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ZOOM – L’euro à 1,40 $ : quel impact pour le dinar tunisien ?

17. Juli 2025 um 06:00

Une nouvelle ère monétaire se profile : selon les dernières prévisions de BCA Research, l’euro entre dans un cycle haussier qui pourrait porter la paire EUR/USD jusqu’à 1,40 dollar. Au-delà de son impact sur les marchés développés, cette évolution redessine aussi les équilibres pour les économies intermédiaires comme la Tunisie, qui jongle entre un euro renforcé et un dollar structurellement affaibli, dans un contexte de pressions inflationnistes et de vulnérabilités extérieures.

Les analystes estiment que le mouvement haussier de l’euro repose sur des fondements solides. Les déséquilibres extérieurs américains deviennent de plus en plus préoccupants, avec un déficit courant atteignant 4,6 % du PIB et une position d’investissement internationale nette de -91 %. À l’inverse, la zone euro bénéficie d’un excédent courant, d’une position extérieure nette positive et d’un environnement économique plus stable, marqué par la fin de l’austérité budgétaire, des prix énergétiques plus modérés et un regain d’intégration politique et budgétaire.

 

 

Ces facteurs structurants alimentent une dynamique de réévaluation de la monnaie unique, renforcée par le fait que l’euro reste toujours sous-évalué d’environ 12 % par rapport à sa parité de pouvoir d’achat. Le retour à des niveaux historiquement élevés, comme le 1,40 observé avant la crise des dettes souveraines, est désormais considéré comme plausible par les stratèges.

Un choc asymétrique pour la Tunisie

Pour la Tunisie, dont la politique de change repose sur une flexibilité dirigée et un panier de devises dominé par l’euro et le dollar, un tel réalignement entre les deux grandes monnaies mondiales pourrait créer des effets en chaîne difficiles à maîtriser. Si l’euro se renforce durablement, la Banque centrale de Tunisie devra arbitrer entre une dépréciation du dinar face au dollar, avec des répercussions inflationnistes, et une appréciation du dinar face à l’euro, qui risquerait de nuire à la compétitivité de ses exportations vers la zone euro.

La dépendance de la Tunisie aux importations libellées en dollar, notamment pour les produits énergétiques et céréaliers, accentue la vulnérabilité externe. Une dépréciation du dinar face au dollar, mécaniquement provoquée par un euro fort, ferait grimper les coûts d’importation, alimentant une inflation importée qui viendrait aggraver une dynamique de prix déjà tendue.

 

« Si l’euro se renforce durablement, la Banque centrale de Tunisie devra arbitrer entre une dépréciation du dinar face au dollar, avec des répercussions inflationnistes, et une appréciation du dinar face à l’euro, qui risquerait de nuire à la compétitivité de ses exportations vers la zone euro ».

 

Des effets contrastés sur la dette et la stabilité macroéconomique

L’appréciation de l’euro pourrait néanmoins offrir un répit partiel sur le front de la dette extérieure tunisienne, en allégeant légèrement le coût réel du service de la dette libellée en euro, si la parité dinar/euro reste maîtrisée. Toutefois, cette opportunité ne saurait occulter les risques d’un déséquilibre global, car une telle stabilisation supposerait d’accepter une dépréciation accrue du dinar face au dollar. Ce qui augmenterait la charge de la dette en devises américaines et alourdirait les dépenses publiques liées aux subventions à l’énergie.

Dans un tel contexte, la Banque centrale de Tunisie se trouve face à un dilemme stratégique. Stabiliser le dinar face à l’euro pourrait préserver une partie des équilibres extérieurs, mais au prix d’une dégradation de la compétitivité-prix. Laisser filer le dinar face aux deux monnaies reviendrait à alimenter une spirale inflationniste difficilement maîtrisable, avec un impact direct sur le pouvoir d’achat et sur la stabilité sociale.

Une stratégie monétaire à repenser

L’évolution attendue de l’EUR/USD pose donc la question plus large du positionnement stratégique de la BCT dans un monde monétaire en recomposition. Une révision du panier de devises de référence, mieux équilibré en faveur des partenaires commerciaux réels, pourrait renforcer la résilience face aux chocs exogènes. La diversification des règlements en devises non dollarisées, notamment en euro ou en yuan, deviendrait un objectif opérationnel de premier ordre, tout comme la réduction de la dépendance énergétique et alimentaire.

 

« Le dinar tunisien, pris entre deux référentiels monétaires, peut-il encore se permettre de suivre passivement les dynamiques mondiales, ou doit-il désormais devenir un levier stratégique au service de la compétitivité, de la stabilité des prix et de la souveraineté économique ? »

 

Le défi est également industriel. Un euro fort pourrait rendre les exportations européennes moins compétitives, offrant une fenêtre d’opportunité à des pays comme la Tunisie pour attirer les chaînes de valeur en quête de nouveaux relais de production. À condition toutefois que le pays améliore son environnement d’affaires, investisse dans la logistique et stabilise ses fondamentaux macroéconomiques.

Entre risque et opportunité : quel cap pour le dinar ?

L’euro à 1,40 pour un dollar ne serait pas qu’un ajustement technique sur le marché des devises. Il annoncerait une transformation profonde des rapports de force monétaires mondiaux. Pour la Tunisie, cet environnement ouvre autant de vulnérabilités que de leviers potentiels. Le dinar tunisien, pris entre deux référentiels monétaires, peut-il encore se permettre de suivre passivement les dynamiques mondiales, ou doit-il désormais devenir un levier stratégique au service de la compétitivité, de la stabilité des prix et de la souveraineté économique ?

Face à la recomposition monétaire mondiale, la Tunisie est-elle condamnée à subir les ajustements externes ou peut-elle se repositionner activement ?

