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Le poème du dimanche : ‘‘Les arbres de ciment’’ de Ahmed Abd Al-Mu’ti Hijazi

Né en 1935, Ahmed Abd Al-Mu’ti Hijazi (أحمد عبد المعطي حجازي) est poète, journaliste et critique égyptien. Considéré comme l’un des pionniers de la modernité poétique arabe, il dirigea la revue Ibda’ (création).

D’idéologie panarabe nassérienne qu’il représenta en Syrie lors de l’Union, en 1959, il s’opposera par la suite à Sadate qui l’exclura de son emploi de journaliste. Il s’installe en France en 1974 où il enseigna à l’université. Revint en Egypte où il poursuit ses activités littéraires et culturelles.

Parmi ses recueils (en arabe) : Une ville sans cœur, 1959 ; Elégie du bel âge,
1972 ; Les arbres de ciment, 1989.

Tahar Bekri

Le temps vient et s’en va
Sans que l’ombre change de place
Ces arbres de ciment
comme des champignons
couvrent l’écorce de la terre
Il n’y a pas d’endroit pour l’herbe
Ni de sens pour cette pluie forte
Sur les pierres silencieuses
Il ne pousse que rouille
Ou mousse sans racines

Le vent arrive et s’en va

Sans traverser ce silence
Ou pouvoir porter secours aux villages
Ni aux bateaux qui font naufrage
Les arbres de ciment partout
S’élancent et croulent
Comme des monstres
Chassent les oiseaux qui tombent des arbres
Dans les radars
Et se pendent les oisillons de leurs cous
Sur les fils d’écoute
Dans ces ciels dont nous savons de nos balcons
Que les oiseaux y meurent
Quand leurs nuées s’entrechoquent
Les antennes du métal incandescent s’élèvent
Dans la dernière lumière

La nuit arrive et s’en va
Sans que l’on ait assouvi son sommeil
Les arbres de ciment nous cernent
Les nouveau-nés dont les pères sont habitués au silence
Naissent petits
Au physique amputé
Aucune voix ne sort de leur bouche
Ni leurs testicules ne croissent

Les poubelles que rejette le plaisir
Chaque matin par lassitude non à satiété
Se déposent par tas aux portes
Les machines rejettent d’autres, écume et vin
Dans les rivières qui mènent vers les marchands
Pendant que la terre tourne

Paris 20 mars 1979

Traduit de l’arabe par Tahar Bekri

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Le poème du dimanche : ‘‘L’air de l’eau’’ de André Breton

Le surréalisme aurait eu cent ans. Sa naissance, due à André Breton (1896-1966) quand il lance ‘‘Le manifeste du surréalisme’’, en 1924, en compagnie de Philippe Soupault.

Ce nouveau mouvement est une vraie révolution littéraire, moderniste, qui introduit la psychanalyse et le rêve dans une écriture automatique. S’y entremêlent visions et dérèglements des sens, sentiments irrationnels et imaginaires. Il intéressera très vite l’art.

Le mouvement sera rejoint par des poètes comme Louis Aragon et Paul Eluard et son champ devient vite international et mondial.

Rejetant l’engagement politique et le «trop de littérature». André Breton en restera toujours le théoricien avisé et intransigeant.

Tahar Bekri

Je rêve je te vois superposée indéfiniment à toi-même

Tu es assise sur le haut tabouret de corail

Devant ton miroir toujours à son premier quartier

Deux doigts sur l’aile de l’eau du peigne

Et en même temps

Tu reviens de voyage tu t’attardes la dernière dans la grotte

Ruisselante d’éclairs

Tu ne me reconnais pas

Tu es étendue sur le lit tu t’éveilles ou tu t’endors

Tu t’éveilles ou tu t’es endormie ou ailleurs

Tu es nue la balle de sureau rebondit encore

Mille balles de sureau bourdonnent au-dessus de toi

Si légères qu’à chaque instant ignorées de toi

Ton souffle ton sang sauvés de la folle jonglerie de l’air

Tu traverses la rue les voitures lancées sur toi ne sont

plus que leur ombre

E la même

Enfant

Prise dans un soufflet de paillettes

Tu sautes à la corde

Assez longtemps pour qu’apparaisse au haut de

l’escalier invisible

Le seul papillon vert qui hante les sommets de l’Asie

Je caresse tout ce qui fut toi

Dans tout ce qui doit l’être encore

J’écoute siffler mélodieusement

Tes bras innombrables

Serpent unique dans tous les arbres

Tes bras au centre desquels tourne le cristal de la rose

des vents

Ma fontaine vivante de Sivas

Extrait de ‘‘Clair de terre’’, Poésie/Gallimard.

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