L’institution éducative n’est pas épargnée par ce phénomène de la délinquance juvénile, puisque les élèves et le cadre enseignant et administratif y sont souvent confrontés et exposés à tous les dérapages…
Malgré les efforts des responsables, l’arsenal juridique et les poursuites policières, on constate une montée inquiétante de la violence et des délits de droit commun dont des cambriolages, des vols à la tire en plein jour et des agressions à l’encontre des enfants et des personnes âgées ou handicapées.
Même l’institution éducative n’est pas épargnée par ce phénomène de la délinquance juvénile, puisque les élèves et le cadre enseignant et administratif y sont souvent confrontés et exposés à tous les dérapages…
Mme Saloua, enseignante au lycée d’El Ala, nous confie son angoisse : «La violence gagne du terrain dans la plupart des établissements éducatifs qui connaissent des incidents inquiétants, puisque l’on assiste à de graves atteintes à la sécurité des élèves et à leur intégrité physique. On n’oubliera jamais ce qui s’est passé dans notre lycée lorsqu’un parent d’élève s’est introduit dans la cour, dans le but de corriger un élève qui s’est disputé la veille avec son fils dans le bus.
Ainsi, il est entré en classe, en insultant tout le monde et proférant des obscénités à l’égard du professeur qu’il a giflé, parce que ce dernier lui a demandé de quitter la classe. En quittant le lycée escorté par les forces de l’ordre, notre «héros» n’a pas manqué de menacer d’incendier tout l’établissement ». Elle se demande, où va-t-on avec cette anarchie? « Chaque fois que je termine ma journée au lycée et que je rentre chez moi saine et sauve, je m’estime heureuse de ne pas avoir subi de violence, mais je pense au lendemain avec inquiétude…», conclut-elle.
Par ailleurs, au collège Ibn Charaf (Kairouan-Sud), une parente d’élève s’est introduite dans la cour, criant en déchirant son foulard et en insultant tout le monde, puis elle a giflé un professeur d’anglais parce qu’il a rédigé un rapport contre son fils.
En outre, en passant tous les jours devant les lycées et les collèges, on constate beaucoup de bagarres entre élèves, filles et garçons et des scènes désolantes de disputes et de mots grossiers.
Même le transport scolaire n’est pas épargné…
Le 19 novembre courant, deux fâcheux incidents ont eu lieu à la zone d’El Hanbaz (imadat Khazazia) et au village de Mouisset (délégation de Bouhajla), où de jeunes écoliers ont lancé de grosses pierres contre deux bus scolaires et ont même tenté de braquer les passagers, n’eût été le courage des chauffeurs, ayant rapidement quitté les lieux. Résultat : d’énormes dégâts au niveau de ces véhicules, des élèves blessés et beaucoup de panique et de traumatisme auprès des enseignants et de leurs élèves.
D’ailleurs, en nous rendant le lendemain aux écoles de Hanbaz et de Mouisset, pour constater de visu ce qui s’est passé la veille, on a appris que beaucoup d’élèves n’ont pas rejoint leurs écoles, faute de transport, les bus ayant été endommagés. Haythem H., un jeune instituteur, pense que les agents de la Garde nationale peuvent arrêter ces délinquants et obliger leurs parents à réparer les bus. Ce qui servira de leçon à tout le monde. Ahlem Methani, 12 ans, élève assidue inscrite en 6e année primaire, nous confie qu’elle s’est réveillée à 6h00 pour faire 4 km à pied pour aller à son école, car elle ne veut, en aucun cas, rater ses cours : «Je regrette qu’il y ait beaucoup d’absence au sein de mon école et surtout au sein de ma classe, puisque sur les 35 élèves, seuls 15 sont présents aujourd’hui ». Et d’enchaîner que certains d’entre eux ont, d’ailleurs, eu recours à l’auto-stop, en empruntant de vieilles camionnettes non sécurisées. « A la vue des vitres brisées de notre bus qui nous protège du froid et des sangliers, j’ai eu le cœur en feu… J’étouffe de colère et surtout de chagrin», s’exprime Ahlem, émue. Comme elle était sincère dans ses émotions et nous avons eu un grand plaisir à discuter avec cette écolière au tablier bleu comme son cartable et ses yeux…
Et à Mouisset..
En fin d’après-midi, nous nous sommes rendus à Mouisset et nous avons découvert un village authentique où les logements ruraux, les champs agricoles, les haies de cactus, les parcelles de terre cultivées et les écoles s’échelonnent avec nonchalance dans un monde entièrement rural et dont la population reste très attachée à ses coutumes comme à son mode de vie.
Là, les habitations n’ont pas de mystère, la vie est presque toujours en plein air. Chaque ménage s’assoit à sa porte, on lave le linge, on prépare la tabouna, on dîne, on plaisante, on se dispute. Il ne passe personne dans la rue sans qu’elle ne soit étudiée.
Mme Beya Othmani, diplômée du supérieur, sans emploi et mère de deux écoliers, nous parle, par petites phrases hachées, de l’incident de la veille : «Ce n’est pas la première fois que des mineurs se cachent sous les arbres pour lancer des pierres sur les bus scolaires et cela pour de plusieurs raisons. D’une part, cette courbe ascendante d’incivilités est liée à l’explosion de l’usage des psychotropes, d’autre part, au fait que les bus scolaires, très souvent en panne parce qu’en mauvais état, ne sont pas ponctuels ». Elle a ajouté: « Ceci oblige mes deux enfants âgés de 7 et 10 ans, à quitter la maison à 6h30 pour aller à leur école à pied. Ensuite, ils ont cours de 8h00 à 10h00, puis ils restent dans la rue jusqu’à 15h00 pour reprendre les cours jusqu’à 17h00… Et lorsqu’ils rentrent à pied, ils sont tellement fatigués qu’ils ne veulent ni manger, ni préparer leurs cours. Ils ne pensent qu’à dormir ». Et Mme Beya de recommander : « Il serait souhaitable que les responsables instituent la séance unique pour les écoles situées dans les zones difficiles d’accès. Cela éviterait des dangers liés à la présence de délinquants et d’animaux… ». Sa voix hardie, son allure sportive, sa veste bien coupée et ses cheveux dénotent qu’elle a une forte personnalité et l’on devine qu’elle attend beaucoup de choses de la vie.
Par ailleurs, beaucoup de villageois de la zone de Mouisset et de ses environs, dont Maâmer Khechini, céréaliculteur, et Othman Jaballah, infirmier, se plaignent de l’irrégularité du transport scolaire, ce qui contribue à augmenter le taux d’abandon scolaire et d’analphabétisme : «Cela sans oublier le fait que le problème d’emploi du temps pose beaucoup de soucis aux élèves, à cause des heures creuses qui les obligent à rester dans la rue où ils doivent subir beaucoup de violence, de vols et d’agressions…».
Vers 16h30, des ondées légères et le soleil, par grandes vagues, caressait les feuillages bruissant des oliviers. En rentrant chez moi, je racontais mes déplacements à El Hanbaz et à Mouisset, avec tant de nervosité, que mon fils m’examina d’un œil soupçonneux : «Mais qu’est-ce que tu as le soir ?». J’étais anxieuse.
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