Doit-elle continuer dans une logique de dépendance chronique ou saisir l’opportunité de construire une résilience intelligente ?

Et ce choix, n’est-il pas autant d’ordre monétaire que fondamentalement politique ?

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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ECLAIRAGE – Tourisme tunisien : la discrimination de marché au cœur du modèle

14. Juli 2025 um 07:37

Alors que les plages tunisiennes accueillent des milliers de touristes étrangers, les citoyens tunisiens se retrouvent de plus en plus exclus de l’offre hôtelière nationale. Une situation qui n’est pas le fruit du hasard, mais d’un choix économique discriminatoire qui révèle les impasses d’un modèle de développement tourné vers l’extérieur.

L’alerte lancée par Lotfi Riahi, président de l’Organisation tunisienne pour l’information du consommateur (OTIC), lors de son passage sur les ondes de « Acharaa Al Tounsi », fait l’effet d’un électrochoc : pour une grande majorité de Tunisiens, les vacances d’été à l’hôtel sont devenues un rêve inaccessible. Avec des nuitées atteignant 400 dinars par personne, soit plus que le salaire mensuel minimum (SMIG), le constat est sans appel : le pouvoir d’achat du Tunisien moyen ne suit plus la logique inflationniste du marché touristique.

Mais plus qu’une simple question de prix, cette flambée tarifaire traduit une discrimination de marché délibérée. Les citoyens tunisiens, dans leur propre pays, sont relégués au second plan. Tandis que les touristes étrangers bénéficient de forfaits avantageux, grâce à des accords avec des tour-opérateurs internationaux ou des tarifs préférentiels invisibles aux consommateurs locaux.

Le tourisme, un secteur miné par les logiques extractives

Derrière cette logique tarifaire se cache un modèle économique fondé sur la recherche de devises étrangères à tout prix. Loin d’un secteur au service du développement national, le tourisme tunisien s’est progressivement transformé en industrie extractive : il capte les ressources territoriales (plages, sites patrimoniaux, main-d’œuvre locale), mais en réserve les bénéfices à une clientèle étrangère et à une minorité d’opérateurs.

Cette orientation n’est pas sans conséquences. Non seulement elle creuse les inégalités entre les Tunisiens et les touristes, mais elle alimente également une fracture territoriale entre les zones touristiques et l’intérieur du pays, qui reste marginalisé, tant en termes d’infrastructures que de retombées économiques.

Le droit au tourisme : une revendication de justice sociale

Face à ce constat, l’appel lancé par l’Organisation tunisienne pour l’orientation du consommateur à inscrire le « droit au tourisme intérieur » dans la loi prend une dimension hautement politique. Il ne s’agit pas seulement de permettre aux citoyens de profiter des plages ou des hôtels, mais de consacrer le droit à la détente, aux loisirs et à la mobilité au sein du territoire national.

Cette proposition s’inscrit dans une logique de démocratisation du tourisme. En obligeant les unités hôtelières à réserver 30 % de leur capacité aux Tunisiens, à des tarifs équitables alignés sur ceux des étrangers, on briserait le monopole actuel du tourisme d’élite et on injecterait une nouvelle dynamique dans la demande intérieure. Ce serait aussi un levier pour stimuler l’activité hors saison, fidéliser une clientèle nationale et renforcer la résilience du secteur.

Une discrimination tarifaire qui nourrit un sentiment d’exclusion

L’inégalité de traitement dénoncée par M. Riahi ne repose pas seulement sur des chiffres. Elle est vécue au quotidien par des familles tunisiennes qui constatent que, dans leur propre pays, elles ne peuvent accéder aux mêmes prestations que des visiteurs étrangers. Ce sentiment d’injustice alimente une frustration croissante, qui renforce la défiance envers un système perçu comme opaque et orienté vers les intérêts des lobbies hôteliers.

La logique de « segmentation tarifaire » est certes défendable d’un point de vue commercial. Mais elle devient problématique lorsqu’elle exclut structurellement une catégorie entière de la population. Le tourisme n’est pas un produit de luxe comme un bijou ou une voiture : il touche à l’accès au territoire, à la culture, au bien-être, au vivre-ensemble. Son exclusion devient alors une forme de violence sociale.

L’enjeu d’une redéfinition du modèle de développement

Le débat sur le droit au tourisme intérieur ne saurait être isolé de la réflexion plus large sur le modèle économique tunisien. Dans un contexte où l’économie peine à se relancer, où le pouvoir d’achat s’effondre et où les inégalités se creusent, persister dans un modèle de croissance basé uniquement sur les recettes extérieures relève d’une myopie dangereuse. Il est temps de penser un tourisme inclusif, durable, enraciné dans les réalités locales et accessible à tous.

Cela suppose une régulation plus forte du secteur, une fiscalité incitative pour les opérateurs qui favorisent le tourisme local, et un investissement public dans les infrastructures touristiques à vocation sociale : auberges, centres de vacances, tourisme rural. Il s’agit de rompre avec une logique de rente pour faire place à une logique de redistribution.

Quid d’un tourisme citoyen, social équitable ?

La crise du tourisme intérieur tunisien, révélée par l’explosion des prix et la discrimination tarifaire, n’est pas une fatalité. Elle traduit avant tout un choix politique : celui d’un modèle tourné vers l’exclusion au lieu de l’inclusion. Reconnaître le droit au tourisme pour tous, c’est affirmer que le territoire national appartient à ceux qui y vivent, et non seulement à ceux qui y séjournent.

Loin d’être une utopie, cette vision ouvre la voie à une nouvelle conception du tourisme, comme levier de cohésion sociale, de relance économique et de fierté nationale. Encore faut-il que la volonté politique suive. Car le droit à la mer, à la montagne et au repos est, en dernière instance, un droit à la dignité.

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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