En Iran, la bataille entre réformistes et conservateurs reprend de plus belle!
Les réformistes iraniens ont toujours défendu la voie diplomatique et les négociations avec l’Occident afin de préserver le pays de toute agression armée étrangère. Cependant, la guerre des 13 jours déclenchée par Israël le mois dernier a montré que leur position historique a failli. Aujourd’hui, les conservateurs qui essayent de reprendre le poil de la bête leur opposent cet argument. L’heure de la revanche a sonné. Le front uni et sacré affiché durant la guerre a fini par se fissurer et la bataille entre les deux camps a repris de plus belle. (Ph. La ligne réformiste du président Massoud Pezeshkian battue en brèche par les ultras conservateurs).
Imed Bahri
Le Financial Times a publié une enquête de sa correspondante à Téhéran Najmeh Bozorgmehr dans laquelle elle affirme que l’Iran est, depuis la fin de guerre contre Israël et les États-Unis, le théâtre d’une bataille entre partisans de la ligne dure et réformistes. Les premiers ont ravivé leur âpre lutte pour le pouvoir avec leurs adversaires de toujours, déclenchant une rivalité féroce dont l’enjeu n’est pas moins que l’avenir de la République islamique.
Le FT affirme que les revers subis par l’Iran face à Israël et aux États-Unis, l’assassinat de hauts commandants militaires et la destruction importante des installations nucléaires du pays ont alimenté des accusations mutuelles et de vifs débats au sein de la classe politique. Les partisans de la ligne dure, qui prônent une inimitié permanente avec l’Occident, dénoncent la possibilité de renouer avec les États-Unis et attaquent le président réformiste Massoud Pezeshkian qui a indiqué cette semaine qu’il restait ouvert à des négociations avec Washington.
Redoubler d’efforts diplomatiques
«Nous continuons de croire que la voie diplomatique est ouverte et nous poursuivrons sérieusement sur cette voie pacifique», a écrit Pezeshkian sur la plateforme X lundi.
Les réformistes affirment que la République islamique ne peut survivre qu’en redoublant d’efforts diplomatiques, en assouplissant ses contraintes idéologiques et en ouvrant son économie.
Le président a suscité l’indignation des radicaux après avoir tenté d’adoucir le fameux slogan «Mort à l’Amérique» à la suite d’une interview avec la personnalité médiatique conservatrice américaine Tucker Carlson. Pezeshkian a affirmé que ce slogan, symbole de la République islamique depuis 1979, ne devait pas être pris au pied de la lettre. Plusieurs députés lui ont écrit après l’interview pour lui exprimer leurs critiques. Le député Amir Hossein Sabiti a mis en garde contre un «changement d’approche du Parlement» si le gouvernement ne changeait pas de cap ce que certains observateurs ont interprété comme une menace de destitution du président.
La guerre a ravivé le sentiment nationaliste
La presse locale a cité un député radical Abolfazl Zahrvand déclarant: «J’étais préoccupé par les propos de Pezeshkian. Le président ne possède pas les qualifications minimales requises pour ce poste et a blanchi les États-Unis. Nous avons conclu que la mission première du gouvernement actuel était de mettre fin à la révolution islamique».
Le FT note que le gouvernement iranien a engagé plusieurs cycles de négociations avant qu’Israël ne lance ses attaques contre l’Iran et que les États-Unis ne s’y joigne le 24 juin.
Selon les responsables iraniens, l’attaque a fait plus de 1 000 morts, principalement des civils, mais elle a également ravivé le sentiment nationaliste. Cependant, les partisans de la ligne dure, restés largement silencieux pendant le conflit par souci d’unité nationale, ont depuis affirmé que la guerre justifiait leur opposition aux négociations et démontrait que la poursuite de la diplomatie n’empêcherait pas de futures attaques américaines ou israéliennes. Et les faits leur donnent raison.
«Aujourd’hui plus que jamais, cette confrontation avec les États-Unis et Israël a renforcé notre rhétorique selon laquelle cette hostilité, ancrée dans notre religion, devrait être le critère de distinction du bien et du mal», a déclaré Hamid Reza Taraghi, un homme politique de la ligne dure. Pour lui, les réformistes ont perdu leur crédibilité, leurs arguments ne tiennent plus et leur thèse de soutien aux négociations avec les États-Unis pour protéger le pays a prouvé son échec.
De leur côté, les réformistes craignent que la confrontation avec les partisans de la ligne dure ne conduise à une nouvelle agression étrangère. Un religieux a utilisé une fatwa à la télévision d’État pour lancer une campagne de financement et offrir une récompense financière pour la tête du président américain Donald Trump.
«Les partisans de la ligne dure n’offrent aucune solution et manquent de soutien populaire. Leur principale préoccupation n’est pas l’idéologie mais leur exclusion de tout futur accord avec les États-Unis», a déclaré l’analyste réformiste Saeed Laylaz. Les diplomates iraniens insistent comme avant la guerre sur le fait que Téhéran ne renoncera pas à sa volonté de poursuivre l’enrichissement de l’uranium dans le cadre de tout nouvel accord, une position difficile à défendre face à l’administration américaine même si l’Iran affirme que son programme nucléaire est pacifique.
Cependant, le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, âgé de 86 ans, devrait prendre les décisions finales concernant la stratégie iranienne d’après-guerre, bien qu’il se soit largement retiré de la scène publique depuis le conflit.
Pour un changement de modèle de gouvernance
Cependant, les réformateurs ont cherché non seulement à influencer les relations extérieures mais aussi à opérer des changements radicaux sur le plan intérieur. La semaine dernière, quelque 200 économistes et anciens responsables réformateurs ont publié une déclaration appelant à un changement de modèle de gouvernance exhortant l’administration Pezeshkian à continuer à opter pour la diplomatie avec les États-Unis et l’Europe, à revoir ses politiques budgétaires et à lutter contre la corruption afin de regagner la confiance de l’opinion publique.
Mir Hossein Mousavi, l’ancien Premier ministre assigné à résidence depuis 2011, a également appelé à un référendum national pour une refonte des institutions et entamer une transition politique.
Toutefois, rien n’indique que les centres de pouvoir iraniens, en particulier le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), l’institution la plus puissante du pays, lui permettront de participer à la construction de l’avenir.
De nouvelles condamnations surprenantes ont été prononcées la semaine dernière contre un autre prisonnier politique de premier plan, Mostafa Tajzadeh, le maintenant en prison jusqu’en 2032. «On dirait que les gens attendent de voir ce qui se passera dans cette lutte de pouvoir interne», a déclaré Karim, un commerçant de Téhéran qui a choisi de ne pas révéler son nom complet avant d’ajouter: «Les politiciens ne se rendent peut-être pas compte que le temps presse et qu’ils doivent prendre leurs décisions très rapidement».
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