Pourquoi les Tunisiens boudent-ils le chèque malgré la nouvelle loi ?
Malgré la révolution numérique et les réformes bancaires, les Tunisiens restent viscéralement attachés au cash. C’est le constat sans appel dressé par Hatem Fathallah, expert-comptable et professeur d’économie, lors de son passage sur Mosaïque Fm ce lundi 2 juin 2025. Un chiffre frappant résume cette réalité : 47% des transactions continuent de se faire en espèces, malgré l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les chèques censée moderniser les paiements. Pourquoi cette résistance au changement ? L’expert lève le voile sur une habitude ancrée dans les mentalités, révélant au passage les failles d’un système financier en pleine mutation… Il a expliqué que le recours au chèque par les Tunisiens n’avait pas dépassé 7 % depuis l’adoption de cette loi, un chiffre qui témoignerait, selon ses propos, d’une faible adoption de ce mode de paiement. Il a rappelé qu’auparavant, le chèque avait une dimension contraignante en raison des sanctions pénales en cas d’impayé et des procédures accélérées, ce qui aurait incité les utilisateurs à éviter tout problème.
D’après son analyse, le chèque était souvent détourné de son usage légal, son paiement différé le transformant en un instrument de crédit garanti. Cela aurait permis au tireur d’obtenir des fonds tout en convenant avec le bénéficiaire des délais de règlement, une pratique assimilable à un mécanisme de prêt informel.
Hatem Fathallah a ajouté que le système de paiement par chèque, dans son ancienne version, avait été particulièrement avantageux pour les commerçants, les familles et les investisseurs, tandis que la classe moyenne en aurait été la principale victime, ce qui expliquerait sa faible utilisation actuelle.
Il a également indiqué que les Tunisiens avaient dû renoncer à certaines dépenses initialement prévues dans des secteurs comme la santé, les voyages ou l’ameublement, notamment pendant les périodes de soldes. Il en a conclu que le comportement des consommateurs en Tunisie avait évolué depuis l’adoption de la nouvelle loi sur les chèques.
Un record des transactions en espèces
Concernant les transactions en liquide, l’expert a affirmé qu’elles avaient atteint un niveau historique, dépassant les 24 milliards de dinars en billets et pièces en circulation, un montant qu’il a qualifié de « préoccupant ».
Il a souligné que, par le passé, les émetteurs de chèques à paiement différé se voyaient contraints de les honorer à l’échéance sous peine de sanctions, ce qui garantissait un certain contrôle bancaire sur les flux monétaires. Cependant, aujourd’hui, les citoyens se tourneraient davantage vers les transactions en espèces, souvent sans facturation ni traçabilité, y compris dans l’économie informelle, affaiblissant ainsi le contrôle fiscal.
Selon lui, ces pratiques non régulées risqueraient de réduire les recettes fiscales de l’État, car l’absence de facturation et de suivi des flux financiers entraînerait des déclarations inexactes. Cette situation pourrait, à terme, compromettre les revenus de l’État, son équilibre budgétaire et sa capacité à respecter ses engagements financiers pour l’année 2025.
S.M