Le ministre des Affaires étrangères, de la migration et des Tunisiens à l’étranger, Mohamed Ali Nafti, a reçu, jeudi, au siège du département, le président de la commission de la sécurité nationale et de la politique étrangère du parlement iranien, Ibrahim Azizi et la délégation l’accompagnant.
Cette rencontre survient à l’occasion de la visite qu’effectue la délégation iranienne en Tunisie pour renforcer les relations de coopération parlementaire, apprend-t-on d’un communiqué du département des affaires étrangères.
Lors de cet entretien, Nafti s’est félicité des liens fraternels solides entre les deux pays, réaffirmant l’engagement de la Tunisie à les promouvoir davantage.
Pour ce faire, le ministre a mis l’accent sur la nécessité de saisir les opportunités offertes dans les différents secteurs et domaines, soulignant le rôle dévolu à la diplomatie parlementaire dans la promotion des opportunités de consultation et de dialogue et dans l’édification des ponts de communication et de rapprochement entre les deux pays et les deux peuples frères.
De son côté, le chef de la délégation iranienne, Ibrahim Azizi, a salué les positions du président Kais Saïed sur les questions régionales, notamment la cause palestinienne, formulant le souhait de renforcer les relations bilatérales de fraternité et de coopération et de les hisser au niveau des aspirations des dirigeants des deux pays au service des intérêts des deux peuples frères.
Auparavant, le président de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) avait rencontré le responsable iranien et la délégation l’accompagnant, passant en revue les perspectives de coopération bilatérale, notamment, dans les domaine économique, culturel et universitaire.
Le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah a débuté le mercredi 27 novembre 2024 avec un accord négocié par les États-Unis et la France qui prévoit un cessez-le-feu de 60 jours et visant à mettre un terme à 14 mois d’hostilités qui avaient infligé de lourdes pertes des deux côtés. (Image : Des personnes déplacées par les annonces de frappes aériennes israéliennes s’abritent à l’entrée du centre médical de l’Université américaine de Beyrouth, le 26 novembre 2024).
Imed Bahri
Le magazine américain Newsweek considère que l’accord – au respect duquel un comité international dirigé par les États-Unis est censé veiller – prévoit le retrait des combattants du Hezbollah au nord du fleuve Litani et le retrait progressif par Israël de ses forces du sud du Liban avec le déploiement des forces de l’armée libanaise.
Au cours de cette guerre, le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah a été tué de même que son héritier putatif Hachem Safieddine. L’état-major du parti chiite a également été décimé et l’infrastructure militaire du parti a subi de graves dommages outre les pertes humaines. Pour Israël, cette guerre a nécessité le déplacement d’un certain nombre d’habitants du nord du pays loin de la frontière avec le Liban.
Les manœuvres politiques de Netanyahu
Pour faire la lumière sur cette question, Newsweek a contacté des experts régionaux pour évaluer les perspectives d’un cessez-le-feu et ses répercussions sur la stabilité future au Moyen-Orient notant que de nombreux Libanais avides de paix s’inquiètent de la possibilité de son effondrement et de la reprise du conflit.
Yazid Sayigh, historien au Centre Carnegie pour le Moyen-Orient à Beyrouth, a déclaré qu’il doutait que le Hezbollah sape le cessez-le-feu car il a désespérément besoin de repos après l’attaque israélienne massive et il estime que le principal facteur affectant la durabilité du cessez-le-feu pourrait être les calculs politiques du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu car il peut arriver un moment où il estime que son intérêt à saper le cessez-le-feu est plus grand que son intérêt à le maintenir.
Sayegh a déclaré que Netanyahu fait face à une opposition gouvernementale interne importante à l’accord et qu’il devra donc peut-être manœuvrer pour garder ses partenaires d’extrême droite afin d’assurer son maintien au poste de Premier ministre et de retarder son procès pour des accusations de corruption.
