Syrie | Les ĂvangĂ©liques amĂ©ricains pour un rapprochement avec Ahmed Al-Charaa
Parfois, le soutien vient de lĂ oĂč on lâattend le moins. Alors que certains membres de lâadministration Trump demeurent opposĂ©s Ă un rapprochement avec Ahmed Al-Charaa, des membres du CongrĂšs proches du prĂ©sident Trump et faisant partie de son mouvement Maga (Make America Great Again, Rendre Ă lâAmĂ©rique sa grandeur) soutiennent une normalisation des relations avec Damas mais ce qui est vraiment surprenant câest que les ĂvangĂ©liques amĂ©ricains, noyau dur de lâĂ©lectorat Trump, ainsi que des rabbins plaident pour ce rapprochement. Ce soutien pourrait faire balancer la position amĂ©ricaine en faveur du nouvel homme fort de la Syrie. (Ph. Deux dĂ©putĂ©s amĂ©ricains Cory Mills et Marlin Stutzman dans les rues de Damas.)
Imed Bahri
Dans une enquĂȘte sur la relation toujours en gestation entre les Ătats-Unis et le nouveau pouvoir syrien, The Economist affirme que la politique amĂ©ricaine envers la Syrie nâa pas encore Ă©tĂ© dĂ©finie ou quâelle est en train de lâĂȘtre. Parmi les partisans du prĂ©sident Trump, certains poussent pour une normalisation des relations quand dâautres maintiennent leur dĂ©fiance.
Le magazine britannique est revenu sur la visite effectuĂ©e par deux membres rĂ©publicains influents du CongrĂšs Ă Damas. La vue des deux membres de la Chambre des reprĂ©sentants dĂ©ambulant dans la vieille ville sortait de lâordinaire. Portant des Ray-Ban et une veste Ă©lĂ©gante, Cory Mills, un vĂ©tĂ©ran dĂ©corĂ© de la guerre en Irak et un fervent soutien du mouvement Maga reprĂ©sente la Floride. Il Ă©tait accompagnĂ© de son collĂšgue Marlin Stutzman, reprĂ©sentant de lâIndiana, un ardent dĂ©fenseur de la hausse des tarifs douaniers imposĂ©s par Trump le mois dernier.
La Syrie pourrait rejoindre les accords dâAbraham
Personne ne sâattendait Ă ce que ces deux membres du CongrĂšs en particulier deviennent des dĂ©fenseurs du dialogue avec un Ătat dirigĂ© par un homme qui Ă©tait auparavant un membre Ă©minent dâAl-QaĂŻda.
Les deux AmĂ©ricains ont quittĂ© la Syrie convaincus que les Ătats-Unis devraient collaborer avec Ahmed Al-Charaa et ont considĂ©rĂ© quâil fallait concilier optimisme et prudence dans cette collaboration. Mills a dĂ©clarĂ© que le nouveau dirigeant syrien lui avait laissĂ© entendre que, dans de meilleures circonstances, la Syrie pourrait un jour rejoindre les accords dâAbraham, qui, lors du premier mandat de Trump, ont permis lâĂ©tablissement de relations diplomatiques officielles entre IsraĂ«l et plusieurs pays arabes en 2020.
Dans les coulisses, les participants affirment que la visite a été un énorme succÚs.
ComparĂ© Ă lâenthousiasme des deux membres du CongrĂšs, le gouvernement amĂ©ricain tarde pour sa part Ă rĂ©agir aux changements en Syrie. Alors que les EuropĂ©ens ont commencĂ© Ă lever les sanctions contre la Syrie et Ă rouvrir leurs ambassades dans la capitale Damas, les Ătats-Unis nâont offert quâun allĂšgement limitĂ© des sanctions mĂȘme si le blocus en cours paralyse la vie des Syriens forçant des personnes Ă fouiller les poubelles et laissant Damas dans lâobscuritĂ© Ă lâexception de quelques heures dâĂ©lectricitĂ© par jour.
Les AmĂ©ricains suscitent Ă©galement des inquiĂ©tudes parmi les donateurs potentiels notamment les Syriens Ă lâĂ©tranger et les Ătats du Golfe quant au transfert de fonds pour commencer la reconstruction du pays et envoyer de lâaide humanitaire. En outre, les Ătats-Unis nâont pas encore ouvert leur ambassade Ă Damas ni envoyĂ© de diplomates sur place.
