L’Agence internationale de l’énergie (AIE) vient de dévoiler la 10e édition de son rapport sur les investissements mondiaux dans l’énergie. Si le rapport met en évidence une évolution significative de ces derniers, il souligne, entre autres, la nouvelle dynamique observée au Moyen-Orient. Avec une production de pétrole et de gaz naturel atteignant respectivement 30 % et 17 % de la production mondiale, la région joue un rôle déterminant dans la géographie de l’énergie.
La Presse — « Malgré les tensions géopolitiques élevées et l’incertitude économique, les flux de capitaux vers le secteur de l’énergie devraient augmenter en 2025 pour atteindre 3.300 milliards de dollars, soit une hausse de 2 % par rapport à 2024 », a affirmé l’AIE dans son récent rapport sur les investissements mondiaux dans l’énergie.
En effet, selon le document, environ 2.200 milliards de dollars sont alloués aux énergies renouvelables, au nucléaire, aux réseaux, au stockage, aux carburants à faibles émissions, à l’efficacité énergétique et à l’électrification.
Ce montant représente le double des 1.100 milliards de dollars dirigés vers le pétrole, le gaz naturel et le charbon. D’après le document, les incertitudes concernant les perspectives économiques et commerciales ont poussé certains investisseurs à adopter une approche attentiste quant à l’approbation de nouveaux projets. Cependant, aucun impact significatif n’a été observé sur les dépenses liées aux projets existants.
La Chine mise sur les énergies propres
Le rapport souligne une évolution de la géographie des investissements énergétiques qui aura des implications durables.
La Chine, le plus grand investisseur mondial dans l’énergie, continue d’investir massivement dans les énergies propres.
Sa part dans les investissements mondiaux en la matière est passée d’un quart, il y a dix ans, à près d’un tiers aujourd’hui. Aux États-Unis, la tendance serait plutôt à l’accalmie, puisque les dépenses consacrées aux énergies renouvelables et aux carburants à faibles émissions devraient se stabiliser au cours de la prochaine période, après avoir presque doublé durant les dix dernières années, et ce, en raison de la réduction progressive des politiques de soutien.
Le document souligne également que les investissements dans l’amont pétrolier et gazier migrent de plus en plus vers les grands détenteurs de ressources du Moyen-Orient. Les investissements en amont de la région devraient atteindre un niveau record de 20 % du total mondial en 2025, tandis que ceux de la Russie ont chuté pour se stabiliser à 6 %.
L’Afrique, entre difficultés de financement et besoins en énergies propres
Le rapport révèle également que de nombreuses économies en développement, en particulier en Afrique, peinent à mobiliser des capitaux pour investir dans des infrastructures énergétiques.
Cette situation s’explique par des difficultés de financement qui puisent leur origine dans la dépréciation des monnaies et la hausse des taux d’intérêt, lesquelles compliquent l’accès au crédit et le remboursement de la dette.
En Afrique, le coût global du service de la dette équivaut à plus de 85 % du total des investissements énergétiques prévus pour 2025. En baisse considérable, les investissements énergétiques sur le continent ont diminué d’un tiers en 2025 par rapport à 2015, la baisse des dépenses dans le pétrole et le gaz n’ayant été que partiellement compensée par une hausse des investissements dans les énergies renouvelables. Le continent ne représente que 2 % des investissements mondiaux en énergies propres, alors qu’il abrite 20 % de la population mondiale.
L’Arabie saoudite, pionnière de l’investissement dans l’amont pétrolier
Une analyse détaillée par région révèle que le Moyen-Orient dispose de certaines des ressources pétrolières et gazières les moins coûteuses au monde. En 2024, il a contribué à hauteur de 30 % à la production mondiale de pétrole et de 17 % à celle de gaz naturel. L’Arabie saoudite est le pays qui investit le plus dans l’amont pétrolier et gazier de la région, avec des investissements qui devraient atteindre environ 40 milliards de dollars en 2025, soit près de 15 % de plus qu’en 2015.
Le document affirme que, dans l’ensemble, le Moyen-Orient devrait investir environ 130 milliards de dollars dans l’approvisionnement en pétrole et en gaz en 2025, ce qui représente environ 15 % du total mondial. Les compagnies pétrolières nationales du Moyen-Orient et d’Asie représentent environ 40 % des investissements dans l’amont, contre 25 % en 2015.
En Arabie saoudite et au Koweït, ces investissements proviennent presque exclusivement de leurs compagnies nationales, tandis qu’au Qatar, aux Émirats arabes unis, à Oman et en Irak, la part des investissements étrangers est plus importante. Au Qatar, les investissements nationaux ont été multipliés par sept depuis 2015, grâce au développement accéléré du gigantesque champ gazier North Field, tandis que les investissements étrangers ont quadruplé sur la même période.
Aux Émirats arabes unis et à Oman, environ 40 % des investissements en amont proviennent de sources étrangères. En Irak, cette part atteint environ 70 % et continue de croître, le pays s’apprêtant à attribuer 30 nouveaux projets pétroliers et gaziers. Le rapport met également en évidence l’intensification des investissements à l’étranger de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis.
Saudi Aramco a récemment acquis des participations dans Port Arthur LNG, ainsi que dans des activités aval aux Philippines. Certaines grandes entreprises de la région, comme Saudi Aramco et Adnoc, investissent aussi davantage dans les carburants à faibles émissions.
Les terres rares, un nouvel enjeu dans la région Mena
Selon ce même rapport, le gaz naturel continue d’être la principale source d’électricité dans la région, puisqu’il y fournit les deux tiers de l’approvisionnement. Le Moyen-Orient — avec les États-Unis — a représenté près de la moitié de tous les investissements directs étrangers dans les centrales électriques au gaz naturel en 2024.
La région voit également croître la part des renouvelables et du nucléaire, qui a doublé depuis 2015 pour atteindre près de 15 % en 2024. Au total, les investissements dans l’énergie propre destinée à la production électrique devraient avoisiner 9 milliards de dollars en 2025. Par ailleurs, le rapport souligne un développement minier qui prend de l’ampleur, avec une exploration nationale accrue du lithium, du cuivre et des terres rares.
Il explique que les pays de la région misent aussi sur leurs avantages énergétiques pour sécuriser des accords d’approvisionnement internationaux et développer leurs capacités de transformation des minerais critiques. Les investissements prévus dans des projets miniers dans la région dépassent 20 milliards de dollars, principalement portés par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.