Redonner à la ville sa beauté ne consiste pas seulement à repeindre des façades ou restaurer des fontaines. C’est offrir aux citoyens un espace public digne, propre et accueillant, symbole d’une Tunisie qui se respecte et qui respecte ses habitants. Entre ambition esthétique, quête de dignité et fléaux comme le vandalisme, l’enjeu dépasse l’urbanisme et touche au cœur même du pacte social.
La Presse — Le Président de la République, Kaïs Saïed, s’est rendu dans la nuit du lundi 1er septembre aux places Barcelone et Mongi Bali, fraîchement réaménagées sous la supervision des équipes du Génie militaire. Dans une vidéo diffusée sur la page officielle de la présidence, le Chef de l’État a insisté sur la nécessité de préserver au quotidien et de manière continue l’esthétique de ces espaces.
Il a souligné que cette responsabilité ne pouvait pas être assumée par la seule municipalité, mais relevait d’un effort partagé entre les différentes parties prenantes. Dans ce cadre, il a ordonné badigeonnage des bâtiments qui jouxtent ces places dans les prochains jours.
Vers une « révolution culturelle » dans l’espace urbain
Au-delà de l’embellissement architectural, le Président Saïed a mis l’accent sur l’importance de créer des espaces ouverts, accessibles, propres et agréables à vivre. Pour lui, cette démarche illustre pleinement la « révolution culturelle » à laquelle il appelle, afin de replacer l’esthétique, la propreté et la convivialité au cœur de la vie urbaine comme un droit fondamental du citoyen.
Il a également exprimé le souhait de généraliser ce type d’initiative dans toutes les régions du pays, en multipliant les espaces verts et en restaurant l’image d’une « Tunisie verte », digne de son histoire et de son identité.
La dignité citoyenne, un projet global
La dignité du citoyen n’est pas un concept abstrait. Elle se traduit dans la vie quotidienne à travers un ensemble de droits et de services concrets. La dignité, c’est d’abord le droit à un transport décent, qui évite d’attendre des heures un bus vétuste ou de voir passer des rames bondées sans pouvoir y monter.
C’est aussi l’accès à des services de santé performants et de qualité, ouverts à tous, y compris aux plus démunis. Elle se manifeste dans une éducation solide et inclusive, capable d’offrir à chaque enfant les mêmes chances de réussite. Elle prend enfin corps dans la possibilité de vivre dans un environnement propre, sain et agréable.
La dignité citoyenne s’exprime également à travers la culture, qui doit être diverse et multiforme, à la fois élitiste et populaire, afin que chacun y trouve sa place. Elle doit être largement accessible à tous, grâce à des événements, des activités et des lieux de divertissement répartis sur le territoire et proposés tout au long de l’année.
Des citoyens au cœur des préoccupations
Lors de sa visite, le Chef de l’État s’est entretenu avec plusieurs citoyens venus partager leurs préoccupations. L’un d’eux a dénoncé les interminables attentes dans les stations de transport et la vétusté des bus et rames de métro. Le Président lui a répondu en assurant que des efforts étaient en cours pour renforcer le parc, grâce à l’acquisition de nouveaux véhicules et à la réparation des rames existantes.
Dans le même esprit, il s’est rendu à la gare de Tunis, récemment rénovée, où il a échangé avec les usagers sur la qualité des services et leurs besoins quotidiens.
L’urgence de comprendre et d’endiguer le vandalisme
Cette ambition se heurte cependant à un défi majeur, celui du vandalisme. En Tunisie, plusieurs exemples récents témoignent de ce fléau, qu’il s’agisse de bus nouvellement acquis caillassés à peine mis en circulation ou de la station de transport de Sfax saccagée peu après sa rénovation. De tels actes ne relèvent pas de simples incivilités. Ils fragilisent l’effort collectif et sapent la confiance entre l’État et les citoyens.
