherchant des partenariats alternatifs pour pallier les restrictions imposées.

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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