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La sauterelle à nos portes | Les enseignements du passé

26. März 2025 um 09:01

De petits groupes de criquets pèlerins ont été récemment aperçus dans le sud de la Tunisie, suite aux vents du sud ayant soufflé sur la région, a fait savoir le ministère de l’Agriculture dans un communiqué publié  le 14 mars 2025, ajoutant que les opérations de surveillance et de suivi se poursuivent et que «la situation est sous contrôle». Occasion pour parler de ce fléau que notre pays connaît depuis des millénaires comme en témoigne la recherche historique, évoquée ici par l’auteur.  

Hédi Fareh *

La sauterelle était toujours considérée comme un fléau «avorteur» et menaçant. Tous les pays tropicaux et subtropicaux en souffraient périodiquement. Les vagues ravageant de sauterelles causèrent des pertes matérielles très importantes. Les sources grecques, latines et arabes nous ont laissé une matière assez riche concernant le grand nombre d’invasions qui étaient, le plus souvent, suivies de famines et d’épidémies décimant les régions envahies par les acridiens.

Les recherches actuelles ont montré que presque tout le continent africain, à l’exception des parties centrales, boisées et humides, était soumis aux invasions de la sauterelle. On en distinguait plusieurs espèces. Les acridiens migrateurs appartiennent à la famille des Orthoptères sauteurs, qui comprend les locustides (ou sauterelles) et les acrides (ou criquets). Parmi les locustides, on ne compte aucune espèce nuisible. Quant à la famille des acrides, elle comprend deux types : les grands migrateurs et les petits migrateurs (Direction générale de l’Agriculture, «Les sauterelles», Revue Tunisienne, 1915, p. 155-190).

Les espèces dont les invasions étaient à redouter dans l’Afrique du Nord incarnaient le criquet pèlerin et le criquet marocain. Ce dernier type concernait surtout le Maroc et la partie occidentale de l’Algérie. La Tunisie, elle, subissait surtout l’invasion du criquet pèlerin, qui concernait la plus grande partie de l’Afrique, de l’Asie et de l’Europe méridionale, l’Italie en l’occurrence.

La vie larvaire et nymphale du criquet connaît six périodes. À partir de la 4e période, qui dure entre 7 et 8 jours, c’est-à-dire du 18e ou 20e jour au 26e ou 27e jours après la naissance, les criquets montrent la plus grande activité et la plus grande voracité et forment les colonnes les plus redoutées dévastant tout sur leur passage. Pendant la 5e période, les criquets seront de plus en plus dangereux et ils forment des fois des colonnes de 4 et 5 Km de front sur 20 à 30 Km de profondeur, dévastant tout sur leur passage. Au cours de la 6e période, entre le 45e et le 50e jour, la mobilité et la voracité du criquet atteignent le maximum de développement : les colonnes parcourent jusqu’à 2 Km par jour et causent des dégâts considérables.

Contrairement aux jeunes, les criquets plus âgés montrent une voracité extraordinaire puisqu’un criquet pourrait manger l’équivalent de son poids, soit deux grammes par jour. Les criquets dévorent l’herbe. Mais les arbustes et les arbres les plus élevés n’en sont pas épargnés : les criquets ravagent les feuilles, l’écorce et les jeunes rameaux. Toutes les plantes cultivées, surtout les plus tendres d’entre elles, constituent une nourriture de prédilection pour le criquet.

Les témoignages historiques et archéologiques

Les contrées de l’Afrique du Nord étaient sous la menace de nuages de sauterelles avant et pendant la période romaine ainsi que pendant les périodes postérieures. L’apparition de la sauterelle est conditionnée par des phénomènes climatiques, surtout la sécheresse. En effet, c’est celle-ci qui orientait les sauterelles vers les contrées qui se trouvaient au nord du Sahara. Les sources anciennes confirmèrent cette constatation (Strabon, Géo., XVII, 3, 10).

Nos références littéraires sur la sauterelle en Afrique sont, en effet, très anciennes. Nous savons, par l’intermédiaire d’Hérodote (Histoire, Livre IV), que les Nasamons étaient non seulement des chasseurs de sauterelles mais qu’ils étaient aussi acridophages. C’étaient des acridiens sans ailes (?) que dévoraient à satiété, d’après Discoride, les indigènes de la région de Lepcis Magna (des Maces ?) mais qui n’étaient pas très loin des Nasamons.

