Identité carthaginoise : quand la génétique révèle un empire enraciné en Afrique du Nord
Lorsque l’on parle de Carthage, l’histoire la décrit souvent comme une “colonie phénicienne”, une vision qui, si elle n’est pas entièrement fausse, reste cependant bien réductrice. En réalité, Carthage était un puissant empire enraciné en Afrique du Nord et surtout en Tunisie, avec des contributions indigènes significatives qui ont façonné son identité. Une étude génétique récente de 2022 vient confirmer cette perspective et invite à repenser la véritable nature de la civilisation carthaginoise.
Cette étude de 2022 réalisée en collaboration par des départements de Stanford et plusieurs universités européennes ainsi que l’Institut National du Patrimoine Tunisien, a analysé l’ADN de 30 individus anciens de Carthage et d’autres ports carthaginois en Tunisie, en Sardaigne et en Italie centrale. Les résultats sont fascinants : à Kerkouane, une cité carthaginoise en Tunisie, les chercheurs ont découvert une population extrêmement hétérogène, composée de trois groupes génétiques principaux. L’un de ces groupes montre une continuité génétique directe avec les premiers agriculteurs néolithiques du Maghreb, révélant ainsi une forte présence de populations autochtones d’Afrique du Nord.
Ce qui est encore plus surprenant, c’est l’absence d’ancêtres levantins significatifs parmi les individus analysés. Cela suggère que l’expansion coloniale des cités phéniciennes au début de l’âge du fer n’était peut-être pas le fruit d’une migration massive de populations mais plutôt de relations commerciales et culturelles. En d’autres termes, Carthage n’était pas une simple projection de la Phénicie en Afrique du Nord, mais bien une civilisation nord-africaine distincte.
Les auteurs de l’étude concluent que les populations autochtones d’Afrique du Nord ont joué un rôle substantiel dans la formation de Carthage, un fait qui a longtemps été obscurci par les termes de “Phéniciens de l’Ouest” ou même de “Puniques”, lesquels sous-entendent une population principalement coloniale et tendent à minimiser l’apport indigène. En réalité, la civilisation carthaginoise était le produit d’un mélange culturel complexe où les éléments locaux avaient une importance beaucoup plus grande que les influences phéniciennes.
Cette étude ouvre de nouvelles perspectives sur l’identité carthaginoise, en renforçant l’idée que Carthage était bien plus qu’une colonie. C’était un empire nord-africain, profondément ancré en Tunisie et forgé par les populations locales et méditerranéennes.
source: “A genetic history of continuity and mobility in the Iron Age central Mediterranean”