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Joey Hood: « Unis, main dans la main, nous surmonterons ces défis ensemble »

26. Oktober 2025 um 16:18

Joey Hood, ambassadeur des États-Unis en Tunisie, a marqué ces trois dernières années par son humilité, sa sincérité, sa simplicité et sa capacité remarquable à convaincre et rapprocher les cultures. Très attentif et très au fait des tendances lourdes qui façonnent un monde en mouvement rapide, il s’est fixé pour objectif – à moins qu’il n’ait fait le pari – de faire de la Tunisie un portail global de l’Afrique au sens également d’un pays exportateur de sécurité et de stabilité, en le dotant de moyens et d’institutions à cet effet. Point besoin d’invoquer les considérations géo-politico-stratégiques, la raison est qu’il y a déployé toute son énergie et sa force tranquille, animé qu’il est par l’amitié qu’il porte au pays. Et qu’il revendique haut et fort. Grand admirateur d’Ibn Khaldoun, il a su puiser dans la sagesse du penseur tunisien pour nourrir son engagement diplomatique. À l’aube de son départ vers une nouvelle mission, conformément aux règles qui régissent les mandats américains, nous avons eu le privilège de le rencontrer une dernière fois. Un moment empreint de réflexion et d’émotion, qui révèle l’homme derrière le diplomate et son attachement profond à la Tunisie. Entretien.

Comment évaluez-vous à ce jour les principales réalisations de votre mandat ?

Les résultats commencent à se faire sentir, mais mon objectif principal demeure le renforcement de la coopération sécuritaire entre nos deux pays. La stabilité est en effet la condition sine qua non pour attirer les investissements.

Nous espérons que le Président Trump accordera une attention particulière à cette question, notamment en lien avec la situation en Libye. La Libye constitue un foyer majeur de menaces terroristes, puisque de larges zones de la région sahélienne sont contrôlées depuis ce pays. Le chaos libyen représente le principal défi à relever.

Pour le mandat du Président Trump, la Libye devrait être une priorité. Les gouvernements tunisien et américain partagent des objectifs communs : stabilité et sécurité par le biais d’un processus libyo-libyen, retrait des forces et influences étrangères, souveraineté du pays sur son avenir. J’ai été le premier haut responsable américain depuis 2014 à visiter la Libye, et la position des États-Unis demeure alignée sur les intérêts tunisiens. Le chemin sera long et difficile, mais avec une alliance solide entre la Tunisie et les États-Unis, les chances de succès pour les Libyens sont élevées.

En partenariat avec les autorités tunisiennes, nous avons investi plus de 200 millions de dollars dans un projet de surveillance des frontières de la Tunisie avec la Libye, visant à renforcer le contrôle et la rapidité d’intervention face aux trafiquants et aux groupes terroristes.

Il n’y a pas que la frontière libyenne ?

La Tunisie partage deux types de frontières : avec l’Algérie et la Libye, qui présentent des réalités distinctes. La frontière libyenne pose davantage de défis que celle avec l’Algérie, partenaire stratégique important, mais dont le territoire reste vaste et difficile à surveiller.

Nous soutenons les forces transsahariennes tunisiennes et l’armée de l’air à travers des moyens technologiques de surveillance. Nous espérons également que des entreprises américaines apporteront leur expertise dans le domaine des satellites et autres dispositifs.

Cependant, au-delà de la sécurité, il est crucial de favoriser le développement économique. La croissance est aussi une question de sécurité nationale : plus les jeunes Tunisiens trouveront de bonnes conditions de vie sur place, moins ils seront tentés de partir.

À titre d’exemple, deux frères tuniso-américains ont transformé un problème local – l’invasion du « crabe bleu » – qui nui sait aux pêcheurs, en une opportunité d’exportation vers les États-Unis, créant ainsi plusieurs dizaines, voire centaines, d’emplois en Tunisie.

Quel rôle joue la diaspora tunisienne dans le développement de l’innovation et comment les États-Unis encouragent-ils ce dynamisme ?

Il est essentiel de soutenir ces niches innovantes dans les années à venir. De plus, de jeunes talents développent des applications révolutionnaires. Je pense à ce Tunisien basé aux États-Unis qui facilite l’accès au financement pour les étudiants, ou à cet autre, qui étudie le bien-être numérique. Ces réussites offrent un fort potentiel pour l’avenir.