En 125 avant J.-C., d’après les sources, arrivaient des colonnes de sauterelles dont les ravages atteignaient l’extrême nord de l’«Africa Proconsularis». En effet, l’historien tardif d’Orose (385-420 après J.-C.) nous présenta les deux cités d’Utique et de Carthage dévastées par les sauterelles (Orose, Historia contra pagano, V, II, 1-3).

Diodore de Sicile évoqua des méthodes utilisées par les habitants de l’Afrique orientale pour chasser la sauterelle.  Pline l’Ancien (Pline l’Ancien, Histoire naturelle, VIII, 104), en se référant à Varron, nous informa que des Africains durent abandonner leur ville ou territoire après une invasion acridienne. Il parla aussi de la nature de la sauterelle, de sa reproduction, de sa ponte, de ses nuées et de ses ravages ainsi que des méthodes de lutte contre elle (Pline l’Ancien, XI, 101).

Pour l’Antiquité tardive, Synésios de Cyrène (Lettres, XLI-XLII) évoqua une invasion de sauterelle infestant la Cyrénaïque en 411-412 ap. J.-C. La catastrophe cyrénéenne pourrait toucher les provinces africaines eu égard à la proximité géographique des deux contrées.

Pour la période byzantine, le poète africain Corippus (auteur d’un poème, la Johannide, en huit chants et de 4700 vers) mentionna (Joh., II, 196- 203), plus d’une fois, le danger acridien et insista sur les effets des invasions de sauterelles sur l’homme et son milieu.

Il s’agit aussi de la sauterelle dans d’autres sources littéraires que nous n’avons pas pu consulter. L’épigraphie nous informe sur la catastrophe acridienne. Nous avons inventorié au moins cinq textes épigraphiques, trouvés tous en Proconsulaire, qui témoignent de la gravité de cette calamité pendant l’époque romaine. Le premier texte, le plus ancien, qui datait de l’année 48-49 après J.-C., était trouvé à Thugga. Il commémorait la carrière d’un curateur chargé de lutter contre la sauterelle. Rédigé dans la langue d’Homère, le deuxième texte (une célèbre inscription magico-religieuse trouvée dans la région de Bou Arada) avait pour but l’éloignement et la neutralisation (d’un domaine) de tous les avorteurs, y compris des essaims des criquets malfaisants.

Fig. 1 – Détail.
Fig.1.

Quant au troisième texte, il concerne une inscription (CIL, VIII, 3657), trouvée à Lambaesis, qui commémore le nom d’un certain Lucustaruis. Il s’agit probablement d’un préposé chargé – pas forcément par l’État – d’organiser la «guerre» contre la sauterelle à l’instar de ce curator lucustae de Thugga.

La sculpture romano-africaine nous fournit quelques monuments figurés où la sauterelle est présente ; elle avait une valeur sans doute prophylactique. En la sculptant sur les monuments, le sculpteur (ou le commanditaire), voulait neutraliser ses méfaits nuisibles. Avec une valeur apotropaïque, le même insecte meuble le giron que forme la robe d’un Priape ithyphallique, d’Aïn Djeloula (l’ancienne Cululis) qui est aujourd’hui exposé au musée archéologique de Sousse (fig. 1).

En Numidie, à Thamugadi, il s’agit de cet insecte sur une stèle dédiée à Saturne : «en représentant une sauterelle sur cette pierre dédiée à Saturne, c’est le fléau acridien dans toute son ampleur que veut neutraliser le dédicant». Il en est de même pour la mosaïque où nous remarquons la présence de plusieurs ravageurs : criquets, grives, reptiles…

La sauterelle avorteuse des moissons 

Il est évident que la sauterelle, partout où elle passait, semait l’horreur et la peur, car elle était considérée comme un ennemi fatal et inéluctable pour toute sorte de récoltes.

En effet, la sauterelle dévorait tout ce qui se trouvait sur son passage, avec une prédilection pour les plantes vertes, tendres et délicates. De surcroît, les criquets dévoraient généralement l’herbe et notamment les petites graminées (gazon, céréales…); mais ils grimpaient aussi aux arbustes et aux arbres les plus élevés qu’ils dépouillaient de leurs feuilles, de leurs écorces et de leurs jeunes rameaux. Ils dévoraient à peu près toutes les plantes cultivées, accordant la préférence à celles qui présentaient des organes jeunes et tendres. Nous trouvons l’écho de ces lignes dans l’inscription de Bou Arada commentée plus haut.

