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Zied Ayoub : « Financer l’économie plutôt que d’alimenter la dette »

On ne le présente plus. Ses analyses, ses appréciations et ses expertises font autorité. Zied Ayoub, expert en affaires financières bancaires et en finance de marché, est de surcroît l’un des principaux, architectes du projet d’amendement du statut de la Banque centrale qui sera discuté au sein de l’ARP. Une réforme qui fait couler beaucoup d’encre, à la veille des discussions budgétaires. Il va de ce fait nous éclairer sur ce sujet dont on parle beaucoup, sans véritablement prendre conscience du texte. Il nous exposera son projet et bien plus, il nous parlera du montage financier élaboré à cet effet pour réduire le poids de la dette et sortir l’économie nationale du goulot qui l’étrangle. Interview.

Avant de présenter les points forts de la réforme que vous venez de présenter au Parlement, commençons tout d’abord par situer le contexte dans lequel est née cette proposition d’amendement de la loi.

On peut d’ores et déjà rappeler qu’en 2023, nous avions commencé l’année avec un service de la dette planifié de
24,7 milliards de dinars. Cela représente plus de 20% du budget, et à peu près 14% du PIB. La dette elle-même a
doublé en termes relatifs, c’est-à-dire qu’elle est passée de 40% en 2010 à 80% actuellement. Elle est donc en train
d’augmenter de manière exponentielle, On peut même dire qu’elle s’accélère à un rythme beaucoup plus avancé que
n’importe quel taux de croissance qu’on pourrait réaliser dans les années prochaines. L’idée donc était qu’il fallait trouver la parade pour éviter un éventuel défaut de paiement et dans la foulée, alléger le fardeau qui pèse sur le Trésor public. On parle de 25 milliards ou de 26 milliards de dinars de service de la dette ! On imagine bien qu’on aurait pu quand même allouer une grande partie de ce montant à des dépenses créatrices de valeur ajoutée, ou à des dépenses à caractère social, ou pour améliorer l’enseignement supérieur, ou, tout simplement, pour rembourser les entreprises qui sont les fournisseurs de l’Etat et dont certaines ont fait faillite parce qu’elles n’ont pas été payées pour les services rendus.

Tout cela pour dire qu’aujourd’hui, le facteur financier pèse de tout son poids sur l’économie tunisienne. Et c’est normal, parce qu’on vit dans une époque marquée par l’hyper-financiarisation des économies. Le volet financier prédomine et écrase même le volet économique. Et là, on est en contradiction avec l’idée qui préconise que pour résoudre le problème de la dette, il faut faire des ajustements structurels au niveau de l’économie. Certes, les ajustements structurels sont nécessaires, ça, c’est clair. Mais pas pour résoudre le problème de l’endettement. Je cite quelques exemples : la l’Égypte et la Turquie sont des économies très fortes actuellement par rapport à nous. Malgré cela, elles ont des problèmes financiers, avec des taux d’intérêt de de 25% et de 50%, des taux d’inflation de 50% 30% et de 60%.

Cela veut dire qu’actuellement, le volet financier est en train de bloquer le volet économique. Il faut donc ôter ce goulot d’étranglement d’abord, pour laisser la place au volet économique, afin qu’il puisse s’épanouir. Mais il y a aussi un autre volet qu’il ne faut pas négliger. Les banques se trouvent souvent obligées de financer le Trésor public. Du coup, elles n’ont plus les critères nécessaires pour financer l’économie.

On connait le pourquoi, mais que peut-on savoir sur le comment ? Plus concrètement, qu’est-ce que vous proposez ?

Ce projet d’amendement de la loi va toucher plusieurs aspects, notamment ceux liés à la souveraineté. La souveraineté non pas comme idéologie, mais comme impératif de survie économique. Pourquoi ? Parce que, lorsqu’on a besoin de s’endetter, on est parfois obligé d’accepter certaines règles qui nous sont imposées.

Voici un très bon exemple : la Tunisie et le FMI en 2013. Le FMI avait condition né le prêt à la flexibilisation de notre
système de change. Il nous avait demandé de passer du flexible dirigé vers un système de change à 100% flexible.
Et c’est là que la chute du dinar a commencé. Cela a continué avec la loi 2016, puisque l’objectif du maintien du taux
de change a été annulé. La Banque centrale s’est retrouvée -à cause de ces changements quasiment
imposés- incapable d’éviter la chute du dinar que nous avons vécu entre 2013 et 2019 (même si, ces cinq dernières années, il était assez stable).

Je pense qu’on aurait pu maintenir l’euro à moins de 2 dinars 500. C’est faisable, à mon avis, si on n’avait pas suivi les injonctions du FMI. On dit souvent que le dinar est surévalué. Lorsque je me rends sur le site de la Banque mondiale, je vois que l’indice de parité du pouvoir d’achat implique que le dollar doit valoir 0,9 dinar, en fait. Bien sûr, je ne dis pas qu’il faut modifier le cours du dinar pour qu’il atteigne 0,9. Mais on est quand même loin de sa valeur fondamentale. Or, il ne faut pas oublier que lorsqu’on parle de baisse du dinar, on parle de pertes
énormes pour l’économie. Rien que pour l’effet de dévaluation du dinar sur le principal de la dette, on parle de 37
milliards de dinars.

Est-ce là la principale recommandation du projet d’amendement de la loi ?