Nous devons encourager ces talents de la diaspora à revenir investir en Tunisie en créant un environnement favorable. Les ambassades américaines jouent un rôle clé dans ces échanges, qu’il s’agisse de Tunisiens américains ou d’entre preneurs américains découvrant la Tunisie. Des exemples re marquables existent déjà, comme George Lucas, qui a choisi le sud tunisien pour le tournage de la saga Star Wars, trans formant cette région en un lieu emblématique.

Il convient de s’appuyer sur cette stabilité et cette sécurité pour viser des objectifs plus ambitieux, notamment dans le commerce et les échanges culturels, avec une vision claire.

Feu Hédi Nouira, figure historique tunisienne, premier gouverneur de la Banque centrale et ancien Pre mier ministre, avait imaginé en son temps une société tunisienne équilibrée sous forme de losange, avec une classe moyenne forte et peu d’extrêmes. Il avait l’ambi tion de faire de la Tunisie le « Singapour de l’Afrique». Pensez-vous que cet objectif soit encore d’actualité ?

C’est une ambition louable, mais qui nécessite des objectifs précis ainsi qu’une feuille de route stratégique et tactique bien définie.

Quel message allez-vous transmettre à votre successeur ?

Tout au long de mon mandat, j’ai souligné l’importance d’adopter une politique claire et programmatique. Aujourd’hui, la stabilité sécuritaire est solidement ancrée, et cette base doit désormais permettre de renforcer la formation et la coopération internationale pour lutter efficacement contre le terrorisme à l’échelle régionale.

Cette approche contribuera également à réduire l’immigra ion irrégulière, tout en favorisant les échanges commerciaux et les investissements bilatéraux.

La relation entre les États-Unis et la Tunisie est ancienne et solide, avec près de 230 ans d’histoire. Notre coopération militaire, policière et sécuritaire, s’est révélée particulièrement efficace. Elle a aidé la Tunisie à surmonter des périodes difficiles.

Je transmettrai à mon successeur le message d’élargir cette coopération, d’aller au-delà des acquis dans la lutte contre le terrorisme, et de savoir étendre ce succès à d’autres pays de la région, notamment la Libye.

Depuis 2011, le budget tunisien a subi, pour des raisons sécuritaires internes et externes, de fortes pressions, avec une augmentation des dépenses sécuritaires au détriment de l’éducation et de la santé, freinant la reprise économique.

Chaque pays entretient une relation singulière avec les États Unis. La Tunisie a su bâtir une relation mature, où les défis se règlent discrètement et où les succès sont célébrés publiquement.

Cette dynamique constitue une base solide pour envisager des projets innovants et exploiter pleinement le potentiel tunisien.

Nous continuerons d’investir dans le partenariat sécuritaire avec la Tunisie, mais il est indispensable d’aller plus loin. Tel est le conseil que je laisse à mon successeur : ne pas se contenter de célébrer les succès dans la lutte antiterroriste, aussi importants soient-ils, mais étendre ces réussites à d’autres pays comme la Libye et à toute la région pour renforcer la stabilité.

 

Le mot de la fin ?

Depuis le début de mon mandat, la lecture de l’œuvre d’Ibn Khaldoun m’a profondément marqué. Elle m’a enrichi et ac compagné tout au long de ma mission ici. Je souhaite néan moins partager une citation qui me tient particulièrement à cœur : « Le pouvoir de l’être humain, pris isolément, ne suffit pas à obtenir la nourriture nécessaire. C’est grâce à la coo pération que les besoins de plusieurs personnes, bien plus grands que leur nombre, peuvent être satisfaits. De la même façon, chaque individu a besoin de l’aide de ses pairs pour sa protection. Lorsque la coopération mutuelle existe, l’homme obtient à la fois nourriture et armes ».

Je ne trouve pas meilleure expression pour illustrer les fruits de la coopération tuniso-américaine. Je suis convaincu que nous continuerons à avancer ensemble, non seulement dans le domaine de la sécurité, mais aussi sur les plans commercial et économique, de façon équilibrée et souvent discrète, mais toujours fondée sur cette amitié croissante évoquée dès notre premier traité de paix et d’amitié.

Si nous devons intervenir pour vous soutenir aujourd’hui, nous garderons toujours en mémoire ce lien précieux. La situation est difficile, le passage délicat, mais unis, main dans la main, nous surmonterons ces défis ensemble. Ce n’est ni une aide ni un droit : c’est un véritable partenariat.

