Le chef du gouvernement, Kamel Maddouri a publié, jeudi, une circulaire portant sur les mesures visant à accélérer la réalisation des projets et à stimuler l’investissement.
La première partie de la circulaire vient détailler les mesures urgentes tendant à alléger le fardeau assumé par les titulaires des marchés publics, dont notamment la question des pénalités de retard, la révision des prix des marchés et la révision exceptionnelle ainsi que les garanties financières accordées au titre de ces marchés publics.
La deuxième série de mesures prévues par la circulaire se rapportent aux mesures pratiques visant à aplanir les difficultés liées à des projets en proie à des difficultés d’exécution.
La circulaire a en outre prévu des mesures liées aux questions foncières. Désormais, en vertu de ladite circulaire, il ne peut y avoir d’inscription de projet sans se doter d’un bien immobilier en situation régulière.
La circulaire prévoit également d’autres mesures, telles l’affectation d’un capital foncier à l’effet de mettre en œuvre ces projets publics et et propose en contrepartie une nécessaire révision du cadre législatif régissant la question de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
La circulaire comporte aussi des mesures en relation avec la promotion de l’investissement et de la gouvernance du financement extérieur.
Dans ce contexte, le texte prévoit bon nombre de mesures visant à écourter les délais d’octroi des autorisations, à régulariser la situation des projets réalisés sans l’approbation préalable de l’Agence nationale pour la protection de l’environnement (ANPE) et accélérer la révision des schémas d’aménagement urbain.
Le même document comporte une série de mesures relatives à la gouvernance, au pilotage et au suivi de la mise en œuvre des projets publics.
A ce titre, la circulaire recommande de soumettre les dossiers des projets, dont les problèmes s’y rapportant n’ont pas été résolus, par les commissions sectorielles au comité technique relevant de la présidence du gouvernement aux fins de les étudier et les soumettre à l’examen de la commission supérieure pour l’accélération de la réalisation des projets publics.
La circulaire gouvernementale a été adressée aux membres du gouvernement, aux gouverneurs, aux chefs des autorités locales et aux responsables des institutions, entreprises et organismes publics.
En Tunisie, les gouvernements se suivent, font les mêmes diagnostics des problèmes, préconisent des solutions, prennent des mesures, et communiquent à souhait sur leur action, mais lesdits problèmes persistent et parfois même s’aggravent. Le pays donne la désagréable impression de faire du surplace, qu’atteste une récession économique qui dure depuis 2011.Qu’est-ce qui bloque la machine ?
Imed Bahri
Cela est tout de même symptomatique d’un grave problème de gouvernance et qui renforce le sentiment chez beaucoup de citoyens que le pays est bloqué, qu’il s’embourbe et s’empêtre dans ses problèmes au lieu d’avancer sur la voie de solutions concrètes ouvrant les perspectives d’une relance économique.
Parmi les problèmes récurrents et que les gouvernements successifs ne parviennent pas à résoudre, celui des projets dont la réalisation est carrément bloquée ou qui n’avancent pas au rythme souhaité.
Inventaire des problèmes
Ce problème a été hérité par l’actuel chef de gouvernement, Kamel Maddouri, qui cherche, lui aussi, depuis son installation, à lui trouver une solution. Et l’on repart de nouveau à zéro, comme si ses prédécesseurs n’ont pas avancé d’un iota sur la voie de la solution. Puisqu’un communiqué de la présidence du gouvernement, publié jeudi 7 novembre 2024, et dont l’agence Tap a rendu compte, nous apprend qu’«un inventaire exhaustif répertoriant les problèmes qui entravent la mise en œuvre des projets public et privé sera bientôt établi». Ouf, il était temps !
«Le gouvernement procédera à un examen fouillé des textes juridiques afférents à la réalisation des projets public et privé et proposera à cet effet des mesures appropriées permettant de remédier à la situation», précise ledit communiqué, ajoutant que «cette décision vient concrétiser les recommandations issues du conseil ministériel du 29 octobre 2024 et consacré l’examen des mesures visant à accélérer la réalisation des projets et à booster l’investissement.»
Qu’on nous permette déjà d’exprimer notre étonnement du fait qu’un pareil «inventaire des problèmes» et «examen fouillé des textes juridiques afférents» n’aient pas encore été réalisés, et de nous interroger sur les délais dans lesquels l’actuel gouvernement espère réaliser un tel travail et «proposer» (sic !) des «mesures appropriées» (re-sic !), et quand à fortiori celles-ci seront-elles mises en œuvre et dans quel délais raisonnables. Est-ce que l’actuel gouvernement parviendra au terme de ce processus ou lèguera-t-il le travail inachevé à celui qui lui succèdera, comme l’ont du reste fait tous ceux qui l’ont précédé? Et on sera alors bon pour une nouvelle remise à plat et un nouveau départ… Les travaux de Sisyphe !
En l’absence de décisions concrètes et de leur mise en œuvre immédiate, on continuera ainsi indéfiniment à brasser du vent, à perdre du temps et à en faire perdre à nos enfants et petits-enfants qui se retrouveront demain à chercher à régler les problèmes qu’on leur a légués.
