Lese-Ansicht

Es gibt neue verfügbare Artikel. Klicken Sie, um die Seite zu aktualisieren.

Fitch, plutôt optimiste pour l’économie tunisienne

La tonalité a totalement changé, et les constats de Fitch sont résolument moins pessimistes pour l’économie tunisienne. Dans son nouveau rapport, ‘‘Tunisia Country Risk Report, Q1, 2025’’ (74 pages), publié la semaine dernière, Fitch Solutions fait ses analyses et projections des principaux agrégats économiques pour l’économie tunisienne, d’ici 2033. L’économie tunisienne est de plus en plus stabilisée, même si on attend tous la reprise de la croissance. Lecture entre les lignes….

Moktar Lamari *

La semaine dernière nous avons publié un premier groupe de constats (14), la suite de cette chronique présente un autre groupe de constats (26) et scenarii liés. On y traite des tendances lourdes de la politique monétaire, des incertitudes de l’investissement extérieur et des déficits, budgétaires et commerciaux.

1- L’inflation reste élevée : le rapport soutient que la Banque centrale va attendre 2026 pour envisager un assouplissement de ses politiques monétaires et une baisse de son taux directeur, insistant sur le fait que l’inflation reste élevée, malgré toutes les hausses du taux directeur des dernières années. Et il faut attendre que le taux d’inflation passe sous la barre de 6% pour envisager un début de relâchement des taux.

2- La croissance de la consommation privée s’améliorera en 2024 sous l’effet de la baisse de l’inflation alimentaire et des envois de fonds robustes, et ralentira en 2025 en raison de la hausse de l’impôt sur le revenu. La consommation publique restera limitée par des pressions budgétaires prononcées dans un contexte d’accès limité au soutien financier.

3- Les prêts étrangers entraîneront une légère hausse de l’investissement en 2024. Toutefois, un environnement politique encore risqué, une hausse du taux d’imposition des sociétés, une baisse des prêts au secteur privé et une liquidité publique restreinte freineront la croissance de cette composante en 2025.

4- La baisse de la demande extérieure pèsera sur la croissance des exportations en 2024. Le resserrement de la liquidité sur le marché des changes limitera les importations et la croissance en 2025, et l’amélioration de l’activité de la zone euro maintiendra la croissance des exportations stable malgré un ralentissement des exportations d’huile d’olive et de services.

5- La consommation privée reste le principal moteur de la croissance globale, représentant environ 76,4% du PIB (produit intérieur brut) en 2022. Après une forte baisse due au confinement dû au Covid-19 en 2020, Fitch prévoit que les dépenses des ménages augmenteront à un rythme relativement lent tout au long de la prochaine décennie, malgré les fluctuations occasionnelles engendrées par l’impact des récoltes volatiles sur les revenus ruraux.

6- Les transferts de fonds des Tunisiens à l’étranger (principalement en Europe) resteront une source cruciale de l’amélioration de la confiance des entreprises à long terme, qui devrait se traduire par une croissance plus forte des salaires dans le secteur privé.

7- Le taux de chômage élevé, en particulier chez les jeunes instruits, ainsi que l’inflation élevée, continueront de freiner l’augmentation des dépenses des ménages. De plus, la Tunisie affichera la plus faible croissance démographique de la région de l’Afrique du Nord et la part des personnes en âge de travailler (20-39 ans) dans la population passera de 29,2% en 2022 à 26,2% en 2033, ce qui pèsera sur les gains potentiels de consommation.

8- La hausse de l’impôt sur le revenu des personnes à revenu moyen ou élevé freinera davantage les dépenses privées. Par conséquent, Fitch projette une croissance réelle moyenne de la consommation finale privée de 2,3% entre 2025 et 2033, bien en dessous du taux moyen de 4,7% enregistré au cours de la décennie précédant la révolution de 2011. La consommation privée constitue presque 80% du PIB.

9- La consommation publique en pourcentage du PIB est revenue à son niveau d’avant Covid, atteignant environ 21,3 % du PIB en 2022, estime Fitch, qui s’attend à ce qu’une période de pénurie de liquidités en 2024 et 2025 la fasse baisser, avant qu’elle ne se redresse progressivement au cours de la prochaine décennie, à mesure que les pressions budgétaires s’atténueront progressivement.

10- Dépenses publiques : le gouvernement n’envisage pas dans l’immédiat de réduire sensiblement ses dépenses, ses subventions et le volume de la masse salariale par rapport au PIB.

