Justice fiscale en France : les inquiétudes du prix Nobel d’Economie 2025, Philippe Aghion
Invité de l’émission « Tout est politique » sur France Télévision, mercredi 15 octobre, l’économiste Philippe Aghion, lauréat du prix Nobel d’Economie 2025, a mis l’accent sur la question de la justice sociale et fiscale en France. Alors que le projet de budget 2026 du gouvernement prévoit notamment une hausse de la fiscalité sur les hauts revenus.
Pour nous Tunisiens, certains des propos du nouveau prix Nobel peuvent nous intéresser.
S’il reconnaît que la France est l’un des pays les plus redistributifs au monde, le récent prix Nobel d’Economie, Philippe Aghion, estime que le véritable problème réside moins dans la répartition des richesses que dans l’inégalité d’accès à une éducation de qualité, qu’il considère comme le cœur de la fracture sociale actuelle.
L’école au centre des inégalités
Pour Philippe Aghion, les écarts se creusent dès le plus jeune âge, lorsque l’origine sociale conditionne les chances de réussite. Il souligne que les performances éducatives en France sont aujourd’hui fortement corrélées au milieu social. Et ce, comme l’attestent notamment les résultats des tests PISA.
Par conséquent, l’économiste plaide pour une réforme en profondeur du système éducatif, inspirée des modèles finlandais, voire portugais. Il estime qu’il s’agit moins d’augmenter les dépenses que de mieux les allouer : recentrer l’enseignement sur les fondamentaux (grammaire, calcul, dictée); renforcer l’encadrement avec des classes moins chargées; des enseignants mieux formés et mieux rémunérés; et développer le tutorat pour les élèves en difficulté.
Voilà un des aspects auxquels fait face le système éducatif tunisien lui aussi.
Il se prononce également contre l’usage des téléphones portables en classe et en faveur d’un retour aux manuels scolaires. Pour lui, la priorité doit être de garantir à tous les élèves les mêmes outils de réussite, quel que soit leur milieu d’origine.
Réformer plutôt que dépenser plus
Philippe Aghion évoque en exemple la Finlande, où les programmes sont conçus de manière centralisée mais la gestion des établissements reste décentralisée, permettant ainsi une meilleure adaptation locale. Les enseignants y suivent cinq années de formation après le baccalauréat et bénéficient d’une évaluation régulière.
Ce type de modèle, pense-t-il, pourrait être adapté à la France, avec une politique éducative plus structurée, moins fragmentée et centrée sur les apprentissages fondamentaux.
Fiscalité : une approche ciblée plutôt que punitive
Interrogé sur la taxation des hauts revenus et la « taxe Zucman », qui vise les patrimoines importants, l’économiste se montre prudent. S’il reconnaît l’existence de marges d’action pour une fiscalité plus juste, il met en garde contre les mesures susceptibles de freiner l’innovation et l’investissement, notamment dans des secteurs stratégiques comme l’intelligence artificielle.
Il estime qu’une taxation sur des revenus non réalisés pourrait désavantager les entrepreneurs français face à leurs concurrents étrangers. Faisant perdre par conséquent au pays des opportunités majeures dans des domaines technologiques d’avenir.
En revanche, il se dit favorable à une meilleure régulation de certains dispositifs fiscaux, comme la « niche Dutreil » ou l’usage abusif des holdings patrimoniaux, parfois détournés de leur vocation économique. Il évoque également la possibilité d’une taxe exceptionnelle sur les patrimoines très élevés, à condition de ne pas toucher à l’outil productif.
L’urgence, c’est l’égalité des chances
Philippe Aghion pense que concentrer le débat sur les seules mesures fiscales serait une erreur stratégique. L’économiste rappelle que l’essentiel de l’inégalité en France se joue dans l’accès à l’éducation et dans la capacité de chacun à développer son potentiel, indépendamment de ses origines.
Il appelle donc les responsables politiques à replacer la mobilité sociale et la réforme de l’école au cœur du débat public. Tout en estimant qu’il s’agit là du levier le plus puissant pour réduire durablement les inégalités et stimuler la croissance et l’innovation.
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