Extrait de l’interview qui est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n 930 du 22 octobre au 5 novembre 2025 

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Edito – Gabès : La vie sinon rien

26. Oktober 2025 um 05:54

Ce qui devait arriver arriva. Gabès, après Sfax, brise le silence et part en guerre contre les émanations de gaz hautement toxiques du complexe chimique par lequel le scandale arrive. Les habitants, pourtant si attachés au développement de leur région, n’en peuvent plus. Ils ont payé un lourd tribut humain et environnemental d’un modèle d’industrialisation qui a vécu. Qui porte la marque de fabrique du 20ème siècle et, au surplus, qui est réfractaire au changement. Un modèle qui n’a plus cours aujourd’hui. Les experts, la société civile et les habitants sans protection aucune n’ont pas attendu la levée de boucliers de ces derniers jours et la flambée de violences pour mettre en garde contre le péril d’une pollution de puissance 4 aux effets dévastateurs.

 

Le mal est profond et mérite un traitement d’urgence. La hantise vire au cauchemar à mesure que s’allonge la liste des dégâts humains et environnementaux ; elle exacerbe les tensions sociétales et fait craindre le pire en mettant en danger la paix civile. Il n’y avait pourtant aucune fatalité à un tel désastre écologique, aux conséquences humaines tragiques.

 

Le Groupe chimique, jadis fleuron de l’économie nationale, perd de son aura à mesure qu’il avance dans le temps, à cause de ses rejets toxiques qui vont en s’aggravant. Il sème la hantise de maladies incurables et laisse derrière lui, en dehors de la fiche de paie des employés et des dividendes de la peur, un paysage de désolation miné par des rejets en mer, dans l’air et en surface. De quoi empoisonner la vie où qu’elle se trouve. Le bilan est effroyable, désastreux. Rien n’y échappe. « Apocalypse Now ». Destruction tous azimuts de la faune maritime qui faisait la réputation et la richesse halieutique du golfe de Gabès, dégradation des plages autrefois paradisiaques, détérioration de la nappe d’eau et défiguration de la légendaire oasis de Chenini, à quelques encablures de la mer, sans doute unique en son genre. Tout y passe sous les trainées des rejets, frappés d’interdiction ailleurs du complexe chimique. Ils sentent la mort plus qu’ils ne respirent la vie. Le mal est profond et mérite un traitement d’urgence.

La hantise vire au cauchemar à mesure que s’allonge la liste des dégâts humains et environnementaux ; elle exacerbe les tensions sociétales et fait craindre le pire en mettant en danger la paix civile. Il n’y avait pourtant aucune fatalité à un tel désastre écologique, aux conséquences humaines tragiques.

Nous payons aujourd’hui le prix de notre inaction, de notre incapacité à nous inscrire dans l’air du temps. Le monde a profondément changé, sans qu’on y prenne garde. Le temps où le pays affirmait à l’adresse des investisseurs étrangers qu’il était preneur de pollution est révolu. Nous sommes confrontés aujourd’hui à une nouvelle donne économique, sociale, sociétale et environnementale incontournable. Fini le temps où l’impératif économique et financier primait sur tout le reste. La croissance à tout prix est un reliquat de l’ancien monde.

L’industrie 4.0 a pris le relais sur celle qui agressait la planète Terre, abîmait l’environnement et asphyxiait la vie. De nouvelles réglementations de plus en plus contraignantes se mettent en place pour réduire les émanations de gaz à effet de serre, pour prévenir le réchauffement climatique et protéger l’espèce humaine. L’UE, notre principal partenaire, à la pointe de ce combat, a établi une taxe carbone aux frontières, qui sera bientôt opérationnelle. A charge pour nous de décarboner nos entreprises et de verdir l’économie. Et pas que pour des considérations concurrentielles.

Les revendications sociétales portées à incandescence nous y obligent. Elles doivent être prises au sérieux par les responsables politiques, dont on n’arrête pas de s’interroger sur leur silence, leur indifférence et leur passivité coupables. Le vide, comme seul écho d’activités gouvernementales aux effets peu probants.

Qu’avons-nous fait en la matière pour nous préparer au monde qui arrive et qui nous interpelle ? On ne voit pas se mettre en mouvement cette transition écologique dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle n’est pas une option, mais une impérieuse obligation. Les pays industrialisés avancés – et pas qu’eux – en ont fait la démonstration. Pour assurer la pérennité d’un développement durable et répondre aux attentes des populations qui ont droit à un environnement sain où il fait bon vivre, travailler et respirer.