11- L’investissement reste la clef de voute pour la reprise de la croissance. La formation brute de capital fixe s’est contractée en moyenne de 5% par an en termes réels entre 2011 et 2015, pour ne renouer avec une croissance positive qu’en 2016. Après une forte contraction en 2020, l’agence prévoit une croissance modeste, bien qu’en hausse, dans les années à venir, en raison de la bureaucratie lourde, des niveaux élevés de corruption et de l’instabilité sociale en Tunisie.

12- L’investissement public, qui joue toujours un rôle important dans la formation de capital, sera également limité par la nécessité de maintenir des dépenses budgétaires plus faibles. En 2025, le recours accru aux sources de financement intérieures, le resserrement de la politique monétaire, la hausse de l’impôt sur les sociétés, l’opposition aux réformes budgétaires et les fortes pressions extérieures maintiendront la croissance de l’investissement à un faible niveau.

13- Cela dit, Fitch prévoit une reprise progressive de l’investissement fixe au cours des cinq prochaines années. La position géographique attrayante de la Tunisie et ses nombreux accords de libre-échange – en  supposant que les efforts d’amélioration de l’environnement opérationnel se poursuivent au cours de la prochaine décennie – devraient conduire à un retour régulier de l’intérêt des investisseurs à long terme.

14- La mesure dans laquelle le gouvernement peut améliorer ses revenus, l’accès aux prêts et une plus grande stabilité macroéconomique sont autant de facteurs déterminants de l’investissement étranger dans les années à venir.

15- L’amélioration du secteur bancaire en difficulté, qui souffre de taux de défaillance élevés et d’une faible capitalisation, sera également essentielle pour faciliter davantage d’investissements. Le projet des autorités de moderniser le système de change et d’assouplir progressivement les restrictions contribuera à stimuler l’investissement étranger.

16- Les perspectives des exportations nettes : Fitch prévoit que la croissance réelle des exportations continuera de rebondir après le marasme de 2020, mais qu’elle restera modérée à environ 3,2% en moyenne entre 2025 et 2033. Une hausse moyenne à deux chiffres est prévue pour les prochaines années, dans le domaine des exportations.

17- Les retombées de la guerre entre la Russie et l’Ukraine ont continué de peser sur la croissance économique des principaux marchés d’exportation en 2024, à leur tour sur la demande de produits tunisiens. Fitch prévoit que le rebond de l’activité chez les principaux partenaires commerciaux à partir de 2025 soutiendra la croissance des exportations tunisiennes. Pour améliorer les niveaux d’exportation, il sera essentiel d’accroître l’investissement étranger dans le secteur manufacturier.

18- La Tunisie a été freinée par la faiblesse des réformes, son instabilité politique et la détérioration de ses fondamentaux macroéconomiques par rapport à son concurrent voisin, le Maroc, ces dernières années, un écart qui ne fera que se creuser à moins que le gouvernement tunisien ne soit disposé à accélérer le rythme des réformes. Fitch se montre prudent quant aux perspectives que cela se produise.

19- À l’instar des autres pays d’Afrique du Nord, la Tunisie s’approvisionne en grandes quantités de biens de consommation et de biens d’équipements à l’étranger. Fitch prévoit que la poursuite de la consommation privée et la croissance de l’investissement fixe se traduiront par une augmentation des importations.

20- Cependant, l’affaiblissement du dinar au cours des derrières années, l’augmentation des pressions sur les liquidités extérieures et l’inflation élevée plafonneront la demande à moyen terme. Dans l’ensemble, Fitch prévoit que les exportations nettes seront déterminantes dans la relance de la croissance globale.

21- Fitch pense que la Tunisie restera fortement dépendante de ses réserves de change et des investissements/prêts étrangers pour son financement extérieur au cours des prochaines années. Les investissements de portefeuille représentant une part très modeste du passif total de la Tunisie, les risques associés à des sorties soudaines de capitaux sont limités.

22- Dans le même temps, les flux d’investissements directs vers la Tunisie ont été faibles depuis la révolution de 2011 et le rétablissement de la confiance des investisseurs privés est un objectif clé du gouvernement. Compte tenu de la baisse des réserves et de l’investissement étranger direct, le rôle joué par les autres investissements, qui consistent principalement en des prêts préférentiels bilatéraux et multilatéraux, s’est considérablement élargi.

