Depuis le 02 février 2025, la Tunisie a instauré une réforme significative visant à encadrer strictement l’utilisation des chèques, dont l’objectif est de transformer en profondeur les pratiques de paiement dans le pays.
Des mois plus tard, l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprise (IACE) vient de publier une nouvelle enquête ce vendredi 30 mai 2025 révélant des changements notables dans les comportements des consommateurs tunisiens, ainsi que les premières répercussions économiques.
De ce fait, l’IACE a réalisé une enquête auprès de 1100 utilisateurs réguliers de chèques (principalement entre 30 et 50 ans) et de niveau de revenus (essentiellement entre 1000 et 3000 dinars tunisiens), a permis de recueillir des données précises sur la perception des usagers, leurs adaptations et les tendances émergentes.
IACE : 72 % des chèques n’étaient pas utilisés comme moyen de paiement immédiat
L’enquête a mentionné qu’avant la réforme, 72 % des chèques étaient utilisés non pas comme moyen de paiement immédiat, mais comme un instrument de paiement différé ou de garantie. Ce qui fait que le chèque servait ainsi de mécanisme de crédit informel, notamment pour l’achat de biens semi-durables et durables, contribuant à soutenir une demande potentiellement inflationniste. Cette pratique s’éloignait largement de la fonction légale du chèque, qui est un moyen de paiement à vue. Même parmi les consommateurs à hauts revenus (plus de 5000 DT), environ deux tiers recouraient au chèque pour des paiements échelonnés ou comme garantie.
Par ailleurs, un mois après la mise en place de la réforme, le paiement en espèces reste dominant, représentant 47 % des transactions. Les virements bancaires et les lettres de change, chacun à hauteur de 16 %, occupent la première place parmi les paiements scripturaux.
En revanche, l’adoption du » nouveau chèque » est faible, avec seulement 7 % d’utilisation. Ce qui souligne la nécessité d’un accompagnement et d’une simplification des procédures. La carte bancaire représente 14 % des paiements; tandis que la domiciliation bancaire reste marginale (0,4 %).
Près de la moitié des répondants (47 %) ont déclaré avoir rencontré des difficultés pour effectuer certains paiements depuis la réforme, au moins « parfois ». Ces obstacles traduisent une période d’ajustement complexe pour une partie importante de la population.
La réforme a eu un impact notable sur les intentions d’achat o où 29 % des sondés ont renoncé ou reporté un achat prévu. Ces achats différés étaient majoritairement des montants élevés, dépassant 1500 dinars pour 78 % des cas concernés.
Les classes moyennes, dont les revenus se situent entre 1000 et 3000 DT, ont été particulièrement affectées, avec 88 % d’entre elles ayant renoncé à un achat. Cette dépendance au chèque comme moyen de paiement différé risque de peser sur des secteurs clés tels que l’électroménager, l’ameublement ou la santé. Pour les achats importants qui ont tout de même été réalisés, les consommateurs ont privilégié le cash (57 %), la carte bancaire (23 %) et la lettre de change (20 %).
Toutefois, la question essentielle est de savoir son impact sur l’inflation et la valeur ajoutée du commerce? A cette interrogation, l’enquête a fait savoir qu’en limitant la possibilité d’acheter sans disposer immédiatement des fonds, la réforme a contribué à une baisse de la consommation de certains biens. Ce qui a eu pour effet de ralentir l’inflation dans des secteurs historiquement liés au paiement par chèque, tels que l’habillement, le mobilier et les équipements électroniques.
Il convient de noter que selon les données de l’Institut National de la Statistique (INS), l’inflation a baissé atteignant 5,7%, entrainant une baisse de l’intention d’achat qui pourrait expliquer en partie la diminution de 0,87 % de la valeur ajoutée du secteur du commerce entre le quatrième trimestre 2024 et le premier trimestre 2025.
Face à ces transformations, les consommateurs manifestent un fort intérêt pour les solutions de paiement modernes : 58 % se disent attirés par les paiements mobiles; tandis que 34 % privilégient les cartes à débit différé. Ces tendances signalent une transition progressive vers des moyens de paiement plus digitaux et flexibles.
La réforme sur l’usage des chèques marque une étape importante vers une meilleure régulation des moyens de paiement. Toutefois, la transition s’avère rapide mais inégale, avec une partie de la population confrontée à des difficultés qui pourraient conduire à une exclusion financière.
Pour accompagner cette mutation, l’étude recommande plusieurs mesures clés :
- Réviser la réglementation des moyens de paiement alternatifs pour les rendre plus accessibles et attractifs.
- Renforcer l’inclusion numérique afin de faciliter l’adoption des solutions digitales.
- Mener des campagnes pédagogiques ciblées pour sensibiliser et former les usagers.
- Mettre en place des dispositifs transitoires pour soutenir les populations vulnérables durant la période d’adaptation.
- Assurer un suivi continu des usages afin d’ajuster les politiques en fonction des évolutions observées.
L’article IACE : 47 % des Tunisiens privilégient le paiement en espèces est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.