Point de Vue : La culture du vide
La Presse — L’imbroglio que vit le Club Africain ces jours-ci n’est pas quelque chose d’inédit. Ça s’est souvent vécu au sein de ce grand club qui se trouve depuis plus de 30 ans dans une véritable anarchie administrative et un dysfonctionnement interne marqué surtout par la guerre des clans et des personnes. Ce n’est pas nouveau. Mais aussi, ce n’est pas propre au CA.
Tous les clubs tunisiens (oui tous) vivent, à degrés différents et avec différents scénarios, ce vide administratif et ce malaise de direction. On n’a pas encore atteint l’étape de clubs bien organisés qui ont des mécanismes clairs d’élection et de gouvernance avec surtout des organes de contrôle efficaces et durables. A chaque club tunisien ses frasques, ses moments de doute et surtout le vide qui permet à une ou plusieurs personnes de maintenir le club en otage grâce à sa puissance financière ou son pouvoir auprès des adhérents ou des cercles restreints de ce club.
Il n’y a pas de gouvernance dans nos clubs, et ce n’est pas la nouvelle loi des structures sportives qui va changer la donne. Les clubs et associations sont aujourd’hui confrontés à d’énormes charges de fonctionnement. Tout coûte assez cher aujourd’hui pour gérer un club : le dossier technique, la logistique, l’administratif, sans oublier les folies des recrutements et les opérations suspectes qui enfoncent les caisses des clubs pour des années. Donc, avec des déficits invraisemblables et des besoins de financement de plus en plus grandissants, un énorme vide se crée.
Celui qui a l’argent ou qui a le soutien financier d’un mécène ou d’un sponsor, c’est lui qui tire les ficelles du jeu. Ce vide fait que le destin d’un club soit dans les mains d’un ou de quelques individus qui se servent des médias et des réseaux sociaux pour faire leur apologie. Personne ne peut les contester et les supporters n’ont aucun poids pour changer cette donne. Les adhérents qui ne dépassent pas les centaines sont souvent des gens qui appartiennent à des clans et on les connaît. Ils ne risquent pas de changer l’ordre qui existe. Inutile de parler d’élections, de programmes ou d’idées qui ramènent de l’argent pour un club. Tout est verrouillé de façon à faire plaisir à une personne (le président-bailleur de fonds unique et incontestable ou un mécène qui verse beaucoup de fonds et qui impose tout au club) ou à quelques personnes qui se réunissent dans ce qu’on appelle « comité de sages ou de soutien ».
Tout dépend d’eux : le présent,mais aussi l’avenir. Et tout projet de changement se heurte à cette force et cette inertie de résistance qui protège les intérêts et les ego plutôt que le club. Le jour où les clubs deviendront de véritables institutions et pas des corporations familiales et personnalisées, on pourra bannir cette culture du vide. Et cela est quelque chose de complexe à comprendre et surtout à chasser.