23- Au cours des dernières années, la Tunisie a été un grand bénéficiaire de l’aide étrangère et a bénéficié d’un accord avec le FMI entre 2016 et 2020. Compte tenu de sa dépendance accrue à l’égard des prêts préférentiels, le gouvernement tunisien devra intensifier ses efforts pour remplir les conditions associées à ces accords. Cela dit, in doit s’attendre à ce que l’accès au financement extérieur nécessaire pour financer le déficit du compte courant du pays et faire face aux paiements à venir soit difficile en l’absence d’un autre accord de financement avec le FMI.

24- Dette extérieure : en raison de la persistance des déficits courants au cours de la prochaine décennie et de l’insuffisance des investissements étrangers pour combler le déficit, Fich prévoit que la dette extérieure de la Tunisie continuera de croître au cours des prochaines années, avant de se stabiliser progressivement. Bien que cela soit quelque peu préoccupant, la grande majorité de la dette extérieure totale continuera d’être de la dette publique ou garantie par l’État, composée en grande partie de prêts bilatéraux et multilatéraux.

25- Cela dit, l’absence de programme du FMI et la réticence des créanciers à accorder des prêts sans programme en place rendront difficile pour la Tunisie le service de sa dette, sans risquer une forte dépréciation du dinar.

26- Pourtant, les créanciers du pays pourraient accepter d’accorder des prêts ou de renégocier une partie de la dette afin d’éviter une déstabilisation de l’économie. Le gouvernement actuel semble inspirer plus confiance que ses prédécesseurs, et ce message subliminal est rassurant pour les investisseurs internationaux, ainsi que pour les bailleurs de fonds.

Blog de l’auteur. Economics for Tunisia, E4T.

L’article Fitch, plutôt optimiste pour l’économie tunisienne est apparu en premier sur Kapitalis.

Le dinar tunisien s’échangera à un taux de 2,7 face au dollar dès 2026, selon Fitch

Il y a une semaine, Fitch-Solutions a publié un volumineux rapport (74 pages en anglais) sur l’économie tunisienne, le présent et le futur, jusqu’au 2033. Ce rapport intitulé «Tunisia, Country Risk Report, Q1 2025» annonce une sensible remontée de la valeur du dinar tunisien face au dollar américain (1$= 2,79 DT) et une légère baisse du taux directeur en 2025, si l’inflation passait en dessous de 6%. Entre autres nouvelles…

Moktar Lamari *

On reprend l’essentiel des constats et projections en 14 points.

1- Le rapport prévoit constate un rebond du secteur agricole et de l’activité touristique qui feront remonter le taux de croissance du PIB réel de la Tunisie de 0,6 % en glissement annuel à presque 2% pour 2024.

2- Les auteurs pensent que la croissance ralentira ensuite à 1,0 % en 2025, en raison notamment des hausses d’impôts qui affaibliront encore le pouvoir d’achat des ménages et décourageront l’investissement, amplifiant ainsi l’impact négatif des problèmes structurels budgétaires et externes actuels sur l’économie.

3- La réduction du déficit commercial énergétique entraînera une réduction de l’excédent de la balance courante de la Tunisie, qui passera de 2,2% du PIB en 2023 à 1,3% du PIB en 2024 et à 0,7% du PIB en 2025.

4- La réduction du déficit courant, le soutien extérieur provenant principalement de l’Union européenne (UE) et de solides réserves de change permettront aux autorités de faire face à leurs obligations de change de plus de 2,0 milliards de dollars en 2025. Néanmoins, la position extérieure reste extrêmement vulnérable aux chocs extérieurs, tels que la hausse des prix mondiaux des produits de base.

5- Le déficit budgétaire de la Tunisie se réduira également progressivement, passant de 7,2% du PIB en 2023 à 5,7% du PIB en 2025, en raison de l’augmentation des recettes fiscales et de la baisse des dépenses en subventions. Le ratio dette/PIB passera à 82,9% du PIB à la fin de 2025.

6- Les auteurs anticipent que le dinar gagnera des points face au dollar américain, si rien ne change dans les tendances de reprise des secteurs économiques et de l’investissement. La pression dépréciative sur le dinar augmentera au début de 2025 car 1,0 milliard de dollars de paiements en devises sont dus.