Certes, les sanctions doivent être exemplaires afin de protéger le bien public, mais il est tout aussi essentiel de comprendre les ressorts de ces comportements. Ces jeunes agissent-ils seuls, par colère ou désespoir ? Sont-ils instrumentalisés, voire rémunérés pour saboter les efforts de l’État ? Pourquoi en viennent-ils à détruire ce qui est censé leur appartenir en commun ? Répondre à ces questions ouvre un chantier nécessaire, mêlant sécurité, pédagogie et dialogue social.
Préserver la dignité passe aussi par la protection du bien commun et par l’offre de perspectives aux jeunes qui les détournent de la tentation de détruire ce qui pourrait améliorer leur quotidien.
Civisme et responsabilité collective
Désormais, il appartient aux citoyens de faire preuve de civisme et de responsabilité. Respecter les espaces publics, ne pas y jeter de déchets, éviter de dégrader les infrastructures ou le mobilier urbain, ce sont autant de gestes simples mais essentiels pour préserver la beauté et la fonctionnalité de la ville.
Chaque citoyen, du plus jeune au plus âgé, est appelé à devenir acteur de l’espace commun, conscient que son comportement contribue directement à l’esthétique, à la sécurité et à la dignité de la communauté. Le civisme n’est pas seulement un devoir moral, il constitue la pierre angulaire d’une cité respectueuse et vivante.
La responsabilité ne repose pas uniquement sur les citoyens. Les ministères, les banques et toutes les institutions publiques ou privées ont un rôle essentiel à jouer. Elles doivent entretenir leurs locaux et leurs espaces extérieurs, veiller à l’esthétique de leurs infrastructures et donner l’exemple.
Ce n’est ni au citoyen ni à l’État seul de compenser des négligences institutionnelles. La qualité de l’espace public est le reflet de l’ensemble de la société. Chacun, à son niveau, doit contribuer à son rayonnement, et les institutions ont le devoir d’ouvrir la voie par leur exemplarité.
Des expériences internationales inspirantes
L’expérience tunisienne, au final, n’est pas isolée. Dans plusieurs villes à travers le monde, des initiatives similaires ont montré que l’embellissement urbain pouvait transformer en profondeur la vie des habitants. À Medellín, en Colombie, l’aménagement d’espaces verts et la création de bibliothèques de quartier ont redonné confiance à une population longtemps marquée par la violence.
À Paris, la piétonnisation des berges de la Seine a métamorphosé un espace autrefois saturé par la circulation, en en faisant un lieu de promenade et de convivialité. À Rabat et Casablanca, des projets de réaménagement de places publiques et de fronts de mer ont contribué à moderniser l’image de la ville et à la rendre plus accueillante. Ces exemples démontrent que l’urbanisme, pensé comme un projet collectif, dépasse la simple esthétique pour devenir un levier de dignité, de fierté et de cohésion sociale.
La dignité comme fondement d’une citoyenneté vivante
Au-delà des infrastructures, la dignité touche à l’essence même du lien entre l’individu et la communauté nationale. Elle suppose la reconnaissance de chaque citoyen, quels que soient son âge, son milieu social ou ses orientations politiques. La fierté et le sentiment d’appartenance se construisent sur une double base : l’histoire et le patrimoine qui fondent la mémoire collective, et la valorisation de l’individu dans toutes ses dimensions.
C’est en conjuguant enracinement et ouverture que la citoyenneté peut être vécue pleinement, comme une source d’épanouissement et de cohésion.
Le message porté par le Président Saïed va donc au-delà du simple réaménagement urbain. Il s’agit d’une ambition plus vaste, celle de restaurer à la fois la beauté de la ville et la dignité du citoyen, afin que l’espace public devienne le reflet d’une Tunisie réconciliée avec elle-même et pleinement tournée vers l’avenir.
Réaménager les places et redonner éclat aux espaces communs ne consistent pas seulement à redessiner la ville. C’est une manière d’offrir aux Tunisiens fierté et confiance. L’espace public devient alors le miroir d’un pays qui choisit pas à pas de marcher vers un avenir plus digne et plus lumineux.