L’objectif des organisateurs est de faire prendre conscience des données alarmantes en matière de santé auditive qui se dégrade et de trouver des réponses concrètes sur le plan médical, en plus des moyens de prévention et de sensibilisation qui existent. L’alerte est donnée !
La Presse — A l’instar de l’hypertension artérielle qui est un tueur silencieux, la surdité, notamment d’origine professionnelle ou liée à la qualité de vie est un fléau qui alerte le ministère de la Santé. Dans ce cadre, un séminaire national a eu lieu les 6 et 7 mai, traitant des effets sanitaires de l’exposition au bruit. Ainsi, pour poursuivre les efforts visant à promouvoir les soins de l’oreille et à prévenir la surdité, l’Agence nationale d’evaluation des risques, sous la tutelle du ministère de la Santé, a organisé ce colloque national.
Ce forum a présenté les développements scientifiques liés aux effets de l’exposition au bruit et la situation actuelle en Tunisie dans la maîtrise de ces risques aux niveaux organisationnel, institutionnel et de sensibilisation, dans le but d’élaborer un plan d’action pour prévenir les risques sanitaires liés à l’exposition aux bruits forts et intenses. Une double journée sous le slogan «Prenez soin de votre audition, pour en profiter toute votre vie». Des représentants de divers ministères, d’organismes compétents, d’organisations de la société civile, d’associations médicales compétentes et des médias ont participé à ce forum, dans le but de sensibiliser à l’importance de prévenir la perte et la déficience auditives et de proposer un programme pratique de prévention et de protection.
Dr Zohra Jemmali, Directrice générale de l’Aner, a prononcé l’allocution d’ouverture, avant de céder la parole aux différents panélistes qui ont présenté chacun leur exposé à l’assistance venue nombreuse s’enquérir des évolutions, dans le domaine de la santé auditive. Lors de l’ouverture, «le bruit et ses effets sur la santé, portant sur le cadre conceptuel et problématique» a été rappelé par M. Med Wassim El Hani de l’Aner. Un état des lieux actuel a été dressé lors de la séance inaugurale avec la 1ère étude nationale de perception des risques du bruit par les Tunisiens, par M. Mondher Mansour et Mme Bochra Sayadi de l’Aner. Des données sur le handicap auditif en Tunisie ont été traduites par M. Thamer Toukabri du ministère des Affaires sociales. La deuxième séance a porté sur la thématique du “bruit et santé“. Des notions de physique de l’acoustique par M. Mohamed Ouni-Istmt, avant de passer à l’exposé Bruit et santé du Pr agrégé Ines Riahi-Hôpital Charles-Nicolle. Le bruit en milieu professionnel a été abordé par M. Aymen Chaabani et M. Sofiane Zekri de l’Isst (Institut supérieur de sécurité au (Travail).
D’ailleurs, une étude menée par l’Aner a révélé que 68 % des Tunisiens écoutent de la musique à un volume élevé, dépassant le seuil recommandé pour une écoute sans danger. L’étude, réalisée en 2022, souligne l’absence de conscience collective face aux dangers du bruit sur la santé, en particulier chez les jeunes. Les adolescents âgés de 16 à 19 ans écoutent la musique entre une et cinq heures par jour, et nombre d’entre eux dorment avec des écouteurs. Alors on a focalisé sur ce point avec Pr Riahi qui a mis en relation, dans son exposé, le bruit et la santé.
Prévenir la population juvénile
On a demandé au Pr Riahi qui a fait une intervention ayant suscité un intérêt certain de l’assistance, quels sont les principaux enseignements que l’on dégage à la suite de cet exposé, sur les risques sanitaires liés au bruit. Pr Ines Riahi est ORL et professeure agrégée à la Faculté de médecine de Tunis. Elle a résumé les principaux points de son intervention : «Donc, mon intervention a concerné les effets du bruit sur la santé. En tant qu’ORL, il me tient à cœur de parler de la santé auditive, bien évidemment. Parce que, c’est un risque que tout le monde, toute la population prend, sans en être forcément avisé, sans y être suffisamment sensibilisé.
Le bruit nous entoure de toutes parts, les niveaux sonores s’élèvent très, très rapidement sans qu’on s’en rende compte, et ils peuvent laisser des traces sur notre audition. S’exprimer avec le temps, soit par des acouphènes, ou par ce qu’on appelle l’hyperacousie, c’est-à-dire l’hypersensibilité douloureuse au bruit, parfois de la fatigue auditive, mais ça peut évoluer jusqu’à la surdité, avec des degrés variables certes, mais c’est une surdité qui n’est pas récupérable.
