La mise à niveau du tissu industriel par rapport au nouveau Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (Macf) est aujourd’hui une priorité pressante. Entrée en phase transitoire depuis 2023, cette nouvelle réglementation va contraindre, dès 2026, les entreprises exportatrices à payer des taxes supplémentaires si l’empreinte carbone de leurs produits dépasse celle des produits similaires fabriqués en Europe. Actuellement, six secteurs sont concernés, mais son champ d’application va être élargi pour inclure d’autres activités. Si les partenaires européens privilégient une approche collaborative, les entreprises tunisiennes n’ont plus de temps à perdre.
Avec les nouvelles normes de durabilité et les réglementations environnementales qu’elle vient d’introduire, l’Europe impose ses nouvelles règles du jeu aux industriels du monde entier. Perçu par certains analystes comme un outil de la politique protectionniste de l’Union européenne, le durcissement de ses réglementations environnementales est en train de rebattre les cartes de l’industrie mondiale.
En tant que partenaires des acteurs européens, les entreprises industrielles tunisiennes risquent d’en subir les dommages collatéraux si elles restent dans l’inaction. La plupart d’entre elles appréhendent mal ces nouvelles réglementations et leurs implications. Sceptiques, elles ne savent plus sur quel pied danser: la transition écologique représente pour elles un casse-tête, et elles ne savent pas par où commencer.
La compétitivité du tissu industriel est en jeu
Pour préparer le tissu industriel à ces nouveaux enjeux, le ministère de l’Industrie, de l’Energie et des Mines concentre actuellement ses efforts sur la sensibilisation des entreprises à l’impératif de la transition écologique, afin de les encourager à adopter des politiques vertes. «Les entreprises industrielles exportatrices sont aujourd’hui appelées à respecter les nouvelles exigences environnementales instaurées par nos partenaires économiques, notamment celles relatives à la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Si elles souhaitent rester compétitives, nos entreprises doivent travailler sur leur décarbonation», a souligné Adnen Zidane, directeur au sein du ministère de l’Industrie, en marge d’un atelier régional sur la décarbonation des entreprises industrielles, organisé récemment par le ministère en partenariat avec l’agence de coopération allemande GIZ.
En effet, cette rencontre marque le lancement d’une série d’ateliers régionaux sur la décarbonation, s’inscrivant dans le cadre du projet «Croissance qualitative pour l’emploi», un programme visant à soutenir le ministère de l’Industrie dans la mise en œuvre de sa nouvelle stratégie industrielle d’innovation à l’horizon 2035. «Le ministère a finalisé une stratégie de décarbonation dont l’objectif principal est d’inciter les industriels à adopter des processus de production propres et respectueux de l’environnement, leur permettant de réduire leur empreinte carbone. D’ailleurs, un guide de décarbonation, qui va servir de référence pour ces entreprises, a été élaboré et mis en discussion lors de l’atelier. Les recommandations et avis des entreprises participantes seront pris en compte lors de la rédaction de sa version finale», a précisé Zidane.
Le responsable a également affirmé que certaines entreprises ont déjà entamé un processus de transition écologique, mais que l’objectif du ministère est de généraliser ces approches aux entreprises des différentes filières industrielles. «Le ministère œuvre à concrétiser sa vision globale concernant la transition verte des entreprises. Notre objectif est que l’industrie soit conforme aux nouvelles normes internationales», a-t-il conclu.
La norme CSRD : une norme qui concerne les grandes unités de production
Il faut dire que l’adaptation au Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (Macf) est l’une des principales préoccupations qui taraudent les chefs d’entreprises industrielles.
Entré en 2023 dans une phase transitoire qui se poursuivra jusqu’en 2026, ce nouveau mécanisme instauré par l’Union européenne contraindra les entreprises exportatrices vers ce marché à payer des taxes supplémentaires si l’empreinte carbone de leurs produits est supérieure à celle des produits similaires fabriqués en Europe.
Pour l’heure, six secteurs sont directement touchés par cette nouvelle réglementation : le ciment, l’hydrogène, l’électricité, l’acier, l’aluminium et les engrais chimiques. A une étape ultérieure, son champ d’application devrait être élargi pour inclure d’autres activités. «Si les entreprises des secteurs concernés n’engagent pas des politiques de décarbonation, elles devront payer une taxe supplémentaire. C’est pourquoi la mise à niveau par rapport au Macf est aujourd’hui une priorité», a souligné Adel Aouini, expert en décarbonation et en élaboration de stratégies d’entreprises, dans une déclaration à La Presse.
Il a ajouté qu’en plus du Macf, les filiales des multinationales ainsi que les grandes entreprises industrielles sont tenues d’établir un reporting extra-financier qui évalue la durabilité de leurs chaînes de production en dehors de la communauté européenne.
Ce reporting prend en compte trois aspects : l’environnement, le social et la gouvernance. Ainsi, l’entreprise est tenue de calculer son bilan carbone et de mettre en œuvre une politique RSE permettant d’identifier les indicateurs extra-financiers (KPI) à suivre. « A partir d’une certaine taille et d’un chiffre d’affaires donné, le reporting extra-financier devient obligatoire pour les entreprises. Si certaines PME choisissent volontairement d’installer un tel reporting, les grandes entreprises doivent, quant à elles, produire des rapports de durabilité conformes à la norme Csrd », a-t-il ajouté.
L’expert a également affirmé que de nombreuses grandes entreprises en Tunisie ont déjà procédé au calcul de leur bilan carbone. Selon lui, les partenaires européens privilégient une approche collaborative pour accompagner et aider leurs partenaires en Tunisie dans leur processus de transition verte. «Mais il est impératif que les entreprises tunisiennes saisissent au vol cette opportunité et accélèrent la mise en place de leurs nouvelles politiques », a remarqué Aouini.
Il a, par ailleurs, déclaré qu’un nouveau projet de soutien aux entreprises industrielles, s’inscrivant dans le cadre du programme « Croissance Qualitative pour l’Emploi» (CQE), va permettre d’accompagner 40 entreprises du secteur textile dans l’adoption d’une démarche RSE et de labellisation.
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