Il y a un an, à pareille époque, on formulait le vœu que l’année 2024, assez mouvementée par la seule perspective de l’élection présidentielle, allait acter la fin d’un cycle de politique politicienne qui n’avait que trop duré, au risque d’abîmer tous les fondamentaux de l’économie. Le temps de la politique aux contours assez troubles s’étire à l’infini et devient par trop toxique.
Pendant près de 13 ans, nous avons transgressé toutes les règles et toutes les lois d’une gouvernance normale et apaisée. Nous avons vécu une succession de situations peu habituelles, atypiques, hors-sol pour ainsi dire. Au final, nous avons payé un lourd tribut, à l’égal de notre appauvrissement et de notre déclassement économique et social.
L’économie, gage et garante de la démocratie, était loin d’être la préoccupation majeure de dirigeants souvent dépourvus du sens de la chose publique.
Plus d’une décennie s’est écoulée sans qu’on se ravise et sans que l’on parvienne à retrouver une certaine normalité, si nécessaire pour briser le cercle vicieux des dépressions en tout genre. L’économie, gage et garante de la démocratie, était loin d’être la préoccupation majeure de dirigeants souvent dépourvus du sens de la chose publique. La lutte acharnée, dévastatrice, pour le pouvoir a pris des allures et des intonations guerrières. Elle a éclipsé, occulté et condamné à la paralysie l’économie, en cassant les ressorts de la croissance.
Plus grave encore, elle a divisé et fracturé le pays. Et provoqué un sentiment de défiance à l’égard des politiques lourd de conséquences. Les gouvernements qui se sont succédé tout au long de la décennie passée n’ont pas pu, su ou voulu tenir les rênes de l’économie et asseoir en toute légalité l’autorité de l’Etat. Ils ont laissé dépérir entreprises et offices publics, filières, voire secteurs d’activité. L’économie s’en est allée à vau-l’eau face à une demande et à des revendications sociales hautement inflammables. Le tableau comporte plus de zones d’ombre et de points noirs que d’éclaircies.
La chute du pouvoir d’achat a fait émerger plusieurs zones de précarité au sein même de la classe moyenne dont dépendaient la stabilité du système politique et le dynamisme de l’économie.
La production et, par ricochet, les finances publiques sont au plus bas. Les déficits jumeaux, tout autant que l’inflation et le chômage, sont au plus haut. Et la dette explose pour avoir, pendant plus de dix ans, vécu nettement au-dessus de nos moyens et pour avoir piétiné la valeur travail. La chute du pouvoir d’achat a fait émerger plusieurs zones de précarité au sein même de la classe moyenne dont dépendaient la stabilité du système politique et le dynamisme de l’économie.
Il eut fallu, pour éviter l’impasse actuelle, que la politique se mette au service de l’économie ou que, dans le scénario inverse, l’économie soit instrumentalisée pour consolider l’assise politique du pouvoir sans mettre en péril le processus démocratique. Dans un cas comme dans l’autre, c’est l’offre politique du pouvoir, à travers une vision globale des stratégies appropriées et une gouvernance irréprochable, qui permet à l’économie de retrouver ses repères et ses leviers de croissance. Il n’y a rien de mieux que la puissance de feu de l’économie pour que le pays puisse s’inventer un nouvel avenir, en réactivant sa capacité de création de richesse, d’emplois et de redistribution des revenus. La crédibilité du pouvoir, sa légitimité, au-delà de celle que lui confère le suffrage universel, en dépendent. L’essentiel des problèmes des sociétés est soluble et trouve réponse dans une croissance forte, durable et inclusive.
Puisse la nouvelle année 2025, libérée de toute échéance électorale à grands enjeux politiques, inaugurer un nouveau cycle dédié à l’économie ou tout au moins ouvrir le bal d’une réconciliation du couple politique/économie ! Nous devons nous émanciper du joug d’affrontements politiques sans connexion réelle avec la réalité économique pour donner toutes ses chances à l’économie – dont il faut élargir les horizons – et lui conférer plus de visibilité tout en la gratifiant de plus d’assurance, d’apaisement et de sérénité. Il ne saurait en être autrement si nous voulons nous mettre au diapason du monde qui arrive. Face à la montée des périls géopolitiques, la prospérité pour tous, la stabilité, la dignité humaine, le compter-sur-soi et la souveraineté nationale n’ont de sens que lorsqu’ils sont portés par un puissant élan unitaire. Ce qui rend beaucoup plus facile une plus grande insertion dans une mondialisation fragmentée mais non moins réelle en tirant bénéfice de la recomposition annoncée des chaînes de valeur et d’approvisionnement.
Puisse l’année 2025 servir de déclic à la création de nouvelles PME qui font tant défaut et donner le signal d’émergence de nouvelles entreprises 4.0 capables d’intégrer les nouvelles technologies telles que l’IA ou la biotechnologie ! Puissions-nous voir se répandre et fleurir un écosystème propice à l’éclosion et au développement de startups emblématiques de l’économie de la connaissance ! Il n’en faut pas moins pour restaurer l’attractivité du site Tunisie qui apparaît très peu ou ne figure plus dans les écrans radar des grands acteurs mondiaux.
Donner toutes ses chances à l’économie signifie aussi libérer l’investissement pour briser tous les freins à la croissance
Donner toutes ses chances à l’économie signifie aussi libérer l’investissement pour briser tous les freins à la croissance. On ne doit pas faire moins bien que ce qui se fait ailleurs dans le monde, notamment là où précisément excellent nos compétiteurs.
L’économie d’un pays vaut par la qualité et le rayonnement de ses entreprises. Nous devons ménager nos champions nationaux, aujourd’hui sous le feu de la critique sans discernement. Ils forment l’ossature et la colonne vertébrale de notre économie. Sans ces locomotives qu’il faut impérativement associer à l’œuvre de développement, le pays ne pourra aller ni très vite ni très loin. Et encore moins réaliser les estimations de croissance annoncées par la loi de finances 2025.
Puissions-nous, au cours de la nouvelle année, nous réconcilier avec nous-mêmes, avec nos problèmes et avec nos entreprises ! Et retrouver la confiance, l’apaisement, la sérénité et un meilleur climat d’entreprendre pour que tout devienne possible. C’est notre vœu le plus cher. Bonne et heureuse année.
Cet édito est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n° 910 du 1er au 15 janvier 2025
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