7- La Banque centrale de Tunisie (BCT) maintiendra le taux directeur à 8,00% jusqu’à la fin de 2025, car l’inflation ne ralentira que légèrement, passant de 6,5% en glissement annuel en décembre 2024 à 6,0% en glissement annuel en décembre 2025. Le taux directeur sera légèrement ajusté dès que l’inflation passe sous la barre de 6%.

8- Sur le plan politique, les auteurs du rapport pensent que le rejet persistant des réformes douloureuses, le recours accru aux financements nationaux et les hausses d’impôts risquent de détériorer davantage les conditions socio-économiques. Cela maintiendra ainsi le risque de manifestations et tensions sociales, durant 2025.

9- L’incapacité des autorités à mobiliser les fonds nécessaires pourrait peser davantage sur la position extérieure de la Tunisie, le dinar et la croissance économique. Les investissements fixes resteront tributaires du maintien d’un environnement sécuritaire stable et de la réduction des actions syndicales locales.

10- La dépendance récurrente à l’égard de la Banque centrale pour financer le déficit budgétaire et faire face aux paiements de la dette extérieure risque de déstabiliser la situation macroéconomique. Des conditions météorologiques défavorables persistantes pèseraient sur la production agricole.

11- Une nouvelle augmentation de l’inflation et des pénuries plus prononcées de produits de base, en particulier le pain, pourraient alimenter le mécontentement social. Une augmentation soutenue du chômage dans un contexte de croissance économique atone pourrait entraîner des protestations et mécontentements dénonçant la cherté de la vie et des produits de base.

12- Les risques qui pèsent sur ces prévisions sont à la hausse. Si la Banque centrale de Tunisie décidait d’assouplir sa politique monétaire en raison d’une baisse plus forte que prévu de l’inflation (et/ou de pressions politiques), cela améliorerait la demande de crédit et, par extension, l’activité d’investissement. La part de l’investissement dans le PIB peine à dépasser 15%, contre 26% en 2011.

13- Un soutien ou un investissement étranger plus important entraînerait une croissance économique supérieure à 1,0 % en 2025. D’autre part, un pic de pression extérieure dû à une flambée des prix de l’énergie en cas d’escalade brutale des tensions géopolitiques, pèserait sur le dinar, alimenterait l’inflation et freinerait l’activité économique.

14- La masse monétaire (M2) va continuer à croître, en moyenne de 8% par an, d’ici 2033. Selon les projections de Fitch, le dinar s’échangera en dessous de 2,8 dollars américains dès 2026. Une note d’espoir, une perspective qu’il faut valoriser pour rompre avec la déprime qui envahit l’opinion dominante chez les économistes de la place.

Blog de l’auteur : Economics for Tunisia.

L’article Le dinar tunisien s’échangera à un taux de 2,7 face au dollar dès 2026, selon Fitch est apparu en premier sur Kapitalis.

Tunisie: le secteur bancaire face à des vents contraires

L’agence Fitch-Solution a publié récemment un rapport de 35 pages sur l’état des lieux des investissements et du commerce en Tunisie. Dans ce rapport, le secteur bancaire tunisien a mérité un intérêt particulier, et le portrait qu’en fait Fitch est peu rassurant. Tout indique que ce secteur fait face à des vents contraires, accentuant les risques qui fragilisent encore plus l’investissement et plombent davantage la croissance. Décryptage…

Moktar Lamari *

Le rapport recense 29 banques, dont 22 onshore et 7 offshore. Les banques onshore comprennent 17 banques commerciales, 3 banques islamiques et deux banques de microcrédit et de financement des PME. Malgré cet effectif élevé par rapport à la taille économique du pays, Fitch déplore la présence de seulement 20 agences bancaires pour 100 000 adultes.

A l’aune de cet indicateur, la Tunisie arrive avant-dernier de tous les pays de la région Mena par habitant, après l’Iran. Les agences bancaires sont concentrées dans les régions urbaines à fortes densités humaines.

Selon ce rapport, les banques tunisiennes excluent de leurs services deux Tunisiens adultes sur trois. Seulement deux adultes sur cent disposent d’une carte de crédit. Ajoutant que les frais élevés des services bancaires dissuadent de nombreux citoyens à faire affaire avec les banques, préférant le secteur informel.

Des banques faiblement capitalisées

Les banques tunisiennes sont mal perçues par les Tunisiens. On apprend qu’elles sont faiblement capitalisées et ont une forte proportion de prêts non performants en raison de l’utilisation de l’héritage des banques comme soutien aux secteurs «stratégiques» par le gouvernement.

