L’IA et la « destruction créatrice » : Philippe Aghion appelle à une concurrence vigilante
Dans un entretien exclusif à La République des Pyrénées, Philippe Aghion, récent lauréat du prix Nobel d’Economie 2025, appelle à un regard nuancé sur la situation économique française. Refusant tout catastrophisme, le professeur du Collège de France reconnaît la nécessité de redresser les comptes publics. Tout en identifiant dans l’intelligence artificielle un formidable levier de la croissance future. Et ce, à condition d’engager des réformes structurelles.
Pour réduire le déficit à court terme, Philippe Aghion rejette une cure d’austérité brutale. Il prône plutôt une réduction des dépenses par rapport aux prévisions. Ses pistes concrètes incluent le non-remplacement systématique de certains fonctionnaires partant à la retraite, une révision du remboursement des médicaments pour les revenus les plus aisés et une réévaluation de dépenses fiscales « erreurs » comme la suppression de la taxe d’habitation. La lutte contre la fraude fiscale est également présentée comme un impératif.
Taux d’emploi et productivité : les deux leviers fondamentaux
À moyen terme, l’économiste voit deux chantiers prioritaires : relever le taux d’emploi et stimuler la productivité. Il déplore le faible emploi des jeunes et des seniors, critiquant pour ces derniers le recours excessif aux ruptures conventionnelles. Une réforme des retraites, potentiellement sous forme de système à points, serait selon lui inévitable. Pour la productivité, il plaide pour un investissement massif et mieux ciblé dans l’innovation.
L’intelligence artificielle, une chance à saisir sous conditions
Philippe Aghion voit dans la révolution de l’IA un potentiel « énorme » de croissance et de création d’emplois pour la France, qui dispose d’atouts de premier plan comme des pionniers (Yann LeCun) et des données de qualité. Il admet que des emplois seront détruits, mais souligne que de nouvelles activités et entreprises plus productives émergeront. Pour que cette transformation profite à tous, une réforme en profondeur de l’école et d’un système de santé jugé trop bureaucratique est essentielle, de même qu’un marché du travail inspiré de la « flexisécurité » danoise.
La destruction créatrice, moteur d’une croissance pérenne
Résumant sa théorie, le Nobel explique que la croissance repose sur l’innovation, qui s’appuie toujours sur des découvertes passées. Ce processus s’accompagne d’une « destruction créatrice », où le nouveau rend l’ancien obsolète. Si la perspective de profits motive l’innovateur, une politique de concurrence vigoureuse doit empêcher les acteurs établis de bloquer l’arrivée de nouveaux talents. La société doit ainsi permettre aux talents de s’exprimer tout en veillant à ce qu’ils ne deviennent pas des freins pour la génération suivante.
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