Les ravages des sauterelles sont évoqués par plusieurs sources littéraires qui concernent l’Afrique du Nord, que ce soit pendant la période romaine ou les périodes postérieures (A. Saadaoui, 1982, Les calamités et les catastrophes naturelles dans le Maghreb médiéval). Pour la période romaine, les textes des agronomes et des naturalistes étaient assez prolixes. Pline l’Ancien, par exemple, nous informa que «certains Africains avaient dû abandonner le territoire qu’ils occupaient après les ravages des sauterelles». Plus tardif, Orose mit l’accent sur une invasion infestant, fort probablement, toute l’Afrique en 125 av. J.-C., atteignant même les villes côtières, Carthage et Utique, entre autres. La description de Corippus des ravages des criquets nous paraît très expressive montrant à la fois les ravages nocifs de l’insecte, d’un côté et la peur des agriculteurs de perdre leurs récoltes face à cette catastrophe, de l’autre : «le cœur des paysans indécis tremble d’effroi : ils craignent que cet horrible fléau n’anéantisse les moissons, qu’il ne ravage les fruits délicats et les jardins verdoyants, ou ne blesse l’olivier en fleur aux tendres rameaux» (Joh., 196-203).

Les sources arabes parlent, elles aussi, de ravages acridiens infestant l’Ifriqiya. Ces données sont conformes à celles que nous devons aux sources antiques. La sauterelle dévorait les céréales, les vignobles et l’olivier, soit trois produits constituant le substrat de l’économie ancienne. En effet, en cas où les ravages de sauterelles avorteraient la récolte céréalière, la famine ou, du moins, la disette en seraient une conséquence immédiate, non seulement en Afrique, mais aussi à l’Urbs.

Habituellement, les sauterelles commencèrent leur conquête avec l’arrivée du printemps ou peu avant, c’est-à-dire vers une époque où les agriculteurs attendraient la maturité de leurs récoltes (surtout les céréales) ou pendant le bourgeonnement des plantes cultivées, surtout la vigne et l’olivier. L’arrivée des sauterelles augurait donc d’une catastrophe horrifiante.

Fig.2.
Fig.3.

L’iconographie nous offre quelques représentations de la sauterelle ravageant les récoltes. Il s’agit, entre autres, de quelques mosaïques à thèmes dionysiaques montrant le dieu, souvent avec son cortège, au milieu d’un paysage dominé par des vignes chargées par leurs grappes lourdes et par des amours vendangeurs (fig. n°2). Nous avons l’impression que les mosaïstes voulaient nous dire que les vignes avaient conservé leurs grappes très lourdes, dont parlèrent plusieurs sources (Strabon, XVII, 3, 5), malgré les menaces des ravageurs (criquets, grives, lapins, etc.).

Dionysos, dieu du vin et de la vigne, était aussi, en Afrique, le dompteur et le vainqueur des ravageurs : il les neutralisa et les rendit incapables d’avorter la récolte viticole. Il nous semble aussi qu’à l’image d’Apollon en Grèce, Dionysos fut le dieu chargé de détourner la sauterelle en Afrique, pendant la domination romaine. En effet, cette hypothèse pourrait justifier cette représentation de la sauterelle avec le dieu Dionysos sur plusieurs tableaux de mosaïques : il s’agit, par exemple, de cette mosaïque ornant jadis les thermes de Bir el Caïd, situés légèrement au sud/sud-est de la Qasba de Sousse, où nous voyons, sur un champ formé d’un semis de branchages, divers personnages et animaux. En bas du champ, nous voyons, selon toujours L. Foucher, un jeune homme blond ailé. L’auteur pense qu’on a affaire à un Shadrapa qui s’est mis à genoux pour mieux attraper une sauterelle (fig. n°3).

Une autre mosaïque, trouvée à Thysdrus et dite Grande mosaïque au Silène, nous présente Silène avec des amours vendangeurs, quelques volatiles et des sauterelles, au moins quatre dont une attaque une grappe de raisin (fig. n°4 a et b). Une autre mosaïque de Thysdrus (conservée au Musée du Bardo) illustre le triomphe de Dionysos dans un décor de vignes. Sur cette mosaïque, nous pouvons aisément voir, de par le dieu, le cortège et les amours, quelques ravageurs (sauterelles, grives, reptiles, lapins).