Le chercheur a poursuivi en expliquant: «Je ne comprends pas vraiment pourquoi Netanyahu accepterait un cessez-le-feu avec le Hezbollah à moins qu’il ne reçoive un message indiquant que le président élu des États-Unis Donald Trump veut arrêter la guerre avant son investiture et si tel est le cas alors la balance penche vers le maintien du cessez-le-feu à moins que le Hezbollah ne rende cela impossible».
Pour sa part, Henry J. Barkey, professeur de relations internationales, a déclaré qu’il croit que le cessez-le-feu tiendra malgré certaines violations et il a résumé les raisons qui le font tenir dans le fait que le Hezbollah a subi les plus grands dommages possibles et que l’armée israélienne est épuisée et surtout Netanyahu cherche désespérément à montrer un succès tangible avec le retour des colons du nord d’Israël à leurs foyers.
Quant à James Gelvin, chercheur au département d’histoire de l’Université de Californie, il estime qu’il y a de très bonnes chances que le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah se poursuive car le parti a participé à contrecœur à la guerre l’opposant à Israël en soutien au Mouvement de la résistance islamique Hamas en tant que membre de l’axe de résistance pro-iranien et il lui a semblé que provoquer la mort et la destruction au Liban était une mesure irréaliste et impopulaire à la lumière de la crise économique que traverse le pays.
De plus, l’Iran a évolué sur la question par rapport à la période d’avant l’élection de Trump où Téhéran ne voulait pas entendre parler de l’arrêt de la guerre sur un front et son maintien sur un autre et où ses officiels déclaraient que l’unité des fronts était indiscutable.
L’Iran a poussé le Hezbollah pour qu’il accepte un cessez-le-feu parce qu’il ne veut pas d’une nouvelle escalade qui pourrait déstabiliser sa situation intérieure déjà fragile en particulier ses défis économiques. En outre, la république islamique craint qu’une nouvelle escalade ne force les États-Unis à entrer dans la mêlée ce que l’elle veut éviter à tout prix surtout avec le retour à la Maison-Blanche du très anti-iranien Donald Trump.
Quant à Israël, Gelvin estime qu’il a atteint son objectif de pousser le Hezbollah à se retirer de ses frontières, à reculer derrière le Litani outre le retour de 60 000 Israéliens du nord dans leurs foyers quel qu’en soit le coût. L’armée israélienne veut également se concentrer sur le front sud avec Gaza qui la préoccupe.
A quand la fin de l’interminable guerre de Gaza ?
Autre élément, Netanyahu évitera un champ de mines politique en n’ayant pas à recruter les ultra-orthodoxes. En effet, avec l’épilogue de la guerre sur le front nord, il y a un allègement en matière d’effectif et il n’est plus acculé à enrôler cette frange de la population israélienne qui jusque-là était dispensé de servir dans l’armée.
Quant à l’épilogue de la guerre de Gaza, elle demeure la grande question. Haaretz et le New York Times ont révélé cet automne que Netanyahu n’était pas prêt à faire un cadeau de cessez-le-feu à Gaza à l’administration Biden et qu’il attendait l’élection et l’entrée en fonction de Trump pour le faire.
D’autres analyses estiment que le retour de Trump n’est pas l’unique préalable à la fin de l’interminable guerre de Gaza. Des poches de résistance du Hamas demeurent et en plus au sein de sa coalition, il est difficile de lui faire avaler deux pilules en même temps, celle d’un cessez-le-feu avec le Hezbollah et en même temps avec le Hamas surtout que les partenaires dans son alliance d’extrême-droite appellent au retour de la colonisation de Gaza et au rattachement de la Cisjordanie afin d’en finir définitivement avec la cause palestinienne.
Le président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Brahim Bouderbala, a reçu, jeudi 28 novembre, le président de la Commission de la sécurité nationale et de la politique étrangère au Conseil de la Choura islamique iranien, Ibrahim Azizi.
La rencontre a porté sur les moyens de renforcer et de développer les relations de coopération bilatérale dans plusieurs secteurs, notamment économique, culturel et académique…
Les deux responsables ont souligné la nécessité d’appuyer l’action commune dans le but de renforcer les relations interparlementaires à travers notamment les rencontres régulières, l’échange d’expertise et d’expérience, en particulier au niveau des groupes d’amitié parlementaires. Ils ont, à cet effet, souligné la nécessité d’aligner les positions des Parlementaires tunisiens et iraniens par rapport aux questions d’intérêt commun.