Les banques publiques, qui dominent le secteur bancaire et représentent près de 40% du total des actifs bancaires, ont été particulièrement exposées aux chocs ayant secoué les secteurs du tourisme, les PME et l’agriculture dans ses différentes branches productives.

Les banques sont fragilisées par l’importance de leur stock d’actifs douteux, ce qui limite leur capacité à fournir un financement adéquat aux entreprises.

Le gouvernement emprunte également de plus en plus auprès des banques locales pour financer son déficit budgétaire. L’épargne est ainsi déroutée de l’investissement, pour financer les salaires des fonctionnaires.

Par conséquent, les entreprises tunisiennes sont confrontées à une faible disponibilité du crédit et à des conditions de prêt médiocres.

Les coûts d’emprunt restent très élevés pour les entreprises du pays, les taux d’intérêt sont exorbitants depuis des années. La Banque centrale semble être résolue à maintenir son taux directeur à 8,00%, son plus haut niveau depuis 2006, sur 2024 et 2025.

Fitch ajoute que si les pressions inflationnistes décourageront la Banque centrale d’assouplir sa politique monétaire, la faiblesse de la croissance économique et les inquiétudes concernant la santé des finances publiques devraient également empêcher celle-ci de resserrer davantage sa politique monétaire à court terme. La Banque centrale est ainsi prise en étau, par ces «vents contraires».

Le «resserrement» monétaire

Cependant, le rapport précise que si «l’inflation devait fortement augmenter en raison d’une dépréciation attendue pour le dinar, d’une flambée des prix du pétrole ou d’une hausse des coûts de transport maritime due à des risques géopolitiques accrus, la banque centrale est ainsi mal prise et serait contrainte de resserrer encore plus sa politique monétaire pour contenir les pressions sur les prix».

Néanmoins, les niveaux élevés d’intervention gouvernementale maintiennent les taux d’emprunt aux privés à un niveau bas, empêchant les banques de fixer correctement le prix de leurs portefeuilles de prêts, incitant à la restriction de l’octroi de crédit.

Alors que la concurrence entre de nombreuses banques tunisiennes a pour effet d’abaisser les taux d’intérêt observés, les banques imposent souvent aux prêts des conditions qui génèrent aux emprunteurs des coûts beaucoup plus élevés que ne le suggèrent des taux d’intérêt plus bas observés. Des coûts indirects s’ajoutant, pour augmenter les risques liés aux transactions.

En particulier, les PME sont souvent confrontées à des exigences élevées en matière de garanties. Dans l’ensemble, ces facteurs ont fait en sorte que les entreprises ont beaucoup de difficulté à accéder au capital.

En 2021 (dernières données disponibles), seulement 35,7% de la population tunisienne avait un compte dans une institution financière, et 13,7 % ont déclaré que des coûts prohibitifs les avaient empêchés d’ouvrir un compte. Dans le même ordre d’idées, seulement 20,4% de la population tunisienne âgée de 15 ans et plus possédait une carte de débit, ce qui montre les faibles taux d’inclusion financière dans le pays.

En raison des coûts d’emprunt élevés et de l’accès limité au crédit, moins de 9,9% de la population avait emprunté de l’argent auprès d’une institution financière formelle, et un négligeable 2,4% possédait une carte de crédit. Il faut donc dans le décile le plus haut de l’échelle sociale pour bénéficier d’un emprunt.

La Bourse laissée pour compte

Les marchés financiers tunisiens jouent un rôle relativement insignifiant dans l’octroi de financements par rapport au secteur bancaire.

Le marché des actions ne représente que 15% de l’ensemble des financements de l’économie et peu capitalisé. La capitalisation boursière de la Bourse de Tunis s’élevant à 7,8 milliards de dollars à la fin de l’année 2023.

Le volume des transactions à la Bourse de Tunis est exceptionnellement faible, et il n’y avait que 78 sociétés cotées à la fin de l’année 2023, les institutions financières représentant un tiers de la capitalisation boursière.

De plus, il n’existe pas de véritable marché obligataire, ce qui rend les entreprises fortement dépendantes du secteur bancaire.

Les investisseurs étrangers sont autorisés à acheter des actions d’entreprises résidentes ou à acheter des investissements indirects par l’intermédiaire de fonds communs de placement établis. Les étrangers non-résidents peuvent également acheter librement jusqu’à un maximum de 49,99% d’actions de sociétés cotées ou non cotées.