Donc malheureusement, il n’y a aucune autre alternative que la prévention. La prévention passe à travers la communication, l’éducation, l’information, la formation, donc la sensibilisation de toutes les populations, et un message particulier, la population des jeunes, adolescents, adultes ou jeunes qui, au jour d’aujourd’hui, s’exposent beaucoup trop, que ce soit dans les loisirs, les écouteurs, les casques à travers les jeux vidéo, l’écoute de la musique, les lieux publics qui sont très, très sonorisés.
En fait, ces catégories sont en train de s’exposer très, très tôt à ces risques-là, et comme je l’ai dit, la surdité n’étant pas réparée, viendra le jour, où avec l’âge, ou avec d’autres maladies, on aura d’autres facteurs de risque surajoutés qui ne peuvent qu’entraver la qualité de notre écoute, notre audition, et derrière, notre communication. Donc, je pense que s’il y a un message, c’est bien celui de faire attention au bruit qui nous entoure, et protéger son oreille. Même en utilisant le téléphone, il faut faire attention au niveau sonore, et il suffit de mettre des applications qui limitent le niveau sonore pour déjà se protéger à sa petite échelle».
On lui a également demandé, pourquoi on remarque qu’il y a un manque de prise de conscience des Tunisiens face aux risques liés au bruit. Comment les Tunisiens ne sont pas suffisamment conscients des dangers même si comme vous l’avez fait remarquer, on n’est pas tous égaux face au risque de surdité encouru ? Pr Riahi de reprendre sur sa lancée : «Oui, absolument. Alors d’abord, il y a des choses qui sont en train d’évoluer, et notre exposition est en train d’évoluer. C’est-à-dire qu’il y a de nouvelles pratiques, y compris de loisirs, qui sont en train d’être banalisées, et pourtant pourvoyeuses de beaucoup de traumatismes sonores.
Autant on se rend compte que quand on travaille, dans une industrie quelconque, il y a beaucoup de bruit, ça on le sait, quand on va dans un mariage, ça on le sait, mais il y a beaucoup d’autres petites expositions qui relèvent des fois du plaisir, et peut-être que la jeunesse n’aimerait pas entendre que justement ce plaisir-là est pourvoyeur de risques.
Et bien sûr qu’il n’y a pas suffisamment d’informations. L’information, à mon sens, devrait commencer à l’école, c’est-à-dire qu’on devrait sensibiliser les enfants aux risques liés au bruit, bien sûr donner des outils aux enseignants pour pouvoir en permanence sensibiliser la population jeune, parce que l’adulte de demain est l’enfant d’aujourd’hui, et je pense que c’est là où on aurait dû commencer, mais c’est toujours rattrapable, et on peut commencer aujourd’hui à travers des actions».
«Les thérapies comportementales n’ayant pas fait leurs preuves, la seule solution reste la prévention. Beaucoup de gênes et de désagréments sont causés, en plus de tout le cortège de risques sanitaires» a martelé Pr Riahi, à ce sujet. L’Aner a emboîté le pas, en axant sur la sensibilisation.
Sensibilisation face aux risques encourus
L’Aner a transmis des conseils pour maintenir des oreilles saines, divulgués dans une brochure officielle du ministère de la Santé. Parmi les gestes qu’il faut entreprendre, il s’agit d’utiliser des bouchons d’oreilles dans les endroits bruyants. Ceux qu’il ne faut pas faire est de recourir au coton-tige imbibé d’huile, de bâtonnets ou d’épingles à l’intérieur de ses oreilles. Il est conseillé de vérifier régulièrement son audition. De ne pas nager ou se baigner dans de l’eau sale, ne pas oublier de porter ses appareils auditifs régulièrement, lorsque cela est conseillé. Ne pas partager les écouteurs ou les bouchons d’oreilles. De consulter un médecin si on a des problèmes d’oreilles ou d’audition. Prodiguer des soins pour les oreilles et l’audition, chose valable pour tout le monde et surtout ne pas s’exposer aux bruits forts et nocifs, ni de musique forte.
Cet événement a eu pour but de viser à présenter les dernières avancées scientifiques en rapport avec les risques sanitaires liés à l’exposition aux bruits forts et aigus, et à évaluer la situation actuelle au niveau national concernant le contrôle des risques sanitaires liés au bruit d’un point de vue institutionnel et organisationnel, ainsi que la question de la coordination entre les parties prenantes, dans le but d’initier l’élaboration d’un plan d’action national de prévention des risques sanitaires liés à l’exposition aux bruits forts et aigus. Les séances 3 et 4 ont porté respectivement sur les actions de maîtrise des risques dus à l’exposition au bruit et les mesures de maîtrise de ces mêmes risques et des moyens de mieux les prévenir.