Fig.4.
Fig.5.

Les sauterelles répandaient famines et épidémies

Certes, l’homme saharien trouva dans la sauterelle un repas gratuit et abondant couvrant une période assez longue (après sa préparation, la sauterelle peut être consommée même après six ou sept mois (Hérodote, Histoire, Livre IV)). Mais, les criquets, avant d’être consommés, avaient déjà tout dévoré sur le passage. Devant une telle situation, les Romains n’hésitaient pas à recourir aux livres sibyllins, par crainte de la famine (Pline l’Ancien, XI, 105).

En plus de la famine, les ravages acridiens contribuaient à l’élévation des prix qui pourraient atteindre un stade très élevé. C’était la même chose au Moyen Âge, où les sources évoquèrent les nuages de sauterelles et concomitamment la hausse des prix. Ce fut le cas, par exemple, en : 1136-1137, 1220-1221, 1280-1281, ainsi que dans plusieurs autres cas mais sans pouvoir fournir de précisions chronologiques (Saadaoui, p. 78-79).

En fait, la famine et les disettes constituaient de véritables causes de l’apparition et de l’expansion des épidémies et peut-être même des épizooties susceptibles de transmettre la maladie à l’Homme (la «peste» de 125 av. J.-C. par exemple?).

Somme toute, il est évident que les criquets constituent une catastrophe naturelle inéluctable infestant à la fois l’homme et son milieu. Ils engendrent des catastrophes d’ordres :

– naturel (dégradation de la couverture végétale, aridification et désertification);

– biologique (car la sauterelle ravageait la faune entourant l’homme, surtout le bétail et même les animaux sauvages, puis l’homme lui-même par la diffusion de la famine et des épidémies incurables dues à la contagion ou à la sous-alimentation);

– psychologique, d’où cette appréhension de la famine, expressivement déclarée par Corippus (II, 198), et de la mort à tel point que l’agriculteur préférait parfois garder les semences chez soi que les ensevelir sous terre et les exposer pour une récolte non assurée. Pour cela, l’agriculteur se trouva obligé de chercher ou d’inventer des moyens lui permettant de lutter contre une telle catastrophe.

Comment lutter contre les sauterelles ?  

Homère nous enseigna sur la plus ancienne méthode utilisée pour combattre la sauterelle : combattre ces insectes avec des barrières de feu (Homère, Iliade, XXI, 12-14, t. IV, Chants XIX-XXIV). Il s’agit de la même technique décrite par Diodore de Sicile et adoptée par les habitants de l’Afrique orientale (Diodore de Sicile, III, 29, 2-3). En Cyrénaïque, un tel danger poussa les autorités à décréter une loi ordonnant à la population la destruction des œufs de criquets, des sauterelles adultes et bannissant très sévèrement les contrevenants (Pline l’Ancien, XI, 105-106).

Selon Strabon (Géographie, 3, 4, 17), les Romains de Cantabrie devaient payer une prime aux chasseurs de rongeurs. La réaction officielle est visible aussi à travers l’affectation de préposés chargés de diriger des opérations contre ce fléau qui attaquait la région surtout pendant le printemps. Ce fut le cas dans l’ancien territoire de Carthage, à Dougga où un tel danger incita les autorités de la ville à nommer un cur(ator) lucustae (curateur de la sauterelle) sur la pertica de Carthage en 48-49 de l’ère chrétienne.

À peu près 19 siècles plus tard, nous remarquons la même réaction de l’État à cette même catastrophe. En fait, les mêmes causes produisant les mêmes effets, au printemps de 1932, les autorités décidèrent la constitution d’un comité local de lutte à Gabès pour arrêter une invasion acridienne menaçant de détruire l’oasis.

D’autre part, l’onomastique nous autorise à dire qu’il y avait des préposés chargés de la lutte contre la sauterelle, éparpillés et répandus çà et là dans les régions menacées. Par exemple, le surnom de Lucustarius, attesté à Lambèse, pourrait se rapporter à quelqu’un qui aurait lutté contre les sauterelles.

