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Algérie | Saâd Bouakba poursuivi en justice pour avoir interrogé l’histoire

L’incarcération du journaliste Saâd Bouakba, 79 ans, pour «atteinte aux symboles de la Révolution» ouvre une crise qui dépasse largement son cas personnel. Au-delà de la procédure engagée à la suite d’une plainte déposée par la fille du premier président algérien, Ahmed Ben Bella, c’est une question fondamentale qui surgit : peut-on débattre librement, en Algérie, de l’histoire, de ses zones d’ombre, de ses conflits internes ?

Djamal Guettala 

Cette interrogation a poussé Saïd Sadi, ancien président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) et député d’Alger, à publier une mise en garde sévère contre ce qu’il appelle le «chaos mémoriel» où il relance un débat central : qui a le droit d’interroger l’histoire algérienne ?

La judiciarisation de propos portant sur l’histoire du FLN n’est pas anodine. Dans une récente interview, Saâd Bouakba évoquait les zones grises liées à la gestion du «trésor de la Révolution» et les luttes internes qui ont marqué la période postindépendance. Des sujets sensibles, déjà étudiés par des historiens algériens et étrangers, mais rarement discutés publiquement sans provoquer de vives réactions.

Cette fois, la réaction a pris la forme d’un mandat de dépôt et d’une action en justice engagée par des institutions publiques. C’est un tournant.

Saïd Sadi alerte sur une dérive mémorielle

Pour Saïd Sadi, l’affaire Bouakba dépasse les limites du dossier judiciaire. Elle s’inscrit dans une dynamique préoccupante où l’histoire devient un terrain de surveillance et de punition.

L’ancien dirigeant du RCD rappelle que des critiques plus dures ont été formulées depuis les années 1980 sans jamais conduire à des poursuites. Qu’évoque alors cette volonté nouvelle de contrôler les récits ?

Selon lui, il s’agit là d’une tentative d’instaurer une «orthodoxie mémorielle», un récit unique sur la Révolution, qui reléguerait toutes les lectures alternatives ou critiques au rang d’atteintes sacrées. Sadi met en garde : un pays qui clôt le débat sur son passé se condamne à ne plus comprendre son présent.

Ce qui inquiète une partie de l’opinion publique, c’est le glissement d’un débat d’historiens vers un contentieux pénal. Est-ce à la justice de trancher la manière dont un événement doit être raconté ? À partir de quand une version divergente devient-elle une offense ? Et surtout : qui définit ce qu’est un «symbole» ou une «atteinte» ?

Criminalisation du débat historique

L’enjeu n’est pas de valider ou d’invalider les propos de Bouakba. L’enjeu, c’est le droit d’interroger — en tant que journaliste, chercheur, citoyen — des faits qui relèvent du domaine public et de la construction nationale. Lorsque ce droit se restreint, c’est l’espace civique qui se rétrécit.

L’Algérie est traversée par plusieurs mémoires : celles des combattants, des exclus du récit officiel, des témoins silencieux, des chercheurs qui tentent d’apporter nuance et documents… Vouloir figer cette pluralité dans un récit unique, sanctifié, revient à effacer une partie du vécu collectif. Or, le passé algérien est complexe : il comporte des grandeurs, des fautes, des silences, et des contradictions.

Une mémoire vivante ne doit pas être une mémoire punie. Aussi cette affaire est-elle un test pour la liberté d’expression et pour l’avenir du pays. Elle pourrait devenir un tournant. Car si la justice s’installe durablement dans la régulation du récit historique, d’autres voix critiques pourraient être inquiétées. Mais elle pourrait (ou devrait) aussi ouvrir un débat, un vrai, sur la manière de réconcilier histoire et mémoire, sans menaces ni interdits.

Cette séquence soulève une question centrale : veut-on une mémoire contrôlée, ou une mémoire partagée ? L’histoire ne se défend pas en emprisonnant ceux qui l’interrogent. Elle se défend en ouvrant les archives, en encourageant la recherche, en acceptant la complexité — et en laissant le débat public respirer.

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