Lors du Conseil des ministres tenu hier au Palais de Carthage, le président de la République, Kaïs Saïed, a prononcé un discours fleuve d’une rare virulence à l’encontre de certains hauts responsables de l’administration publique, qu’il accuse de « saboter volontairement » les services de base pour attiser la colère sociale.
« Certains ne se contentent pas de ne pas faire leur devoir, ils bloquent délibérément la machine administrative », a lancé le président en ouverture de la réunion. Pointant du doigt plusieurs incidents récents, dont des coupures d’eau dans la région du Kef survenues en pleine fête de l’Aïd, il s’est indigné d’avoir dû intervenir personnellement, à des heures indues, pour régler des problèmes qui relèvent normalement des compétences locales.
« Ce n’est pas au président de la République de se réveiller à l’aube pour résoudre une affaire d’eau ou d’électricité. C’est une défaillance grave de l’État local », a-t-il martelé.
Un diagnostic sans concession
Dans un ton grave, le chef de l’État a dénoncé l’inaction et la duplicité de plusieurs agents publics, accusés d’entraver sciemment le fonctionnement des services publics, en particulier dans les domaines du transport, de l’énergie et de l’approvisionnement.
« Certains responsables ne servent pas l’État, ils servent des intérêts particuliers, voire des lobbies économiques. Ces gens-là n’ont plus leur place dans l’administration », a-t-il affirmé.
Évoquant les coupures électriques récurrentes, les pratiques frauduleuses dans la facturation de l’eau ou encore la désorganisation des marchés de gros, le président a appelé à « une nouvelle approche », rompant avec ce qu’il considère comme l’échec des politiques antérieures.
La triple révolution : législative, administrative, culturelle
Saïed a développé une vision qu’il qualifie de transformation structurelle : une révolution législative, déjà amorcée selon lui, accompagnée d’une réforme administrative profonde et d’un renouveau culturel. Ces mutations visent à restaurer la confiance des citoyens dans l’État et à répondre aux attentes en matière de justice sociale, d’emploi, de dignité et d’égalité territoriale.
« Il faut raccourcir les distances de l’Histoire. Nous devons travailler bien au-delà de ce que certains exigent », a-t-il déclaré, exhortant à la mobilisation collective.
Souveraineté nationale et rejet des ingérences
Le chef de l’État a également profité de cette adresse pour réaffirmer, à plusieurs reprises, la souveraineté de la Tunisie face à toute tentative d’ingérence extérieure. Dans une charge particulièrement dure contre certains acteurs politiques et médiatiques, il a dénoncé ceux qui « se prosternent devant les ambassades » ou qui « vendent leur conscience à l’étranger ».
« La Tunisie est un État indépendant. La souveraineté appartient au peuple. Nous ne sommes pas à vendre », a-t-il tonné.
Il a en outre mis en garde contre le rôle de certaines élites et anciens responsables qu’il accuse d’avoir pillé les ressources nationales, citant des fortunes tunisiennes gelées à l’étranger, et appelant à leur restitution dans un cadre international.
Un État fort, une justice sociale active
Le discours présidentiel, centré sur la lutte contre la corruption, la récupération des fonds détournés, et le renforcement de la justice sociale, s’inscrit dans une logique de restauration d’un État fort, garant de l’égalité réelle et de l’accès équitable aux services publics.
« Il n’y a pas de liberté réelle sans transport pour tous. Il n’y a pas de droit à l’éducation si les moyens manquent. Les droits politiques doivent aller de pair avec les droits économiques et sociaux », a insisté Saïed.
Enfin, le président a promis que les réseaux qui continuent à « brûler en silence » l’administration et les institutions seront démantelés, et que la Tunisie poursuivra, avec « fermeté et foi », son « passage historique » vers un nouveau modèle politique et social.
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