Entre autres solutions adoptées par les Anciens pour lutter contre le fléau acridien convient-il de mentionner la magie ? En effet les propriétaires ou les colons avaient recours à cette pratique pour protéger leurs champs et surtout pour garantir et sauver leurs moissons et les protéger des sauterelles et de toute autre catastrophe. N’était-ce pas le cas à Bou Arada où, pour neutraliser le danger acridien, on a dû demander la protection magico-divine de neuf dieux; c’était aussi le cas de Furnos où les tablettes de bronze mentionnent clairement la sauterelle.

Quoi qu’il en soit, la sauterelle constituait, hier comme aujourd’hui, une catastrophe nécessitant une intervention officielle. Cette catastrophe s’aggrave encore quand elle s’accompagne d’une famine ou d’une épidémie.

* Professeur à la Faculté des lettres et des sciences humaines de Sousse.

Bibliographie :

J. Desanges, 2006, «Témoignages antiques sur le fléau acridien», in J. Jouanna, J. Leclant et M. Zink ed., L’Homme face aux calamités naturelles dans l’Antiquité et au Moyen Age, Paris, p., 224.

H. Fareh, 2017, Catastrophes naturelles, famines et épidémies en Afrique du Nord antique (146 avant J.-C. – 698 après J.-C.). Thèse de doctorat inédite, FLSH de Sousse.

H. Fareh, 2021 «Maux et fléaux en Byzacène (146 av. J.-C. /698 ap. J.-C.)». In : A. Mrabet (éd.), 2021, Byzacium, Byzacène, Muzaq : Occupation du sol, peuplement et modes de vie. Actes du VIe colloque international du Laboratoire de Recherche : «Occupation du sol, peuplement et modes de vie dans le Maghreb antique et médiéval», p. 397-423.

N. Ferchiou et A. Gabillon, 1985, «Une inscription grecque magique de la région de Bou Arada (Tunisie), ou les 4 plaies de l’agriculture antique en Proconsulaire», dans BCTHS, ns. Fasc. 19B, p.109-125.

Légende des figures :

Fig. 1. Priape ithyphallique (Musée de Sousse, cliché H. Fareh).

Fig. 2. La sauterelle de Thysdrus, mosaïque conservée in situ (cliché H. Fareh).

Fig. 3.Un jeune génie ailé essayant d’attraper une sauterelle (Musée de Sousse, cliché H. Fareh).

Fig. 4 a et b. Mosaïque dionysiaque (Eljem) avec la représentation de la sauterelle (cliché H. Fareh).

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Tunisie | BMI prévoit une aggravation des pénuries en 2025

17. März 2025 um 07:52

Dans son bulletin de veille économique d’avril 2025, BMI, filiale de Fitch Solutions Company, prévoit pour la Tunisie une aggravation des pénuries de biens de première nécessité risquant d’intensifier le mécontentement populaire.

La société de recherche multinationale britannique qui fournit des analyses macroéconomiques, industrielles et financières couvrant 22 secteurs et 200 marchés mondiaux estime que «les difficultés des autorités à résoudre les problèmes économiques structurels rendront le marché vulnérable aux chocs externes, ce qui pourrait aggraver les pénuries de biens de première nécessité».

«La récente crise du gaz exacerbera le mécontentement social existant en raison de la détérioration des conditions socio-économiques, ce qui maintiendra le risque de manifestations de grande ampleur élevé en 2025», ajoute l’agence, qui estime que «le risque élevé de futures pénuries d’eau mettront à l’épreuve les relations entre la Tunisie et l’Algérie, même si la convergence d’intérêts des deux présidents maintiendra la coopération bilatérale solide.»

Nous reproduisons ci-dessous la traduction de l’analyse de BMI concernant la Tunisie avec les réserves d’usage. Car il s’agit de simples prévisions et qui nous semblent excessivement alarmistes, étant donné que, jusque-là, et au cœur d’une crise qui perdure depuis 2011, la Tunisie a souvent trouvé des ressources pour détromper les plus sombres présages.

Ce sont là, également, des conjectures d’experts qui valent pour les avertissements qu’elles lancent aux responsables afin qu’ils prennent les mesures nécessaires susceptibles de nous éviter le pire.

I. B.

* * *

Nous pensons que la récente pénurie de gaz domestique va alimenter la frustration de la population face à la détérioration socio-économique en Tunisie. Depuis début 2025, les ménages et les entreprises tunisiens sont confrontés à des pénuries de gaz pour le chauffage et la cuisson, en particulier dans les zones rurales touchées par un froid intense. Cela a entraîné de longues files d’attente devant les centres de distribution de gaz et une montée des tensions entre citoyens, qui se sont disputés des bouteilles de gaz, ce qui a entraîné l’intervention de la police.