La réunion a également permis d’aborder la situation dans les terres palestiniennes occupées ainsi qu’au Liban suite aux violations commises par l’entité sioniste contre les deux peuples.
Ibrahim Azizi a, quant à lui, fait part de l’intérêt qu’accorde l’Iran à la consolidation de ses relations avec la Tunisie, notamment dans le domaine parlementaire soulignant que la délégation qui l’accompagne ne peut que traduire cet intérêt particulier et la volonté de son pays de renforcer la coopération dans les domaines économiques, académiques, culturels et technologiques et à multiplier les opportunités d’investissements dans les deux pays.
Il a souligné l’importance du travail commun pour aplanir les difficultés liées notamment aux procédures administratives dans le but d’atteindre les objectifs souhaités.
Il a mis en avant l’importance des relations parlementaires dans la concrétisation des objectifs escomptés, réitérant, à l’occasion, l’invitation adressée par le président du Conseil de la Choura iranien, Mohammad Bagher Ghalibaf, au président de l’ARP à visiter l’Iran à la tête d’une délégation parlementaire.
Le parlementaire iranien a, également, souligné le rôle majeur des deux pays dans l’impulsion des relations bilatérales et multilatérales et dans le traitement des questions régionales et internationale au niveau bilatéral et multilatéral, saluant les positions honorables du président de la République, Kaïs Saïed aux côtés du peuple palestinien et contre toute forme de normalisation avec l’entité sioniste.
Brahim Bouderbala a, de son côté, mis en exergue les efforts déployés par le parlement pour promouvoir les relations extérieures de la Tunisie. Il a affirmé l’engagement à créer un groupe parlementaire d’amitié avec l’Iran dans les proches délais pour atteindre les objectifs recherchés.
Le président du parlement a mis en avant la convergence des vues entre les deux pays concernant la question d’intérêt commun, saluant le rôle de l’Iran dans la défense des causes justes et son soutien au droit des peuples à l’autodétermination.
Il a, dans ce sens, affirmé la détermination de la Tunisie à assumer pleinement son rôle dans le rapprochement des points de vue au niveau maghrébin, africain et méditerranéen ainsi qu’au niveau du monde arabo-musulman et à penser les mécanismes capables d’unifier les visions sur toutes les questions régionales et internationales dont en premier lieu la cause palestinienne.
Après l’échec du rêve unitaire arabe dont sa population a longtemps été bercée, l’Irak est aujourd’hui un pays contrôlé par les Américains mais pas suffisamment pour empêcher les milices pro-iraniennes de tirer des salves de missiles et de drones sur Israël. Et son avenir paraît toujours aussi compromis, même à l’issue de la fin (officielle) de l’occupation américaine.
Dr Mounir Hanablia *
L’Irak est ce pays ancien bien connu correspondant grosso modo à la Mésopotamie, peuplé d’une mosaïque de communautés. Considéré comme un jalon important sur la route des Indes devant être verrouillé pour interdire l’accès au golfe Arabo-persique aux Allemands alliés des Ottomans, durant le premier conflit mondial, son accession à l’ère moderne commence en 1917 par sa conquête sur les Ottomans par les Anglais et par la découverte et l’exploitation du pétrole par une filiale de l’Anglo-persian Oil Company. Aux provinces de Basra et de Bagdad, ils adjoignent celle pétrolière kurde de Kirkouk, au grand dam des Turcs qui n’auront de cesse d’ambitionner de la reconquérir.
Une monarchie, celle des Hachémites originaires du Hedjaz, y est installée dans les années 1920 après l’expulsion du Roi Fayçal de Syrie par les Français. Et toutes les révoltes sont matées par la Royal Air Force, qui n’hésite pas à bombarder les populations et les habitations civiles sans aucune considération du nombre de victimes. Ainsi Sulaymaniyah dans le Kurdistan est pratiquement détruite en 1926.
