Hier la rentrée scolaire : Un mouvement d’ensemble exceptionnel
Oui, cette rentrée scolaire est une mobilisation générale de tout un pays. Tous les secteurs de la vie publique—transports, santé, sécurité, livraisons, etc.— s’élancent pour un même objectif des plus nobles. Assurer aux futures générations le droit du savoir et de la formation.
La Presse —C’est un formidable mouvement d’ensemble qui s’effectue à la même heure, d’un bout à l’autre du territoire. 6.164 établissements scolaires ouvrent leurs portes aux 61.000 enfants du préscolaire, 1161.638 écoliers du primaire, 570.655 collégiens et 532.150 lycéens. Des gamins et gamines, des adolescents, des jeunes qui représentent l’avenir de notre pays effectuent le même pas, hésitant pour les uns, assuré pour les autres, pour franchir le seuil du futur.
Ils portent l’espoir de leurs parents bien sûr, mais aussi les certitudes de tout un pays.
Comment se passe cette rentrée ? Plutôt bien, d’après ce que nous avons vu ou d’après nos contacts effectués au niveau régional.
Mais un spectacle que nous n’avons franchement pas apprécié, le désordre qui régnait devant deux écoles qui se trouvent à deux kilomètres de distance. Les véhicules débordaient largement sur la chaussée et gênaient la circulation. A croire que les parents motorisés, auraient souhaité faire descendre leur progéniture juste à côté du banc sur lequel ils devraient s’installer en classe.
Cela débouche sur une foire d’empoigne indescriptible. Les uns tentent de forcer la porte. D’autres haussent la voix et cela donne une idée de l’indiscipline qui fait de cette journée de fête une occasion de présenter un visage peu reluisant devant ces enfants à qui on demandera de se mettre soigneusement en rang devant la porte d’entrée de leur classe.
A part cela, les accolades, de petits bisous, des pas de danse en rond et des chansons à la mode, les gamines et gamins apparaissent pour leur majorité heureux de se retrouver.
Oui, il y en a ceux ou celles qui auraient bien voulu être ailleurs. A la plage ou sur une terrasse avec des écouteurs aux oreilles.
La porte est encore fermée. Le gardien, qui semble connaître tout le monde, l’ouvre pour laisser entrer les maîtres et maîtresses qui s’engouffrent rapidement. Un petit geste en guise de salut mais quelques-uns n’échappent pas aux questions des parents.
Il y a un bon bout de temps que nous avons eu l’occasion de voir cette école de Raoued, à l’occasion des élections. Elle a beaucoup changé. On l’a considérablement agrandie. Il apparaît que cette année on l’a repeinte. C’est beau, la propreté.
Il est vrai que l’on a investi pour cette remise en état des centaines de millions de dinars pour construire ou réhabiliter les établissements, à l’effet d’éviter les drames précédemment vécus et qui sont dus à la vétusté et au manque d’entretien.
L’aspect sécurité a été également pris en compte. C’est ainsi que des centaines d’établissements ont bénéficié d’une remise en état des clôtures, de la pose de caméras de surveillance pour traduire la volonté de protéger et d’équiper cette infrastructure de base qui a été longtemps négligée.
Il s’agit bien entendu de protéger ces nouveaux équipements et installations. En effet, on se souvient que l’année passée, une élève a failli être enlevée (il s’est avéré que c’était son père) et que lorsqu’on a eu recours à la caméra, elle s’est révélée être hors d’usage.
Un groupe de dames gazouillaient pour écourter l’attente : «Espérons que mon fils aura la même maîtresse cette année aussi. Elle ne s’est pas absentée une seule journée».
«Mon petit neveu n’a pas eu cette chance. Son instituteur s’est beaucoup absenté», répondit l’autre tout en arrangeant le ruban de sa fille.
Des emplois du temps sont affichés au tableau. Les parents les consultaient pour savoir à quelle heure ils devaient emmener leurs enfants.
Un monsieur raide comme un i était devant une porte entrouverte. Il répondait par des hochements de tête à ceux qui le saluait. C’était le directeur : «Cet emploi du temps est valable pour les deux premiers jours. Ne quittez pas vos enfants avant de les avoir vus entrer en classe. Revenez les prendre à la sortie», lança-t-il à ceux qui s’attroupaient autour du tableau d’affichage. Des recommandations que les parents répercutaient aux nouveaux arrivants. Il est vrai que cette année, on a fait un réel effort. Ça sent la peinture partout. Les murs, portes, blocs sanitaires, tout est propre.
«Il faudrait que les élèves veillent à les laisser en bon état, ferment les robinets, éteignent les lampes et ne poussent pas les portes avec le pied, bref assurer de tout garder en l’état, il faut le dire aux enfants», rappela le directeur aux parents qui l’entouraient.
«Tous les instituteurs seront présents monsieur le directeur ?»
«En principe nous n’aurons pas d’absence», répondit-il en regardant sa montre. Au centre de la cour, un surveillant préparait le drapeau national.
Quelques kilomètres plus loin, une école privée. Le même spectacle, mais pas beaucoup de bousculade. Le nombre y est pour quelque chose.
Les parents ajustaient les vêtements de leurs enfants qui traînaient des sacs déjà bien chargés. Au privé, tous les manuels et accessoires sont livrés ou exigés à la rentrée. Une partie est confiée à l’école, l’autre reste en la possession des élèves.
Les discussions portaient sur l’augmentation des prix des fournitures qui a été cette année importante. En raison des alertes lancées par le ministère de la Santé, on a pris la précaution de n’acheter que les fournitures fabriquées par des marques connues. Et cela coûte beaucoup plus cher. La santé n’a pas de prix certes, mais cela pèse lourd pour bien des ménages, dont quelques-uns pensaient déjà à la prochaine mensualité.
«Ce sera la dernière année au privé. L’année prochaine, je mettrai mes deux enfants dans une école publique. Ils ont une bonne base, ils ne risquent rien. C’est lourd comme budget. Nous n’arrivons plus à nous en sortir».
Gageons qu’il n’en sera rien. Les familles se saigneront à blanc pour assurer l’avenir de leurs enfants, car on est de plus en plus convaincu que l’élitisme gagne du terrain et que seuls les meilleurs ont une chance dans cette vie trépidante.