Marché central – Poissonneries : L’offre et la demande en chute !
Les produits de la pêche maritime connaissent en été une demande prépondérante. C’est du moins ce que la tradition culinaire avait ancré des décennies durant auprès des bonnes ménagères. Fritures de poisson, poisson grillé, mollusques sautés à l’ail, sans oublier le fameux couscous au poisson et bien d’autres mets tout aussi savoureux.
Tels sont en général les repas les plus pratiques et les plus prisés par les Tunisiens durant la saison estivale. Toutefois, il semble que cet été fait exception ! Non seulement les produits de la pêche maritime manquent, selon la quasi-unanimité des marchands, mais aussi les prix demeurent assez salés en comparaison de la même période de l’année dernière. Quant aux clients, ils font de la réticence en raison de la cherté des prix.
La Presse — Il est midi en ce jeudi 17 juillet 2025. Le pavillon de la poissonnerie du marché central de Tunis, résonne des cris des marchands, qui tentent péniblement, voire désespérément, d’attirer l’attention des clients. L’espace regorge de produits, dont certains brillent de fraîcheur alors que d’autres, au contraire, trahissent une qualité douteuse qui offense l’odorat… Cela dit, pour les uns comme pour les autres, les ventes restent insignifiantes. «La plupart des Tunisiens partent en vacances durant cette période de l’année.
C’est ce qui explique, je pense, la faible demande. En revanche, ce que je trouve incompréhensible, c’est la baisse de l’offre. Les quantités et les variétés des produits de la pêche ont chuté d’un cran, ce qui est vraiment bizarre en cette saison. Les variétés de poisson bleu sont en pénurie, à l’exception du thon que l’on vend à 10dt950 le kilo. Le maquereau, qui manque aux étals, se vend à 20dt le kilo, alors que l’année dernière, il était proposé à des quantités abondantes à seulement 6dt800 le kilo», indique Mohamed Chebbi, poissonnier depuis quinze ans.
Ni poissons, ni clients !
L’équation est claire : moins d’offre, prix en hausse, moins de ventes ! «Comme vous voyez, les prix grimpent et les ventes baissent. Jetez un coup d’œil sur les étals, ils restent intacts en raison de la réticence des clients», fait remarquer Idriss Chehibi, marchand de poisson. Il prend pour exemple le prix exorbitant des seiches, lesquelles devraient pourtant séduire les gourmands durant cette période de l’année.
«Les seiches devraient être proposées entre 20dt et 22dt tout au plus. Elles coûtent désormais 32dt le kilo», ajoute-t-il. Idriss s’inquiète de la situation. Il craint pour son gagne-pain : «Certains redoutent la situation climatologique, notamment l’éventuelle tempête méditerranéenne, la hausse des températures qui aurait, probablement, été fatale pour une bonne partie de la faune marine…Soit! Mais je vous assure, souligne-t-il, que la situation perdure depuis des mois.
Il convient de combler le déficit du marché en misant sur l’importation afin d’équilibrer la balance et baisser les prix».
Le show typique des marchands de poisson qui conférait à l’espace une ambiance bien particulière a cédé la place à la morosité. D’ailleurs, la plupart des marchands déclinent les questions sous prétexte qu’ils sont trop pris alors qu’ils ne faisaient rien du tout… Ce désenchantement est certes compréhensible.
Mais une nouvelle génération de poissonniers prend la relève, mue qu’elle est par la passion pour ce métier pas comme les autres. Mohamed Amine Habbassi et Iskander Dridi sont deux jeunes poissonniers. Ils s’appliquent à mettre en valeur la petite quantité de mulet qu’ils proposent à seulement dix dinars le kilo.
«Chaque fois, nous misons sur une variété dont le rapport qualité-prix nous semble bon. Contrairement à d’autres variétés, le prix du mulet, lui, a chuté. Il était de 18dt et de 20dt le kilo. Et en dépit de la baisse du prix, les clients se montent réticents car ils sont en manque d’argent», nous confie Iskander.
Cher, mais nettement moins qu’ailleurs !
Les clients qui sillonnent la halle aux poissons font la moue, rien qu’en examinant les prix affichés. Certains se contentent d’un petit tour avant de quitter les lieux, alors que d’autres finissent par acheter ce qu’ils trouvent adapté à leur budget. Elyès Raïs, retraité, s’est déplacé depuis La Marsa rien que pour acheter du poisson et des mollusques à prix réduits.
«Je préfère faire le déplacement, galérer pour trouver une place où stationner ma voiture car je sais parfaitement que je finirais par acheter à des prix nettement moins chers que ceux imposés dans les poissonneries de ma ville. Les crevettes que l’on trouve ici à 35dt le kilo se vendent à 45dt et à 50dt le kilo à La Marsa. D’ailleurs, je trouve que les prix sont plus compétitifs qu’ailleurs.
A Hammamet, par exemple, ils sont bien plus chers. Cela dit, il convient d’être regardant sur la qualité. Les produits que l’on couvre de glaçons sont, certainement, les moins frais», indique-t-il. Il attire l’attention sur un hic qu’il juge inacceptable, à savoir le non-affichage des prix. «Certains marchands mettent une pancarte et plusieurs variétés de produits. Et en leur demandant le prix, ils lancent un montant qui n’est point mentionné sur l’étal», dénonce-t-il.
Un peu plus loin, Hajer Ouertani, fonctionnaire, vient de faire l’acquisition de dorades et de loups. «J’ai des invités et j’ai cru bon de leur préparer du poisson. Il faut dire que le poisson ne convient plus aux budgets des familles. Un kilo de viande peut servir à plusieurs marmites alors qu’un kilo de poisson disparaît en un repas ! Aussi est-il impossible d’inclure le poisson sur la liste des produits alimentaires indispensables au menu de la semaine.
D’autant plus que les prix restent les mêmes, soit 20dt le kilo, alors qu’ils devraient baisser durant cette période», s’exclame-t-elle. Son amie se souvient du bon vieux temps, où les sardines invendues étaient jetées aux chats… Aujourd’hui, elles sont proposées à 9dt le kilo !