Impôt sur la fortune : La Tunisie à l’épreuve du réalisme économique, entre résilience et refondation
Longtemps perçue comme prisonnière de ses déséquilibres structurels, la Tunisie aborde désormais une phase où la résilience devient plus qu’un mot d’ordre : une stratégie nationale. Entre les contraintes budgétaires, les mutations globales et les dynamiques internes, le pays tente de conjuguer stabilité, réformes et inclusion.
Malgré une conjoncture internationale tendue— inflation importée, tensions géopolitiques, reconfiguration des chaînes d’approvisionnement- la Tunisie a su préserver une relative stabilité macroéconomique.
Les transferts des Tunisiens résidents à l’étranger (TRE), la reprise du tourisme et une diversification industrielle progressive ont permis d’amortir le choc des crises successives. Cette capacité d’adaptation illustre une économie moins vulnérable qu’elle ne l’a été au cours de la dernière décennie.
Mais derrière cette résilience se cachent des fragilités profondes. La croissance demeure insuffisante pour absorber le chômage structurel. Et la dette publique, bien que maîtrisée à court terme, pèse sur la marge de manœuvre budgétaire. Le redressement du modèle tunisien appelle donc une relecture de ses fondements économiques.
Des penseurs pour éclairer la refondation
Ainsi, plusieurs économistes offrent des pistes inspirantes pour cette reconfiguration.
Robert Boyer, chef de file de l’école de la régulation, rappelle que chaque économie doit construire sa propre cohérence institutionnelle. La Tunisie ne peut importer de modèle clé en main. Elle doit donc articuler ses politiques autour de ses structures productives et de ses compromis sociaux.
Joseph Stiglitz, prix Nobel d’Economie, insiste quant à lui sur la nécessité d’un État stratège, capable de corriger les défaillances du marché et de stimuler une croissance équitable. Dans un pays où les disparités régionales et sociales persistent, cette vision trouve un écho particulier.
Amartya Sen, enfin, place la liberté économique et sociale au cœur du développement. Pour lui, la richesse d’une nation ne réside pas seulement dans son PIB; mais aussi dans la capacité de ses citoyens à agir, produire et innover. La Tunisie, riche de son capital humain, pourrait ainsi transformer ses politiques sociales en leviers de croissance inclusive.
Le tournant de la politique économique
La période actuelle offre une occasion rare : celle de repenser la fonction économique de l’État. Ni un retrait dogmatique, ni un interventionnisme archaïque; mais plutôt une présence stratégique dans les secteurs structurants comme l’énergie, le transport, le numérique et la sécurité alimentaire.
Le rôle du secteur privé doit également être redéfini, non pas comme simple acteur d’opportunités; mais comme moteur de création de valeur nationale et d’emplois durables.
Dans cette optique, la régulation et la transparence deviennent essentielles. Les réformes fiscales et financières ne doivent pas se limiter à combler un déficit, mais viser la restauration de la confiance entre l’État, les entreprises et les citoyens.
Vers un modèle tunisien du développement
Plus qu’une réforme technique, c’est un changement de paradigme qui s’impose. Le modèle tunisien doit articuler efficacité économique et justice sociale, modernisation industrielle et cohésion territoriale.
L’enjeu est d’inventer une trajectoire propre, fondée sur la connaissance, l’innovation et la valorisation du capital humain; plutôt que sur la seule compression de la dépense publique.
Dans un monde fracturé, où les dépendances se reconfigurent et où la souveraineté économique redevient un enjeu stratégique, la Tunisie a tout à gagner à transformer ses contraintes en leviers. La résilience, pour être durable, doit devenir refondation.
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Pour en savoir plus, voir in L’ECONOMISTEMAGREBIN-MAGAZINE numéro 933, à paraitre le 03 décembre 2025, ma contribution augmentée : « Impôt sur la fortune – entre justice sociale et efficacité économique – Un débat qui dépasse les chiffres ».
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain D’Economie Financière (IAEF-ONG)
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