Ces pénuries ont également perturbé le fonctionnement de nombreuses entreprises, pesant sur leurs sources de revenus.

Les citoyens ont exprimé leur frustration face à l’incapacité du gouvernement à répondre à la demande croissante de gaz pendant l’hiver, aggravant ainsi le mécontentement déjà élevé causé par les pénuries d’autres biens de première nécessité qui durent depuis plus de deux ans.

Le gouvernement continue de faire face à de fortes pressions budgétaires et externes, qui limitent sa capacité à financer l’importation de biens, notamment ceux subventionnés, ce qui est à l’origine de ces pénuries.

Cette crise renforce notre conviction que les problèmes socio-économiques constitueront un défi majeur pour le président Kais Saïed durant son second mandat. Dans notre analyse précédente, nous avions avancé que le rejet persistant par Saïed des réformes structurelles recommandées par le FMI, son recours accru aux banques nationales et les hausses d’impôts pour financer les déficits budgétaires et extérieurs aggraveraient les difficultés socio-économiques, car ils entraîneraient probablement un ralentissement de la croissance économique et une hausse du chômage.

Nous avions également souligné que l’absence de résolution des problèmes économiques structurels rendrait l’économie extrêmement vulnérable aux chocs, tels que les intempéries.

La Tunisie a été confrontée à une grave sécheresse au cours des cinq dernières années, qui a provoqué une forte contraction du secteur agricole ainsi que de graves pénuries d’eau. Cette situation a non seulement eu un impact sur les moyens de subsistance de nombreux Tunisiens travaillant dans le secteur agricole (environ 15% de la population active), mais a également contraint le gouvernement à augmenter le prix de l’eau potable de 16% en 2024.

Par conséquent, l’aggravation continue des pénuries de biens maintiendra les pressions inflationnistes à un niveau élevé, compensant largement les nouvelles mesures gouvernementales visant à renforcer le pouvoir d’achat des ménages à faibles revenus et vulnérables.

Ces facteurs, conjugués au renforcement des restrictions imposées à l’opposition et aux militants, maintiendront le risque de manifestations de grande ampleur à un niveau élevé au cours des 12 prochains mois.

Le score de la Tunisie sur la composante «Risque sociétal» de notre indice de risque politique continue d’être supérieur à ses niveaux d’avant la Covid-19.

Dans ce contexte, nous pensons que les questions environnementales, telles que la sécurité hydrique, mettront à rude épreuve les relations entre la Tunisie et l’Algérie, mais que leurs intérêts respectifs aideront les deux pays à gérer leurs divergences.

En janvier 2025, le ministre tunisien des Affaires étrangères, Mohamed Ali Nafti, s’est rendu en Algérie pour discuter de questions de sécurité hydrique, telles que l’exploitation par l’Algérie des eaux souterraines communes et la construction de barrages sur la rivière Medjerda, commune avec la Tunisie, qui a affecté le débit du fleuve alors que la Tunisie est confrontée à une grave sécheresse. Cette visite faisait suite à l’accord tripartite de gestion de l’eau conclu entre la Tunisie, l’Algérie et la Libye, visant à prévenir les tensions liées à l’eau entre les trois pays et à promouvoir des projets hydrauliques conjoints.

Les trois pays partagent les eaux souterraines du système aquifère du Sahara septentrional, l’un des plus grands aquifères du monde avec plus d’un million de km². Notre équipe ESG Pays estime que si cet accord rassure les investisseurs sur le fait que les pénuries ne sont pas susceptibles de provoquer des tensions politiques entre ces pays, il ne suffira pas à résoudre les pénuries d’eau à court terme, en raison des investissements limités dans les projets d’infrastructures hydrauliques. Cependant, les pénuries d’eau ayant déjà déclenché des manifestations en Tunisie, nous pensons que la multiplication des problèmes d’eau alimentera la colère de l’opinion publique envers le gouvernement et Saïed. Cela pourrait contraindre ce dernier à adopter une approche plus affirmée dans les négociations avec l’Algérie sur la sécurité hydrique, voire à menacer de se retirer de l’accord.

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