Indigné et peiné, c’est le moins que nous puissions dire après lecture du commentaire posté par Sadok Rouai, ancien directeur général à la BCT et aussi ancien consultant au FMI. La Tunisie, selon lui s’enlise dans une spirale budgétaire préoccupante, où les bricolages successifs ont fini par éroder les fondements mêmes de la croissance. Le pays avance à contre-courant, sans cap clair, ni vision stratégique, alors que les défis économiques s’accumulent.
Les dernières prévisions du Fonds Monétaire International sont sans appel : la croissance tunisienne devrait ralentir progressivement pour se stabiliser autour d’un modeste 1,4 % d’ici 2030. Ce chiffre, loin d’être anecdotique, coïncide avec la période du nouveau Plan de développement 2026-2030, censé incarner une relance.
Or, il révèle au contraire une stagnation programmée. Le projet de loi de finances pour 2026 illustre cette impasse : aucune orientation claire en matière d’investissement, aucune impulsion pour l’innovation ou la compétitivité. Un projet qui effraye d’ores et déjà ceux qui en ont pris connaissance tant La fiscalité est devenue de plus en plus étouffante, frappant indistinctement les ménages, les entreprises, et “Tout ce qui continue encore à bouger dans le pays”.
À cela s’ajoute un recours massif au financement direct par la Banque Centrale de Tunisie, à hauteur de 11 milliards de dinars. Ce mécanisme, loin d’être neutre, alimente les inquiétudes sur la soutenabilité de la dette et la perte d’indépendance monétaire.
Le message implicite est limpide : “Nous comptons sur vous pour payer, déplore l’expert financier. Dans ce contexte, la Tunisie semble avancer sans boussole, exposée à un avenir incertain, où les citoyens sont sommés de porter le poids d’une gestion budgétaire sans vision. Il est urgent de repenser les priorités, de restaurer la confiance, et de redonner sens à l’action publique”.
« Les bricolages successifs ont érodé les fondements de la croissance. La Tunisie avance à contre-courant, sans cap clair. »
Trop d’impôt tue l’impôt : chronique d’un étouffement économique annoncé
Et si la fiscalité tunisienne était en train de scier la branche sur laquelle repose l’économie nationale ? À force de vouloir combler les déficits par des hausses d’impôts tous azimuts, le pays risque de tuer ce qui reste encore vivant dans son tissu productif.
Donc on tue les entreprises, on dépossède les citoyens et qui sont les grands gagnants ? Ce sont les contrebandiers et tout ceux qui opèrent dans le secteur informel. On désindustrialise le pays, on harcèle les opérateurs économiques travaillant dans le formel, les industriels qui produisent, qui innovent et pendant qu’on voit des entreprises fermer dans les zones industrielles, les Moncef Bey, Zahrouni, El Jem, Ben Guerdane et toutes les zones frontalières prospèrent en important des marchandises d’Algérie, de Libye, de Turquie et de Chine faisant disparaître les marchandises locales de la surface du pays !
Et comme il vaut mieux en rire qu’en pleurer, ceux qui payent l’ardoise fiscale sont ceux là mêmes qui sont les plus harcelés, les plus attaqués de toutes parts.
En 2023, l’ITES (Institut tunisien des Études Stratégiques) a publié une étude intitulée “Secteur informel, inclusion, transition et conformité”, on y parle d’une Tunisie qui fait face à une incapacité structurelle pour élargir son assiette fiscale, principalement en raison du poids du secteur informel, qui échappe presque totalement à la surveillance de l’État.
« Devenue étouffante, la fiscalité frappe tout ce qui bouge encore dans le pays. »
On taxe les mêmes et on ignore un secteur informel qui représente un gouffre fiscal de plus de 5 milliards
Selon les estimations basées sur les données de 2019 prises en compte dans le cadre de l’étude ITES, les recettes fiscales s’élevaient à 28,9 milliards de dinars. Si les mêmes taux d’imposition étaient appliqués au secteur informel, celui-ci aurait dû contribuer à hauteur de 10,9 milliards de dinars.
Cependant, tenant compte d’une pression fiscale réduite de moitié — car les activités informelles génèrent une valeur ajoutée plus faible et échappent aux taxes sur les produits de luxe — le manque à gagner fiscal réel est rapporté à environ 5,45 milliards de dinars. Autrement dit, près d’un cinquième des recettes fiscales potentielles échappe aujourd’hui à l’État.
Le travail informel, exercé principalement par des hommes (81 % contre 19 % de femmes), se caractérise par l’absence de couverture sociale, sanitaire et juridique. Il représente une part considérable de la population active âgée de plus de 15 ans. Cette économie parallèle, combinée à la contrebande sur les frontières, prive le Trésor public de ressources cruciales et renforce la dépendance budgétaire vis-à-vis de l’endettement.
« La fiscalité ne peut plus être le seul levier d’un État en quête de ressources. »
De 2019 à 2025, les choses ont-elles changé ? Non ! Aujourd’hui le parallèle et l’informel sont toujours les heureux gagnants du “loto” économique et fiscal national privant le pays de recettes fiscales bénéfiques qui serviraient en prime à financer les politiques publiques nécessaires à sa relance économique.
La fiscalité ne peut être le seul levier d’un État en quête de ressources. Elle doit être pensée comme un outil au service de la relance, de l’équité et de la confiance. Continuer à taxer sans vision, c’est courir à la panne sèche. Il est temps d’ouvrir le débat, de repenser les priorités, et de redonner de l’oxygène à une économie qui suffoque.
Amel Belhadj Ali
EN BREF
- La Tunisie s’enfonce dans une stagnation économique durable.
- Le FMI prévoit une croissance de seulement 1,4 % d’ici 2030.
- La fiscalité étouffe les ménages et les entreprises sans relancer la production.
- Le secteur informel prive l’État de plus de 5 milliards TND par an.
- Il est urgent de repenser la politique fiscale pour restaurer confiance et équité.
Lien : ITES
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