La monarchie hachémite en Irak est étroitement dépendante du pouvoir anglais, et sa principale ressource est constituée par les maigres dividendes concédées par l’Irak Petroleum Company. Cela n’empêche pas le pays d’adopter le parlementarisme britannique, mais celui-ci n’est que le reflet de la domination exercée sur la société par les classes éduquées des villes et les grands propriétaires terriens. Le pays demeure essentiellement rural et agricole, sans toutefois assurer ses besoins alimentaires.
Le paradoxe de l’Irak tout comme l’Egypte soumise à la domination anglaise, est son incapacité à produire suffisamment dans l’agriculture malgré ses immenses ressources hydriques. Quant à l’industrie, elle est, mis à part le pétrole, inexistante.
Durant la seconde guerre mondiale, un groupe d’officiers nationalistes, plus précisément anti-anglais, le carré d’or, prend le pouvoir et veut fournir une base à la Luftwaffe à Kirkouk dans l’espoir de voir la Wehrmacht débouler des montagnes du Caucase et du désert de Syrie pour libérer le pays de l’occupation anglaise. Le projet tourne court lorsque le chef de l’escadrille allemande envoyé à Kirkuk est tué accidentellement. Mais rares sont les Irakiens qui ont approuvé de voir leur pays s’associer aux Nazis.
Avènement de l’idéologie panarabiste
Après la seconde guerre mondiale, et avec la guerre froide, la Grande Bretagne veut faire de l’Irak une pièce essentielle du dispositif anticommuniste, avec la Turquie, l’Iran, et le Pakistan, dans ce qu’il est convenu d’appeler le pacte de Bagdad.
Entretemps s’est formé un puissant Parti communiste irakien essentiellement au sein de la communauté chiite, la plus nombreuse mais aussi la plus opprimée. Un autre parti, le Baath, créé par le visionnaire utopiste syrien Michel Aflaq, prônant la renaissance d’une mythique nation arabe, ne fait que quelques adeptes au début des années 50. Mais l’arrivée au pouvoir en Egypte des officiers libres et l’émergence du nationaliste égyptien, Nasser en tant que leader de la nation arabe, à son corps défendant semble-t-il, fournit à l’idéologie panarabiste une impulsion décisive dans sa revendication contre les puissances coloniales anglo-françaises, et sioniste. C’est peut être faire abstraction des événements d’Iran et de la lutte engagée par l’Anglo Iranian Oil Company contre Mossadeq sur la région. Mais en juillet 1958 se produit un coup d’État militaire issu d’ officiers nationalistes irakiens contre le régime royal anglophile dont la figure de proue est un ancien officier de l’armée ottomane, Nouri Saïd. La population de Bagdad se soulève à l’appel des putschistes et massacre les principales personnalités du régime dans les rues.
De Abdelkarim Kassem à Saddam Husseïn
Le nouveau régime militaire dirigé par Abdelkarim Kassem s’appuie sur les communistes, instaure la république, mais face aux Nassériens, se prétend avant tout nationaliste irakien. Kassem prétend réintégrer le Koweït à la mère patrie irakienne par la force et veut la réforme agraire, ce qui lui assure certes une réelle popularité dans la population mais désorganise la production agricole. Il est prudent en s’abstenant de remettre en question le statu quo dans le domaine du pétrole, mais se place néanmoins en porte à faux contre les puissances occidentales, les pays arabes du Golfe, ainsi que et surtout, Nasser. Il refuse néanmoins de se jeter dans les bras du Parti communiste, pourtant son seul soutien, qu’il n’hésite pas à marginaliser.
En fin de compte, après le soulèvement de Mossoul dirigé par un officier, Abderrahmane Chawaf, qui se conclut par un bain de sang perpétré contre les nationalistes arabes et les baathistes, puis plusieurs tentatives d’assassinats dont l’une dans laquelle est impliquée un certain Saddam Hussein, Kassem malgré sa popularité, et malgré l’appui de la population descendue dans la rue le soutenir, est renversé et exécuté en 1963 par des officiers nassériens soutenus par des militaires du Baath, qui ne lui ont pas pardonné les exécutions de manifestants, qu’on lui attribue. Les communistes sont pourchassés dans les rues et massacrés en masse par les militants du Baath. Pourtant l’Union syro-égyptienne s’est conclue deux années auparavant par un échec retentissant.
