International : un environnement mondial encore instable (1)
La scène internationale demeure dominée par une forte incertitude géopolitique et monétaire. Entre les tensions persistantes au Moyen-Orient, la guerre en Ukraine et les hésitations des grandes Banques centrales face à la désinflation, les marchés financiers évoluent dans un climat de prudence.
La Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne temporisent : après deux ans de resserrement, elles marquent une pause pour évaluer les effets cumulatifs de la hausse des taux sur la croissance.
Dans ce contexte, les marchés émergents, dont la Tunisie, restent vulnérables aux mouvements de capitaux et aux fluctuations des prix de l’énergie. Les investisseurs privilégient la sécurité, provoquant une sélectivité accrue dans l’allocation de liquidités. Cette situation pèse sur le coût du refinancement externe des économies à faible marge budgétaire, mais profite à celles qui affichent une amélioration de leurs recettes en devises.
Pour Tunis, cette conjoncture mondiale agit comme un miroir : chaque hausse des entrées touristiques ou des transferts de la diaspora renforce la crédibilité externe du pays. Mais toute tension géopolitique ou correction de marché peut rapidement inverser cette dynamique fragile.
Des signaux mitigés dans les indicateurs monétaires et financiers (2)
Les données publiées le 17 octobre 2025 confirment une phase d’assouplissement monétaire mesuré. Le taux directeur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) se maintient à 7,5 %, contre 8 % un an plus tôt. Le taux du marché monétaire s’aligne à 7,49 %, traduisant une détente du coût du crédit. Cette orientation s’inscrit dans la continuité d’un reflux progressif de l’inflation, désormais proche de 5 %, mais reste prudente afin d’éviter un relâchement prématuré.
La liquidité bancaire témoigne d’un ajustement équilibré : le volume global du refinancement s’établit à 11 498 MDT, en légère baisse, tandis que les opérations d’open market reculent à 3 885 MDT, soit une diminution de plus de 4 000 MDT par rapport à la référence de 2024. Ce recul traduit un moindre recours des banques aux instruments d’injection de liquidité.
En parallèle, la facilité permanente de dépôt s’élève à -1 297 MDT, tandis que la facilité de prêt atteint 1 120 MDT, illustrant une gestion fine de la trésorerie interbancaire et un équilibre fragile entre excédents et besoins ponctuels de liquidité.
Sur le plan budgétaire, le solde du compte courant du Trésor recule nettement à 952,9 MDT, contre 1 558,6 MDT à la même période de 2024. Ce déficit témoigne de tensions de trésorerie persistantes qui pourraient nécessiter de nouveaux ajustements ou émissions de Bons du Trésor à court terme. À ce titre, l’encours des Bons du Trésor Assimilables (BTA) progresse à 28 607 MDT, signe d’un financement budgétaire accru par voie interne.
Des fondamentaux externes globalement soutenus
Sur le front extérieur, les avoirs nets en devises de la BCT demeurent solides à 24 578 MDT, équivalant à 105 jours d’importation. Ce niveau, bien qu’en léger repli de quatre jours par rapport à 2024, reste rassurant.
Deux facteurs clés soutiennent ce coussin : les recettes touristiques cumulées, en hausse à 6 514 MDT, et les revenus du travail cumulés, qui atteignent 6 769 MDT, confirmant la vitalité de la diaspora tunisienne.
Le service de la dette extérieure, de son côté, recule à 10 817 MDT, contre plus de 12 000 MDT en 2024, traduisant un rééchelonnement maîtrisé des paiements et une meilleure gestion des flux sortants.
Côté changes, le dinar tunisien se montre relativement stable : 2,93 TND pour un dollar et 3,42 TND pour un euro. Cette stabilité résulte autant des interventions ciblées de la BCT que d’un contexte de devises plus équilibré, même si la dépendance vis-à-vis des recettes touristiques et des transferts demeure forte.
Perspectives : prudence à court terme, consolidation à moyen terme
À court terme, la détente monétaire et la vigueur des recettes en devises offrent un répit bienvenu à la conjoncture tunisienne. La stabilité du dinar et la baisse du taux directeur créent un environnement propice à la relance du crédit et à une reprise modérée de l’investissement.
Toutefois, la dégradation du solde du Trésor et la baisse des avoirs extérieurs appellent à une vigilance renforcée : tout choc externe ou retard de financement pourrait rapidement fragiliser l’équilibre retrouvé.
À moyen terme, la Tunisie dispose d’un levier réel si elle parvient à combiner discipline budgétaire, soutien ciblé à la production exportatrice et amélioration du climat des affaires. La priorité demeure la stabilisation des finances publiques et la consolidation des réserves, conditions essentielles pour réduire la prime de risque, attirer l’investissement et restaurer une croissance durable.
In fine, la Tunisie entre dans une phase de respiration monétaire bienvenue, mais fragile. Les signaux d’apaisement sur les taux et la liquidité bancaire ne peuvent produire leurs effets durables que si la politique budgétaire et la politique extérieure convergent vers une stratégie cohérente de stabilisation et de confiance.
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Références :
(1) Sources principales consultées pour le contexte international : World Bank MENAAP (7 oct. 2025), données prix Brent / marché pétrolier (10 oct. 2025), minutes Fed / prises de position récentes, analyses Reuters sur la réaction des marchés aux tensions régionales. (Banque Mondiale)
(2) (*) https://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/indicateurs.jsp
(**) https://www.ins.tn/
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain D’Economie Financière (IAEF-ONG)
L’article ECLAIRAGE – Revue économique et financière au 17 octobre 2025 – Tunisie : respiration monétaire, mais vigilance externe est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.