Tout achat au-delà de ce plafond est soumis à l’approbation du Conseil supérieur de l’investissement. L’administration a mis en place un environnement favorable à la bourse en matière de fiscalité.

Les dividendes, les intérêts de dépôts, les titres en devises et en dinars convertibles, ainsi que les plus-values réalisées par des investisseurs étrangers non-résidents et non établis en Tunisie ne sont pas soumis à l’impôt.

Selon Fitch, la courbe des taux des obligations d’État tunisiennes a des échéances allant jusqu’à 15 ans, avec cinq points de référence le long de la courbe. Le marché obligataire dispose d’une base d’investisseurs croissante et diversifiée, avec une présence marginale d’investisseurs étrangers.

Le marché obligataire est constitué de bons du Trésor à court terme, d’obligations équivalentes à des bons du Trésor assimilables et d’obligations d’entreprises.

Le gouvernement tunisien, par l’intermédiaire de son agent émetteur le Trésor, crée régulièrement et de manière croissante de la dette.

En ce qui concerne le marché des obligations d’entreprise, la plupart des grandes entreprises tunisiennes émettent de la dette tout au long de l’année, en fonction de la liquidité disponible sur les marchés de capitaux.

Les institutions financières sont les plus actives parmi les émetteurs non gouvernementaux. Bien que l’activité sur le marché secondaire ait augmenté ces dernières années, le marché reste largement  non liquide.

Les nouveaux «diktats»

Par ailleurs, les informations issues de certains responsables bancaires en Tunisie, ne sont pas plus rassurantes. Tout indique que 3 mesures nouvelles sont en gestation ou même en début d’application.

La première mesure consisterait à imposer aux banques de financer les entreprises communautaires («charikat ahliya»), sans garanties et au taux de 5%. Évidemment, la rentabilité de ces entreprises gérées de manière communautaire n’est pas toujours évaluée correctement, et le rendement moyen attendu ne dépassera guère le taux de croissance de l’économie de son ensemble, 2-3% au meilleur des cas.

Une deuxième mesure consiste à réserver 8% des bénéfices bancaires pour prêter aux familles nécessiteuses sans garanties et sans intérêts. Cette mesure ne précise pas si ces prêts vont principalement être destinés exclusivement aux investissements ou aussi la consommation.

Enfin une troisième mesure vise à réduire le taux d’intérêt de moitié (ou presque) pour ceux qui ont contracté des crédits logements et qui ont déjà payé 3 ans d’intérêts. Il faut dire que les taux d’intérêt en vigueur (13-16%), ne permettent pas de relancer le logement et le bâtiment de manière générale. Les citoyens ainsi que les promoteurs immobiliers ne peuvent fonctionner de manière optimale avec les taux d’intérêt du marché.

Certes, les banques tunisiennes accumulent les profits et multiplient les pratiques rentières (cartelistes), mais ces mesures nouvelles peuvent les atteindre en plein dans leurs plans d’affaires, mettant dans l’embarras le gouvernement et le gouverneur de la Banque centrale, premier responsable des politiques monétaires en Tunisie.

Le projet de loi sur la BCT va ajouter une autre dose de risque sur le système bancaire et financier de la Tunisie.

Tous ces changements en gestation ne font pas réagir la Banque centrale qui garde le silence et ne fait pas le nécessaire pour rassurer le secteur bancaire et ses actionnaires.

Les risques d’un doom loup (une spirale économique négative) est présent, et pour deux raisons. Une, le poids des engagements bancaires vis-à-vis de l’Etat et des entreprises politiques est grandissant, de plus en plus insupportable. Deux, la refonte de la Loi sur l’indépendance de la Banque centrale peut renforcer les incertitudes et précipiter le désengagement des actionnaires du système bancaire.

La Banque centrale doit sortir de son mutisme et rassurer les marchés, en conférence de presse ou par des communiqués étayés et donnant franchement la position de son conseil d’administration. De tels communiqués doivent éclairer sur les nouvelles mesures politiques qui peuvent ébranler la viabilité de certaines banques et altérer leur vitalité pour les prochains mois et années.

* Economiste universitaire.

Blog de l’auteur : Economics for Tunisia, E4T  

L’article Tunisie: le secteur bancaire face à des vents contraires est apparu en premier sur Kapitalis.

❌