Le nouveau président, Abderrahmane Aref, quoique nationaliste arabe, ne veut pas être sous la coupe de Nasser. Et l’union tripartite envisagée avec l’Egypte et la Syrie est cantonnée à un simple slogan. Les militaires au pouvoir sont conservateurs sur le plan économique et social et ne veulent pas du socialisme prôné par Nasser. Ils sont hostiles aux revendications autonomistes kurdes et se lancent dans une guerre absurde au Kurdistan qui se conclut par un échec retentissant.
En 1965, ces militaires s’allient aux conservateurs du Baath et à son fondateur Michel Aflaq pour réprimer l’aile gauche du parti dirigée par l’ancien ministre de l’Intérieur Ali Salah Saadi accusé de vouloir prendre le pouvoir et de faire le jeu de la branche syrienne du parti.
Des militants armés comprenant l’inévitable Saddam Hussein font irruption dans le siège du Congrès en scandant : «Une seule nation arabe au message éternel» au moment même où la scission au sein de leur parti est consommée.
Abderrahmane Aref meurt dans un mystérieux accident d’hélicoptère. Son frère lui succède en 1967 mais il n’a pas le charisme nécessaire. Il essaie bien d’obtenir un consensus minimum et de conférer au gouvernement une apparence civile, mais c’est peine perdue. Il est renversé par les militaires du Baath dirigés par Ahmed Hassan Al Bakr qui cette fois s’assurent de la réalité du pouvoir malgré l’instauration d’un conseil du commandement de la révolution. La suite on la connaît. Saddam Hussein qui est un parent du président s’assure progressivement le contrôle de la police secrète, du parti, de l’administration, de l’armée. En 1973 il élimine Nazem Al Kazzaz, le puissant chef de la police secrète, qui tente de prendre le pouvoir, et qui semble en l’occurrence avoir été victime d’une provocation soigneusement préparée. Cette affaire permet d’éliminer quelques autres rivaux et sert d’avertissement à tous ceux qui s’opposent à l’ascension du nouvel homme fort qui joue des communistes et des Kurdes les uns contre les autres afin de neutraliser toute opposition et incrimine le parti frère ennemi de Damas dans des complots dont la réalité n’est le plus souvent pas prouvée.
Saddam n’hésite pas à nationaliser le pétrole en 1972 en s’assurant le soutien de la France sans encourir l’hostilité des Britanniques et la hausse du prix du pétrole de 1973 sert ses intérêts en décuplant les revenus de l’État. Il a alors en main les moyens nécessaires pour transformer le pays et commence par mener une guerre coûteuse dans le Kurdistan qui n’aboutit pas du fait de l’appui apporté aux autonomistes par le Shah d’Iran, l’Amérique, et Israël. Les accords d’Alger avec l’Iran en 1975 en consacrant l’abandon des Kurdes lui fournit l’occasion de «pacifier» la région du nord par une politique d’arabisation forcée, de déportation, et de réinstallation des populations.
Contrôle total sur la population et culte de la personnalité
Il est vrai que l’époque est à la prospérité et la population irakienne jouit d’une élévation considérable de son niveau de vie dont le Baath tire profit pour assurer son contrôle total sur la population. Mais à partir de 1977, un nouvel adversaire apparaît, le clergé chiite. Les forces de sécurité n’hésitent pas à tirer sur la foule des pèlerins dans les lieux saints. La capture opportune sur les lieux d’un soldat syrien permet au régime d’étoffer sa thèse du complot extérieur mais Saddam est obligé de donner des gages aux religieux au détriment de la politique officiellement laïque jusque-là pratiquée.
