Inédit. Emmanuel Macron exhorte la droite et son camp à « travailler » avec les socialistes pour composer un nouveau gouvernement, après l’inéluctable chute de François Bayrou le 8 septembre en cours. En fait, a-t-il d’autres choix ?
Finira-t-il par franchir le Rubicond ? Alors que son Premier ministre a annoncé, le 25 août dernier, qu’il se soumettrait à un vote de confiance le 8 septembre prochain, vote qui, sauf miracle, devrait entraîner sa chute, Emmanuel Macron, lequel – suite à une catastrophique dissolution de l’Assemblée nationale, aura successivement nommé deux personnalités de gauche et de droite à Matignon, en l’occurrence Gabriel Attal et Michel Barnier, puis un centriste, François Bayrou – est tenté par une bifurcation à gauche : et si pour résoudre la crise actuelle et surtout prévenir une nouvelle dissolution, le locataire du palais de l’Elysée décidait de nommer un socialiste à la tête du gouvernement ?
« L’Élysée juge le temps venu de se tourner vers le camp socialiste. Ou en tout cas d’envisager cette hypothèse », rapporte le journal espagnol El Pais. « Si cela venait à arriver, ce serait alors la première cohabitation depuis plus de vingt ans », ajoute la même source.
En effet, ce scénario n’est pas inédit sous la Ve République : entre 1997 et 2002, le socialiste Lionel Jospin a occupé le poste de Premier ministre sous la présidence de Jacques Chirac à l’issue des élections législatives anticipées provoquées par une dissolution de l’Assemblée nationale. Ne dit-on pas que l’Histoire ne se répète pas, mais elle se plagie ?
Une idée qui fait son chemin
Toujours est-il que le Parti socialiste veut croire que le président de la République nommera, enfin, un Premier ministre issu de ses rangs, d’autant que la gauche est arrivée en tête des législatives anticipées de 2024, et alors que le patron des députés LR, Laurent Wauquiez, a promis de ne pas censurer « a priori » un gouvernement de gauche, mais « sans ministres issus de la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon ».
Encore faut-il s’assurer que les députés LR sont tous sur la même longueur d’onde : le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a déjà mis son veto, expliquant dans la foulée sur X que « si un gouvernement socialiste devait mener une politique contraire aux intérêts de la France, le devoir de la droite serait de l’empêcher ».
Pourtant, les propos de Laurent Wauquiez prennent de l’épaisseur quand on se rappelle que l’ancien chef du gouvernement de Jacques Chirac, Dominique de Villepin, une voix très respectée par l’opinion publique française, ne veut pas non plus d’une dissolution qui mènerait à « une crise de régime » et se prononce en revanche pour la nomination, par Emmanuel Macron, d’un Premier ministre de gauche en cas de chute inéluctable du gouvernement de François Bayrou.
« Il faut faire les choses dans l’ordre. Il faut commencer par le bloc qui est arrivé en tête aux dernières élections, c’est un bloc de gauche. Sollicitons les personnalités qui sont susceptibles de constituer ce gouvernement. S’il échoue, alors on s’adressera au bloc central », plaida-t-il mercredi 3 septembre sur TF1.
Les socialistes y croient
Mais que pense le parti à la rose de ce scénario, impensable il y a quelques mois ? « Nous sommes volontaires » et « prêts » à entrer à Matignon, a lancé Olivier Faure, le patron des socialistes, lors des universités d’été du parti fin août.
Le socialiste, qui connaît très bien et tutoie même le chef de l’État, s’est également dit mardi 3 septembre sur LCI « à la disposition » d’Emmanuel Macron pour discuter des conditions dans lesquelles le PS pourrait occuper des places dans l’exécutif.
Calculs politiques
Message reçu cinq sur cinq par Emmanuel Macron qui cherche à tout prix à sortir du cercle infernal des dissolutions à répétition. Profitant d’un déjeuner à l’Élysée, mardi 2 septembre, autour d’Édouard Philippe, Gabriel Attal, Bruno Retailleau et François Bayrou, il a exhorté ses invités de droite à « travailler » avec le PS. Mais avait-il le choix ?
Il est clair que le président se tourne vers la gauche, non par conviction mais pour sauver un budget, éviter une censure et garantir un semblant de stabilité dans un paysage politique profondément mouvant depuis plus d’un an : la gauche, composée de troupes socialistes, de députés hétéroclites, ainsi que les écologistes, les communistes et le groupe de la gauche démocrate et républicaine, compte dans ses rangs 354 députés à l’Assemblée nationale, soit 65 députés de plus que la majorité absolue. Laquelle majorité permettrait d’adopter les budgets de l’État et de la sécurité sociale à l’automne prochain, sans recours au fameux article 49.3, lequel permet de faire adopter un texte sans vote.
Un calcul qui ne manque pas d’habileté, mais n’est-il pas saisissant de constater qu’un pouvoir en fin de règne rêve de gouverner à gauche alors que la France n’a jamais été aussi nettement installée à droite ?
L’article Un socialiste à Matignon ? est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.