Pour revenir au communiqué de la présidence du gouvernement, on y apprend que «les organismes publics centraux et régionaux s’engagent à apporter l’appui nécessaire pour surmonter les difficultés entravant la réalisation des projets afin de contribuer à la croissance et accroître ainsi l’attractivité de la Tunisie en tant que destination privilégiée pour les investissement nationaux et étrangers».
On y apprend aussi que «l’exécutif s’engage dans ce cadre à accorder toute l’attention requise au suivi de la réalisation des projets, promettant une intervention urgente pour surmonter les difficultés. L’objectif ultime étant de répondre aux impératifs d’efficience et de bonne gouvernance en matière de gestion des deniers publics.»
Improbables solutions
A cet effet, il a été décidé «de fixer des délais pour l’exploitation ou la réaffectation des fonds mis à la disposition des projets en difficulté», «de revoir à la hausse le taux de contribution des financeurs au financement des projets en cours de manière à alléger le fardeau grevant le budget de l’Etat» et «majorer le taux des acomptes accordés au titre des nouveaux projets financés dans le cadre de la coopération internationale», et ce afin «de dégager des liquidités nécessaires au profit des banques et des institutions», selon un communiqué.
Donc, si l’on a bien compris, l’administration publique «s’engage», «accorde toute l’attention», «promet», «revoit», «fixe», etc., sauf qu’aucun délai n’est clairement défini pour parachever des processus qui ont tendance à s’éterniser et à voir les coûts des projets grossir au fil des ans voire doubler ou même tripler, obligeant l’Etat à relancer les bailleurs de fonds pour d’hypothétiques rallonges où à mettre lui-même la main à la poche, ce qui ne manque pas de grever davantage le budget de l’Etat, lequel continue de s’endetter lourdement pour pouvoir financer ses dépenses de fonctionnement?
Aussi, quand Kaïs Saïed charge l’administration publique et l’accuse parfois de faire obstruction au travail de l’Etat, on comprend son impatience et son incompréhension. Il y a quelque part un grain de sable qui empêche la machine de fonctionner à plein régime. Le président de la république désigne du doigt des «lobbys», des «spéculateurs», des «agents de l’étranger». Et si c’était simplement un problème de méthodes et de pratiques éculées dont la bureaucratie nationale ne parvient pas à se libérer faute de réformes radicales?
Doit-on sérieusement s’attendre, en Tunisie, à l’accélération du rythme de réalisation des projets publics qui peinent à avancer, et à la relance de l’investissement privé qui atteint ses niveaux les plus bas depuis la révolution de 2011 ?
C’est en tout cas ce que promet un communiqué de la présidence du gouvernement rendant compte d’un conseil ministériel tenu mardi 29 octobre 2025 au Palais du gouvernement à la Kasbah, sous la présidence du Premier ministre Kamel Maddouri, et consacré aux mesures visant à accélérer la réalisation des projets publics et à stimuler l’investissement privé.
Selon le communiqué, le conseil ministériel a approuvé un ensemble de mesures et de dispositions visant à résoudre les problèmes en adoptant les meilleures pratiques et méthodes pour préserver le tissu institutionnel national et la compétitivité des acteurs économiques.
Il a également validé une série de mesures pratiques pour surmonter les difficultés procédurales, techniques et foncières, permettant ainsi d’accélérer l’exécution des projets publics et privés, de réduire les charges pesant sur les opérateurs économiques, et d’encourager l’investissement, précise-t-on aussi.
Le conseil a également adopté une orientation générale visant à conférer plus d’efficacité à la gestion des financements extérieurs dédiés aux projets publics, indique le même communiqué.
A l’ouverture des travaux, le chef du gouvernement a souligné l’importance de renforcer la dynamique de l’investissement public et de promouvoir l’investissement dans le secteur privé en tant que levier essentiel pour relancer l’économie nationale. Il a mis en valeur les efforts continus de l’exécutif pour mettre en œuvre les recommandations du président de la république en matière de simplification et de numérisation des procédures. Tout en insistant, également, sur la nécessité de réviser le cadre réglementaire relatif aux marchés publics et en appelant au respect des critères d’efficacité, de pertinence, de transparence et de concurrence.
Le chef du gouvernement a, par ailleurs, plaidé pour l’amélioration de la gouvernance de l’action institutionnelle dans le but d’accélérer le rythme de création des projets et de surmonter les obstacles qui entravent leur exécution dans les délais impartis.
Il a enfin souligné l’importance d’unir les efforts de toutes les structures publiques pour rompre avec les approches sectorielles traditionnelles et identifier des solutions innovantes pour surmonter les divers obstacles procéduraux et techniques.
Cette langue de bois officielle, que nous avons tenu à reproduire ici telle que relatée par l’agence officielle Tap, nous y avons déjà eu droit, à un mot ou deux près et à plusieurs reprises, débitée par tous les prédécesseurs de M. Maddouri au poste de Premier ministre. Qu’est-ce qui nous garantit que cette fois-ci les mots seront suivis d’actes et les promesses de réalisations? Rien, sauf notre indécrottable crédulité…
Nous osons cependant former l’espoir que cette fois-ci, ce sera la bonne, c’est-à-dire le bon départ pour une économie quasiment à l’arrêt et qui continue de se gargariser de mots.