En fait, c’est un projet de loi qui va limiter l’endettement du pays, réduire considérablement le coût de la dette et
offrir à la Tunisie les moyens de sa souveraineté économique et monétaire. Il comporte plusieurs volets. Il y a le volet qui concerne le rachat de la dette publique, les BTA (bon du trésor assimilable) et les emprunts nationaux, qui sont placés par les banques en garantie (en collatéral) dans la Banque centrale. Cela veut dire que la Banque centrale va abandonner le montant du refinancement que les banques commerciales lui doivent et, en contrepartie, elle prend possession des BTA qui sont placés chez elle.

Bien sûr, le cours d’achat sera au nominal auquel on ajoutera le coupon couru. C’est une opération, on va dire, sans mouvement de fonds, qui ne va avoir aucune influence sur la masse monétaire, donc aucune influence sur l’inflation. C’est un simple fait d’écriture. Les BTA qui sont donc placés en garantie chez elle, elle les achète en contre-
partie de l’abandon de la créance qu’elle a envers les banques commerciales. Cela va, progressivement, faire sortir les
banques du circuit. Néanmoins, j’insiste sur le fait que la BCT restera indépendante et souveraine dans la gestion de la politique monétaire. En fait, on priorise le réescompte des BTA à long terme en relation avec les besoins de refinancement à long terme et le court terme avec du court terme. Cela s’appelle de l’open market.

Une fois que les BTA sont en possession de la Banque centrale, la première étape sera de réduire le taux d’intérêt appliqué envers le Trésor, puisque c’est elle qui va devenir le créancier du Trésor public. Le taux d’intérêt est réduit à 1% et le jour du remboursement du principal, qui se fait en général in fine, on fait le rééchelonnement.

La suite de cette interview est disponible dans le numéro 906 de L’Économiste Maghrébin, du 6 au 20 novembre 2024, actuellement en vente dans les kiosques

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Moeurs

Le ministère de la Justice a publié, le 27 octobre, un communiqué indiquant que des enquêtes pénales seront ouvertes contre des personnes publiant des contenus contraires aux bonnes mœurs. Chose promise, chose due, en quelques jours, une instagrameuse a été condamnée à quatre ans et demi de prison pour diffusion de contenus à caractère obscène et quatre autres créateurs de contenus seront bientôt jugés pour « harcèlement d’autrui, expression intentionnelle d’obscénités et poses immorales ou contraires aux valeurs sociétales affectant négativement le comportement des jeunes ».

Les plus conservateurs des Tunisiens diront que c’est de bon augure et qu’il fallait bien un gardien des mœurs pour sauvegarder nos coutumes de ces envahisseurs de la toile qui affectent négativement, comme on le dit, le comportement de nos enfants. Pour ce coup-là, ils ont quelque part raison. Certaines publications dépassent largement l’obscénité et touchent même à la dignité humaine. Il n’empêche que l’affaire a pris de l’ampleur et a provoqué un vaste débat entre ceux qui dénoncent un excès de propos grossiers et d’images obscènes sur les réseaux, et ceux qui y ont vu une nouvelle restriction des libertés.

Après tout, la notion de mœurs est assez vaste. En se référant à l’article 226 en question, on parle d’attentat à la pudeur et d’incitation à la débauche. Des expressions ambiguës et facilement manipulables, du moment que c’est subjectif. Des comportements banals dans un quartier de la capitale pourraient être considérés dans une autre ville comme des actes blasphématoires. Un certain habit est considéré comme osé dans une région, alors qu’il est tout à fait accepté dans une autre. Et c’est là que le bât blesse. Entre respecter les mœurs et atteindre à la liberté, il y a comme un malentendu. Mais bon, qu’à cela ne tienne, le décret 54 est déjà passé par là et on commence, comme qui dirait, à avoir l’habitude de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. La chose a perdu de son importance.

Le plus important aujourd’hui est de savoir qui est derrière les perturbations qui ont été enregistrées au niveau de quelques vols de Tunisair du 1er, 2, 3 et 4 novembre. Il paraît que c’est dû à des problèmes techniques inattendus ayant touché plusieurs avions. A moins que ça soit des lobbies qui commencent à se manifester ces jours-ci, ainsi que leurs ramifications au sein d’un nombre important d’administrations, d’institutions et d’entités publiques. C’est, du moins, ce qui a été annoncé lors d’une réunion du Conseil de sécurité nationale au palais de Carthage tenue le 4 novembre. Il a été d’ailleurs décidé de qualifier l’acte de crime, soulignant que la responsabilité ne repose pas seulement sur ceux qui ont exécuté les actes, mais aussi sur ceux qui les ont planifiés, ainsi que sur ceux qui ont orchestré d’autres actions similaires dans divers services publics. Ce n’est pas peu dire…

A propos d’administration, on ne voit plus très bien qui est satisfait de la loi de finances pour 2025. Pourtant, on avait cru comprendre que le texte avait été finement élaboré par le gouvernement qui voulait les meilleures des solutions aux pires de nos problèmes économiques. Toujours est-il que c’est vrai qu’elle n’a pas encore été adoptée par le Parlement, censé être une instance législative souveraine et représentative du peuple tunisien. Il avait même été dit que l’Etat recherchait désespérément à retrouver les équilibres de nature à relancer le char du même Etat, empêtré dans les dettes et quelque part incapable d’honorer ses promesses. Mais comme la partie la plus visible de l’iceberg est toujours la hausse vertigineuse du coût de la vie, tous les autres détails sont passés à la trappe et on a eu droit à une démonstration populaire, une ode à la gloire de l’économie sociale.

Ce n’est peut-être qu’une question dans l’air du temps…

Le mot de la fin est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n 906 du 6 au 20 novembre 2024 

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