 

Gabès aujourd’hui, c’est l’ultime alerte avant que le feu de la contestation ne se propage partout avec plus d’intensité et de violence, sans que l’on sache ce qui peut arriver au final.

 

Gabès aujourd’hui, c’est l’ultime alerte avant que le feu de la contestation ne se propage partout avec plus d’intensité et de violence, sans que l’on sache ce qui peut arriver au final. Les foyers de pollution et de dégradation de la nature font florès, au grand dam de la population. Les dégâts s’affichent partout au point de défigurer nos villes, notre littoral et nos régions intérieures. On doit y prendre garde, sachant que les mouvements sociaux et les affrontements partisans ont tendance à déserter le champ politique pour se focaliser sur la qualité de la vie et l’élément Terre, là on les attendait le moins, aidés en cela par le développement prodigieux de la toile numérique.

Signe des temps : la société civile à l’échelle des villes, des collectivités locales, régionales ou nationales juge désormais le haut de bilan des entreprises à l’aune de leur engagement environnemental. Celles-ci ne peuvent plus s’approprier les bénéfices, externaliser et socialiser en même temps les dégâts provoqués par la pollution…

Pollueur, payeur ? Comment ne pas y consentir ? A ceci près que tout doit être mis en œuvre pour éviter et interdire toute forme de nuisance.

Que peut-on faire sous le coup de l’émotion à Gabès pour calmer les esprits et mettre fin à ce désastre environnemental qui n’a que trop duré ? L’arrêt de la production ? Le démantèlement du complexe pour l’implanter ailleurs sur fond d’hostilité et de refus général au risque de reproduire le même drame environnemental et sociétal ? Faire de Gabès une nouvelle Silicon Valley, un concentré de startups et d’entreprises 4.0 avec pour principal moteur de croissance l’innovation et l’IA ?

Tout cela paraît peu probable. La question paraît si éloignée de la réalité ! Le coût astronomique de cette reconversion est très au-dessus de nos moyens financiers et humains. Plus grave encore, ces mesures provoqueraient un véritable séisme social, avec d’infinies ré pliques. Quel sort, en effet, sera réservé aux 4 000 employés du groupe qui perdraient leurs emplois et leurs sources de re venus ? Sans compter que l’onde de choc balayera en amont toute l’industrie du phosphate. Autant dire qu’elle sonnera le glas de l’économie nationale.

 

Le pays n’échappera pas à son destin, c’est-à-dire à la nécessité de parvenir à un juste équilibre qui puisse préserver les emplois, garantir un développement durable et assurer la sécurité environnementale de la population. Vaste et difficile défi à relever, mais avons-nous un autre choix ?

 

Il faut savoir raison garder. D’autres pistes d’action sont possibles dans l’immédiat et à terme. Et à moindres frais. Il faut, à cet égard, établir un vrai et sincère dialogue avec les habitants de la région, trouver une sorte de compromis, en donnant des gages de bonne volonté et de détermination. Ce n’est pas faute de solution si rien n’a été fait dans ce domaine. Les habitants qui crient aujourd’hui leur colère comprendront.

Ultime objectif : faire de Gabès une vitrine de l’engagement gouvernemental à l’effet de faire la démonstration que quand on veut, on peut et quand on peut, on doit faire émerger des activités propres, associées au nouveau monde sur le legs de l’ancien, désormais hors du temps. Le message vaut pour Gabès autant que pour le reste du pays, où certaines villes et régions sont au bord de la crise de nerfs, victimes qu’elles sont des effets nocifs d’une pollution hors de contrôle.

Ici comme ailleurs, il faut construire la confiance sur des faits, des actes et des résultats concrets, convaincants. Ce qui signifie en clair : déployer tout un trésor d’ingénierie et de pédagogie humaines, pour s’assurer l’adhésion des populations concernées. Le pays n’échappera pas à son destin, c’est-à dire à la nécessité de parvenir à un juste équilibre qui puisse préserver les emplois, garantir un développement durable et assurer la sécurité environnementale de la population. Vaste et difficile défi à relever, mais avons-nous un autre choix ?

Cet édito est disponible dans le magazine de l’Economiste Maghrébin n°930 du 22 octobre au 5 novembre 2025. 

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