Tribune: Pour créer une société plus inclusive, améliorons la couverture médiatique
Par Eric FALT | Directeur régional du bureau de l’Unesco pour le Maghreb et représentant de l’Unesco auprès de l’Algérie, la Libye, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie. |
Depuis 1992, la Journée internationale des personnes handicapées est célébrée chaque année le 3 décembre à travers le monde. Elle vise à promouvoir les droits et le bien-être des personnes handicapées dans toutes les sphères de la société et à accroître la sensibilisation à leur situation particulière dans tous les aspects de la vie politique, sociale, économique et culturelle.
A l’occasion de la journée 2024, il y a lieu de célébrer plusieurs avancées, notamment grâce aux Jeux Paralympiques de Paris, qui ont magnifiquement mis en lumière l’excellence des performances sportives de 4.400 personnes handicapées. Les sportifs tunisiens se sont distingués, en se hissant à la 27e place du classement mondial avec cinq médailles d’or, trois d’argent et trois de bronze.
En décembre dernier, j’étais aux côtés d’un certain nombre de ces athlètes tunisiens lors du Wikithon pour l’Inclusion organisé par l’Unesco et par le Comité national paralympique tunisien (Cnpt), et j’avais été frappé par leurs témoignages et leur résilience, tant sur un point de vue personnel que professionnel.
Leurs performances lors des Jeux paralympiques de 2024 ont fait briller la Tunisie sur la scène internationale et ont été une source d’inspiration pour des millions de Tunisiennes et Tunisiens. Leurs exploits ont généré une couverture médiatique sans précédent. Au niveau global, l’engouement a été similaire et cela s’est traduit par une couverture en direct des 22 sports paralympiques dans plus de 160 pays à travers le monde, grâce à la présence de plus de 2.000 diffuseurs.
Bien que cette mobilisation ait reçu un accueil chaleureux, la visibilité qu’elle a générée soulève toutefois la question du traitement médiatique des personnes handicapées et leur accessibilité à l’information. Cela est un défi majeur, qui a été souligné en marge des Jeux Paralympiques, lors d’une conférence internationale sur l’inclusion des personnes en situation de handicap, organisée à Paris par l’Unesco et le Comité international paralympique (CIP), et qui a réaffirmé la nécessité que les médias doivent être plus inclusifs.
Parce qu’ils sont le miroir de nos sociétés, les médias se révèlent en effet des vecteurs de prolifération et de perpétuation de normes culturelles discriminantes vis-à-vis des personnes en situation de handicap. Cela peut se traduire notamment par l’usage d’un vocabulaire dénigrant, voire injurieux à leur égard. Ainsi, les médias façonnent, souvent à leur insu, des perceptions fausses et préjudiciables à l’égard des personnes handicapées au sein de la population et participent à la propagation de stéréotypes qui leur nuisent.
Transformer les mentalités devient dès lors fondamental afin de lutter contre ces normes négatives. Pour ce faire, avec les organisations de personnes handicapées, qui défendent leurs droits quotidiennement, nous devons aussi mobiliser les acteurs médiatiques.
Pour parvenir à bâtir une société plus ouverte, plus accessible et plus inclusive, l’Unesco travaille étroitement avec ses partenaires pour convaincre les chaînes de télévision, les radios, les instances de régulation et d’autorégulation des médias, les organisations professionnelles et les institutions de formation de repenser la couverture médiatique concernant les questions liées au handicap.
Dans cette lignée, un effort collectif porté par un idéal commun a donné naissance en Tunisie, le 19 juillet 2024, à la Coalition nationale pour des médias inclusifs et accessibles aux personnes handicapées.
Portés par la volonté de créer une nouvelle chaîne vertueuse, l’Unesco, au côté de ses partenaires, a déjà instauré un socle commun d’outils et de connaissances (guide de communication inclusive, formations de journalistes) en faveur d’une représentation digne et respectueuse des personnes handicapées.
Avec les efforts supplémentaires de toutes et tous, nous pourrons encore renforcer la place que les personnes handicapées occupent dans la société et réduire ainsi les barrières. Des changements majeurs surgissent déjà, grâce aux engagements multiples d’acteurs tels que l’Institut de presse et des sciences de l’information (Ipsi), qui intégrera prochainement un module inclusif dans ses études de journalisme.
De la même façon, la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica), créera bientôt un système de dépôt de plainte pour discrimination. De nombreux médias se sont par ailleurs engagés à faire évoluer leur couverture des questions liées au handicap.
L’accès à l’information, qui est un droit fondamental, pourrait enfin être renforcé grâce à une proposition de projet de loi porté par trente parlementaires à l’Assemblée des représentants du peuple pour faire de la langue des signes tunisienne une langue nationale officielle.
A l’occasion de cette Journée internationale des personnes handicapées, et tout le reste de l’année, il est de notre responsabilité de donner un sens concret aux initiatives et aux engagements en faveur des personnes handicapées.
E.F.
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