Si l’État de Palestine est déjà reconnu par 148 des 193 États membres de l’ONU, les annonces française, britannique et canadienne d’une prochaine reconnaissance ont un poids symbolique et politique majeur. Mais quid de l’existence réelle, selon le droit international, de la Palestine en tant qu’un État souverain ?
Il faut reconnaître que la dernière initiative, somme toute courageuse, prise par Emmanuel Macron, a fait boule de neige. En effet, après des décennies d’hésitation et de tergiversation, le président français a annoncé, jeudi 24 juillet 2025, que la France reconnaîtra l’État de Palestine lors de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre. Un tournant diplomatique majeur qui intervient en amont de la conférence convoquée lundi 28 juillet par l’Assemblée générale des Nations unies et coprésidée par la France et l’Arabie saoudite. Et dont l’ambition est d’enclencher une dynamique pour la reconnaissance de l’État de Palestine.
Les deux pays ont fait circuler, pour adoption, une « Déclaration de New York ». Dans cette déclaration qui s’est déroulée dans un contexte dramatique marqué par la guerre à Gaza où la population est confrontée aux ravages de la faim; les signataires affirment qu’ils sont d’accord « pour agir collectivement afin de mettre fin à la guerre à Gaza, de parvenir à un règlement juste, pacifique et durable du conflit israélo-palestinien, fondé sur la mise en œuvre effective de la solution à deux États, et de bâtir un avenir meilleur pour les Palestiniens, les Israéliens et tous les peuples de la région ».
Sans surprise, les États-Unis, premier soutien d’Israël, ont « fermement » rejeté jeudi le projet du président français. Le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, a qualifié cette décision d’« imprudente » qui fait « reculer la paix » et d’un «camouflet pour les victimes du 7 octobre ».
Londres s’aligne sur Paris
Deuxième coup de théâtre : sous la pression de son opinion publique et les deux tiers des députés de son parti, le Premier ministre travailliste, Keir Starmer, a franchi, mardi 29 juillet, le Rubicon en faisant savoir que Londres était prête à reconnaître l’État de Palestine en septembre.
« Je peux confirmer que le Royaume-Uni reconnaîtra l’État de Palestine d’ici à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre. A moins que le gouvernement israélien ne prenne des mesures substantielles pour mettre fin à la situation épouvantable à Gaza, convienne d’un cessez-le-feu et s’engage dans une paix durable et à long terme, ravivant la perspective d’une solution à deux États », a déclaré le dirigeant travailliste.
Et s’est encore sans surprise que sur un ton menaçant, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a déclaré que Keir Starmer avait récompensé « le terrorisme monstrueux du Hamas et punit ses victimes ». Tout en ajoutant que « l’État djihadiste aujourd’hui à la frontière d’Israël menacera la Grande-Bretagne demain ».
Chantage
Emboitant le pas à la France et à la Grande-Bretagne, le Canada, troisième membre du G7, a annoncé, mercredi 30 juin, son intention de reconnaître un État palestinien « sous certaines conditions », suivi moins de vingt-quatre heures plus tard par le Portuga. Ce qui ferait des trois puissances occidentales les 149e, 150e et 151e pays à reconnaître l’État de Palestine.
Le Premier ministre canadien, Mark Carney, a justifié le choix de son gouvernement par « le niveau de souffrance humaine intolérable » dans l’enclave palestinienne. Mais aussi par « l’incapacité persistante d’Israël à empêcher une catastrophe humanitaire à Gaza. Ainsi que l’expansion des colonies en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est annexée par Israël – considérées comme illégales au regard du droit international. Tout en rappelant le soutien « de longue date » du Canada en faveur d’une solution à deux États.
Néanmoins, et s’alignant sur Paris et Londres, Ottawa pose certaines conditions au préalable : elle réclame notamment l’organisation des élections générales en 2026 et la non militarisation de l’État palestinien. Tout en précisant également que le Hamas ne pourra jouer aucun rôle dans ce futur gouvernement et qu’il doit libérer tous les otages.
Cette fois-ci, Ottawa s’est attiré les foudres d’Israël et des États-Unis. Usant de son arme coutumière, le chantage et la menace– Donald Trump, qui tente manifestement de faire pression sur ce qu’il considère sans vergogne comme le 51e Etat américain pour qu’il revienne sur sa décision-, a immédiatement averti que l’initiative du Premier ministre Mark Carney « compliquerait » les négociations avec Ottawa au sujet des droits de douane. « Wow ! Le Canada vient d’annoncer qu’il soutient un État palestinien, a-t-il ainsi lancé sur son réseau Truth Social. Cela va devenir très difficile pour nous de conclure un accord commercial avec eux. O Canada !!! ».
Pour sa part, l’ambassade d’Israël à Ottawa a décrié une « campagne de pression internationale déformée », venant « durcir la position du Hamas à la table des négociations à un moment critique ». Le ministère israélien des Affaires étrangères a enfin fustigé, dans une publication sur X, le changement de position du gouvernement canadien, qui « récompense le Hamas et nuit aux efforts visant à obtenir un cessez-le-feu à Gaza et un cadre pour la libération des otages ».
Faut-il rappeler enfin que la prise de position des trois pays de G7 s’inscrit donc dans le revirement spectaculaire de leurs opinions publiques face aux massacres à répétition des 2,4 millions de Palestiniens assiégés à Gaza, la transformation de l’enclave en un ghetto frappé par la famine et la désolation; ainsi que le harcèlement quotidien des Cisjordaniens. Et c’est tout à leur honneur.
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