Le magazine britannique estime que les faucons de la Maison Blanche et du Parti rĂ©publicain, y compris Sebastian Gorka, le conseiller de Trump en matiĂšre de lutte contre le terrorisme, et Tulsi Gabbard, la directrice de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure, ne sont pas convaincus par les mĂ©tamorphoses dâAl-Charaa et insistent pour traiter le dossier syrien comme un dossier de lutte contre le terrorisme. «Ils ne voient que le Ahmed Al-Charaa qui Ă©tait jadis en Irak», a dĂ©clarĂ© un homme dâaffaires chrĂ©tien syro-amĂ©ricain.
Des évangéliques et des rabbins se disent séduits
Cependant, dâautres ont exprimĂ© le dĂ©sir dâouverture et dâengagement en faveur du nouveau rĂ©gime en particulier les chrĂ©tiens Ă©vangĂ©liques et les juifs syriens en AmĂ©rique.
RĂ©cemment, Johnnie Moore, un pasteur Ă©vangĂ©lique proche de Trump, et le rabbin Abraham Cooper du Centre Simon Wiesenthal pour les droits de lâhomme ont rencontrĂ© le ministre syrien des Affaires Ă©trangĂšres AsĂąad Al-Sheibani Ă New York. «CâĂ©tait plus convaincant que ce Ă quoi je mâattendais», a dĂ©clarĂ© le pasteur Moore qui a ajoutĂ©: «Il faut quâil y ait une croissance Ă©conomique rapide en Syrie car la sĂ©curitĂ© Ă©conomique est liĂ©e Ă la sĂ©curitĂ© nationale et, par consĂ©quent, Ă la paix rĂ©gionale».
Moore prĂ©voit dâailleurs de conduire prochainement une dĂ©lĂ©gation dâĂ©vangĂ©liques et de rabbins Ă Damas.
Les Ă©vangĂ©liques pensent que les dirigeants religieux pourraient rĂ©ussir lĂ oĂč dâautres ont Ă©chouĂ© Ă persuader le prĂ©sident Trump dâassouplir les sanctions et de sâengager avec le nouveau gouvernement. Toutefois IsraĂ«l, qui bĂ©nĂ©ficie dâun soutien fiable de la part des Ă©vangĂ©liques amĂ©ricains, pourrait ne pas ĂȘtre convaincu. Il a dâailleurs appelĂ© Ă une position ferme envers Al-Charaa.
«En ce qui concerne la Syrie, les Ă©vangĂ©liques ont beaucoup dâinfluence», explique David Lesch, historien du Moyen-Orient Ă lâUniversitĂ© Trinity au Texas, qui a exhortĂ© le nouveau gouvernement syrien Ă travailler avec les chefs religieux amĂ©ricains.
En avril dernier, Trump a nommĂ© Mark Walker, un membre rĂ©publicain du CongrĂšs et pasteur Ă©vangĂ©lique, comme ambassadeur pour la libertĂ© religieuse, une dĂ©cision qui pourrait avoir un impact significatif sur la politique amĂ©ricaine. Lors dâune confĂ©rence des donateurs qui sâest tenue au siĂšge de lâUnion europĂ©enne Ă Bruxelles en mars, les Ătats-Unis ont prĂ©sentĂ© huit demandes au gouvernement syrien notamment lâaide Ă la recherche des AmĂ©ricains disparus en Syrie (en particulier Austin Tice, le journaliste emprisonnĂ©), lâinterdiction pour les combattants Ă©trangers de rejoindre le nouveau gouvernement et la dĂ©signation du Corps des gardiens de la rĂ©volution iranienne comme organisation terroriste.
Bien que les dĂ©fenseurs amĂ©ricains du nouveau rĂ©gime aient Ă©tĂ© déçus en dĂ©cembre lorsquâun certain nombre de combattants Ă©trangers ont Ă©tĂ© nommĂ©s au ministĂšre de la DĂ©fense, ils reconnaissent en privĂ© que Damas a fait des progrĂšs sur dâautres questions.
La visite de Mills et Stutzman à Damas pourrait conduire à davantage de délégations américaines non officielles.
Si Ahmed Al-Charaa parvient Ă convaincre les rĂ©publicains et les Ă©vangĂ©liques partisans du mouvement Maga de ses bonnes intentions, notamment en ce qui concerne les chrĂ©tiens, il sera peut-ĂȘtre du cĂŽtĂ© de lâAmĂ©rique mais la politique de Trump est encore en cours dâĂ©laboration.
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