Il est vrai que la Révolution Islamique d’Iran survenue en 1979, année à laquelle Saddam accède à la présidence, en fait désormais l’un de ses principaux ennemis. Il enfile alors les bottes du conquérant arabe musulman face au perse païen et du défenseur des régimes du Golfe. Il envahit l’Iran en 1981 avec l’appui des Occidentaux et des régimes arabes conservateurs qui financent son armée, et ses opérations militaires. La guerre lui permet d’instaurer un véritable culte de la personnalité et d’exercer un contrôle absolu sur l’armée en nommant des personnes de sa famille et de son clan aux postes les plus sensibles.
A partir de 1983, le front se stabilise grosso modo de part et d’autre de la frontière. C’est le statu quo que plusieurs offensives iraniennes meurtrières ne parviennent pas à modifier. La guerre se termine en 1989 avec l’acceptation par l’Iran des résolutions des Nations unies, et l’usage d’armes chimiques par l’armée irakienne devenue coutumière du fait contre les populations kurdes provoque le célèbre massacre de Halabja.
L’Irak a la fin de la guerre est un pays surarmé par l’Occident qui lui a même livré des usines de fabrication de gaz de combat, et ruiné, qui doit rembourser ses créanciers arabes, alors que les prix du pétrole baissent. Saddam croit alors obtenir le feu vert des Américains pour envahir le Koweït. Il juge que c’est le seul moyen pour lui de sauver ce qui lui paraît essentiel, son propre pouvoir. Le pays est alors détruit par la campagne militaire américaine sous couverture internationale Tempête du Désert, puis soumis à un sévère embargo qui fait plus de victimes que la guerre. Le Kurdistan irakien jouit d’une sécession de fait.
Le régime de Saddam est liquidé en 2003 avec l’occupation du pays par les troupes américaines opérant pour le compte d’Israël. Lui-même est pris, jugé et exécuté, pour des crimes dont on ne peut pas l’exonérer, et sa mort courageuse ne doit pas occulter sa responsabilité.
Un pays contrôlé par les Américains
En effet, le rêve unitaire arabe prôné par le Baath ne fut pour lui qu’un moyen de réaliser ses propres ambitions et il ne chercha jamais à masquer ses mesures expéditives, dont la plus spectaculaire reste sans aucun doute cette trentaine de personnes cueillies par la sécurité d’Etat à l’appel de leurs noms dans la salle du Congrès du Parti, sans avoir la possibilité de se justifier et emmenées sans autre considération vers des destinations inconnues.
On peut certes l’accréditer des nombreuses réalisations économiques et sociales du pays. Mais il ne s’agissait là que d’un vernis. La société irakienne qui pouvait se targuer de posséder la classe la plus cultivée du Moyen-Orient dans les années 50, ne s’est pas sous le Baath laïc modernisée en profondeur, et la meilleure preuve en est l’irruption de Daech de ses entrailles quelques années après.
D’autre part, les succès attribués au régime exclusivement issus de la rente pétrolière n’ont pas assuré la transition vers une société sans pétrole. La réforme agraire n’a pas assuré au pays l’autosuffisance alimentaire que ses ressources en eau eussent dû lui assurer. Au contraire, les huit années de guerre contre l’Iran ont assuré à la Turquie voisine l’opportunité pour réaliser le gigantesque projet Atatürk de barrages de retenue sur les cours de l’Euphrate et du Tigre. Quant à l’industrialisation militaire dont elle avait acquis le savoir-faire avec la guerre contre l’Iran, l’occupation américaine l’en a privée.
Aujourd’hui l’Irak est toujours un pays contrôlé par les Américains mais pas suffisamment pour empêcher les milices pro-iraniennes de tirer des salves de missiles et de drones. Et son avenir paraît plus dans un modèle de cohabitation de communautés disparates à la libanaise que dans l’émergence véritable d’une nation. Pour tout dire, son avenir paraît toujours aussi compromis, même à l’issue de la fin (officielle) de l’occupation américaine.
* Médecin de libre pratique.
‘‘Iraq Since 1958: From Revolution to Dictatorship’’, de Marion Farouk-Sluglett et Peter Sluglett, éd. I. B. Tauris, 25 août 2001, 416 pages.