Dimassi à Universnews : «On a pris la mauvaise voie à cause du désaccord avec le FMI»
- Le PLF 2025 ne diffère en rien des précédents et, au contraire, il reproduit les mêmes erreurs et risque même d’approfondir la crise
- Le budget alloué au développement demeure très faible et minime et n’est pas compatible avec les aspirations du pays
- Mise en garde contre les conséquences néfastes du recours excessif à l’endettement intérieur sur l’instabilité économique induisant un effet défavorable sur la croissance
- Injecter des liquidités dans le circuit économique sous forme d’emprunt national peut avoir des effets négatifs non seulement sur le développement mais aussi sur l’investissement
- Recourir à l’imposition à chaque fois où nous avons besoins de renflouer nos caisses est le chemin le plus facile, ça devrait provenir de la croissance et pas de l’augmentation de l’impôt
TUNIS – UNIVERSNEWS (SEF) – Dans une interview accordée à Universnews, l’expert en économie et ancien ministre des Finances, Hassine Dimassi a déclaré que le projet de loi de finances 2025, actuellement en discussion à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) ne diffère en rien des précédents et qu’au contraire, il reproduit les mêmes erreurs et risque même d’approfondir la crise. Selon lui, les risques sont liés principalement à deux rubriques, à savoir les ressources d’emprunt et certaines dépenses comme celles du développement.
Il a par ailleurs indiqué que le budget alloué au développement demeure très faible et minime et n’est pas compatible avec les aspirations du pays. Et de marteler que le budget 2025 ne consacre que 5,4 milliards de dinars pour le développement alors que le budget total s’élève à 78,2 milliards de dinars, soit une hausse de 2,5 milliards de dinars, par rapport aux résultats actualisés pour l’année 2024. « C’est un taux très faible en comparaison avec les autres dépenses, ça ne pourrait ni stimuler l’investissement ni générer un impact social ou environnemental positif », a-t-il dit.
Hassine Dimassi a pointé de doigt le recours excessif à l’endettement intérieur pour mobiliser des ressources supplémentaires et financer le budget de l’Etat, en raison du durcissement des conditions du financement extérieur, mettant en garde contre les conséquences néfastes de telle décision sur l’instabilité économique qui induit par conséquent un effet défavorable sur la croissance qui sera très faible, selon ses dires. Déjà, durant les neuf premiers mois de cette année, l’économie tunisienne a enregistré une croissance de 1%.
Des fonds injectés sans contrepartie
De plus, a-t-il dit, injecter de liquidités dans le circuit économique sous forme d’emprunt national peut avoir des effets négatifs non seulement sur le développement mais aussi sur l’investissement. Cela aura également un effet négatif sur l’inflation, la valeur du dinar vis-à-vis de la monnaie verte et un manque de liquidités chez les entreprises économiques, dans la mesure où les banques vont s’abstenir de financer les entreprises au détriment de l’Etat. Pire, ces fonds sont injectés sans contrepartie, ou bien pour financer un crédit national ou bien pour couvrir d’autres dépenses de gestion et non pas pour financer le développement.
Selon lui, ce phénomène n’est pas nouveau en Tunisie mais il est en train de s’accentuer pour en fin mettre en péril la résilience de toute l’économie.
L’expert en économie a sous un autre angle, souligné que l’Etat tunisien a fixé les ressources d’endettement pour l’année 2025 à près de 28 milliards de dinars dont 6,1 milliards de dinars devraient provenir sous forme de dette extérieure, un montant qu’il a qualifié d’énorme : « D’où vont provenir ces fonds ? Aucune précision sur leurs origines ! C’est pour la première qu’on assiste à une telle structure et jamais l’emprunt intérieur n’avait pris de l’ampleur comme cette fois-ci », s’est exclamé Dimassi, faisant remarquer que cette stratégie ne pourrait être que le résultat de l’ensemble des politiques mises en place durant ces dernières années.
« C’est vrai que nous avons décidé de compter sur nos propres ressources, mais c’est aussi à cause de ce désaccord avec les institutions financières internationales et surtout avec le FMI que nous nous sommes trouvés dans l’obligation de prendre ce chemin malgré les risques. », a-t-il déploré.
Non à une imposition excessive
Hassine Dimassi a exprimé un avis défavorable quant à l’augmentation de l’Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques (IRPP). Selon lui, la seule classe qui peut avoir un effet positif sur la consommation a été touchée dans son pouvoir d’achat, c’est la catégorie supérieure de la classe moyenne qui regroupe les médecins, les banquiers, les ingénieurs et cela fait selon lui que cette mesure fiscale n’aura aucun impact positif sur les recettes fiscales, dans la mesure où cette loi réduit la taxe pour certaines catégorises et l’augmente pour certaines autres : « Cette mesure n’aura aucun impact sur les ressources fiscales et elle aura au contraire un effet négatif sur la catégorie supérieure de la classe moyenne », a-t-il assuré.
S’agissant de l’augmentation de l’Impôt sur les sociétés (IS), Dimassi a estimé que cette mesure n’aura pas vraiment un grand impact sur les banques et les compagnies d’assurances, faisant toutefois remarquer que ce qui dérange vraiment c’est le recours excessif à l’augmentation de l’impôt à chaque fois où les ressources de l’Etat s’épuisent: «Recourir à l’imposition des personnes et des sociétés à chaque fois où nous avons besoins de renflouer nos caisses est le chemin le plus facile, ça devrait provenir de la croissance et pas de l’augmentation de l’impôt. », a-t-il précise.
« Si le recours à l’imposition devient la règle cela signifie que nous sommes sur le mauvais chemin. Les bénéfices réalisés par les entreprises sont généralement déployés pour faire de nouveaux investissements et extensions, mais si les entreprises sont poussées à payer davantage d’impôt, elles ne vont pas investir et du coup, il n’y aura pas de nouvelles créations en termes d’emploi », a-t-il déploré.