La situation s’est rapidement détériorée depuis que l’armée israélienne a commencé, il y a dix semaines, à bloquer toute entrée à Gaza de nourriture. Au point que même des responsables de la défense israélienne ont confié au New York Times qu’« une famine généralisée était à craindre dans les prochaines semaines ».
Indécent et pathétique. Entre, d’une part, l’étalage démesuré de magnificence dans les pays du Golfe, le déploiement de signes extérieurs d’une richesse fraîchement acquise, les repas gargantuesques en l’honneur d’un président américain venu en vendeur de tapis, les palais clinquants en marbre de Carrare qui scintillent dans les pays du Golfe, et, d’autre part, les images des enfants palestiniens qui meurent aujourd’hui sous les bombes et de malnutrition et de famine à Gaza, le contraste est poignant.
Au point que Donald Trump – lors d’une tournée dans les pétromonarchies du Golfe durant laquelle il a signé de juteux accords commerciaux avec les princes du désert, empochant au passage « au total, 3 500 à 4 000 milliards de dollars en seulement quatre ou cinq jours », selon ses aveux – a fini par reconnaître, faussement compatissant, que « beaucoup de gens meurent de faim à Gaza. Il faut regarder des deux côtés », a-t-il concédé.
Bilan effroyable
C’est que, hormis cette phrase laconique prononcée par le locataire de la Maison-Blanche vendredi 16 mai à Doha, dernière étape de son périple au Moyen-Orient, l’on parla dans les capitales du Golfe de tout sauf de la situation catastrophique à Gaza, même du bout des lèvres. Pourtant, le bilan de l’opération militaire menée par Israël dans l’enclave de Gaza depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 est effroyable. Le déluge de bombes qui s’est abattu sur Gaza est tel qu’on le compare, par son intensité, aux plus lourdes frappes sur des villes allemandes pendant la Deuxième Guerre mondiale. Bilan humain : plus de 52 000 morts, dont au moins 15 600 enfants.
Quant aux dégâts matériels, ils sont considérables. L’ONU estime ainsi que 92% des bâtiments résidentiels, environ 436 000 maisons, ont été endommagés ou détruits depuis le début du conflit.
« Les débris ainsi générés représentent près de 50 millions de tonnes, une quantité écrasante de gravats dont l’enlèvement prendrait des décennies dans les conditions actuelles », précise l’organisation internationale qui chiffre par ailleurs à quelque 11 000 le nombre de corps ensevelis sous les décombres.
Famine délibérée
Car depuis que le gouvernement Netanyahou a décidé, le 2 mars dernier, de suspendre toute entrée de marchandises et d’approvisionnement dans la bande de Gaza, « chaque habitant de Gaza est menacé de famine. Une personne sur cinq risque de mourir de faim. Il s’agit d’une famine délibérée », s’insurge Tom Fletcher, secrétaire général adjoint et coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU, lors d’une intervention devant le Conseil de sécurité des Nations unies le 13 mai.
Pis. Selon le dernier rapport du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) paru lundi 12 mai, l’enclave palestinienne fait face à un risque « critique » de famine. Ainsi, 1,5 million des 2,2 millions des Gazaouis ont atteint les phases 4 et 5 de l’échelle mesurant les crises alimentaires, la phase 5 étant la plus élevée.
La quinzaine d’ONG internationales et agences de l’ONU qui ont établi ce rapport lancent l’alerte : 22% de la population se trouve même dans une situation de « catastrophe », où la faim et la malnutrition représentent un risque mortel.
La situation est telle que des responsables de la défense israélienne ont confié au New York Times qu’une famine généralisée était à craindre dans les prochaines semaines.
Les enfants en première ligne
Cette « pire crise humanitaire depuis octobre 2023 », selon les termes de l’ONU, touche particulièrement les enfants. Les cas de malnutrition aiguë, modérée et sévère s’accroissent.
Ainsi, selon un communiqué du 12 mai de l’Unicef, « 71 000 enfants et plus de 17 000 mères auront besoin d’être traités de toute urgence contre la malnutrition aiguë. Au début de l’année 2025, les organismes estimaient ce chiffre à 60 000 enfants ».
L’Enfer de Dante
À noter à ce propos que même si les crimes de guerre ne sont pas nouveaux, le gouvernement israélien assume désormais ses actes de plus en plus ouvertement. Ainsi, commentant le blocus de la bande de Gaza empêchant toute livraison de nourritures, le ministre des Finances, Bezalel Smotrich – une figure marquante de l’extrême droite israélienne -, affirmait vouloir ouvrir « les portes de l’enfer… aussi vite et mortellement que possible ».
Sauf que l’enfer s’est ouvert pour le Hamas mais également pour les deux millions de civils enfermés à Gaza, une prison à ciel ouvert où la famine est utilisée par les forces d’occupation israélienne comme une arme de guerre…
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