En photos – Borj El Hissar : Une page d’histoire tunisienne sur le point de disparaître
Situé sur l’archipel paisible de Kerkennah, Borj El Hissar, un fort médiéval chargé d’histoire, se dresse aujourd’hui dans un état de délabrement avancé.
Autrefois symbole de défense et refuge pour Habib Bourguiba pendant son exil sous la colonisation française, ce monument emblématique est désormais laissé à l’abandon, malgré son potentiel patrimonial et touristique indéniable.
Une page d’histoire nationale
Construit à l’époque médiévale, Borj El Hissar servait de bastion défensif contre les incursions maritimes. Situé stratégiquement, il représentait un point de contrôle clé sur l’archipel. « Mais son importance ne s’arrête pas là : ce fort est aussi lié à l’histoire contemporaine de la Tunisie. Pendant la lutte pour l’indépendance, Habib Bourguiba y trouva refuge lors de son exil imposé par les autorités coloniales françaises. Ce lieu, qui témoigne de la résistance nationale, aurait dû être érigé en symbole, voire en sanctuaire de mémoire », souligne Mabrouka Khedher, journaliste originaire de Kerkennah .
Pourtant, cette richesse historique est aujourd’hui méconnue du grand public. Aucune plaque commémorative, aucune mention officielle ne valorise cet aspect du site. Le fort reste plongé dans un oubli inquiétant, ses murs endommagés par le temps et les intempéries, livrés à eux-mêmes faute de restauration.
Un patrimoine en péril
Malgré son potentiel exceptionnel, Borj El Hissar souffre d’un manque total d’entretien. Des pans de murs se sont effondrés, et les structures restantes sont fragilisées. Aucun effort significatif n’a été engagé pour préserver ou réhabiliter ce joyau. Les visiteurs, qui pourraient être des centaines s’il était valorisé, se retrouvent face à des ruines non sécurisées et dépourvues de toute signalisation ou explication historique.
« Ce lieu pourrait être une fierté pour notre région et une destination touristique importante, mais il n’est même pas entretenu. Cela montre à quel point notre patrimoine est négligé », a-t-elle souligné, tout en ajoutant que le fort aurait pu être inscrit dans des circuits touristiques ou faire l’objet de programmes éducatifs, mais il reste absent des priorités des autorités.
Entre légendes, saints protecteurs et oubli
Pour sa part, Souheil Dahmen, activiste de la société civile à Kerkennah et expert en qualité, alerte sur l’état préoccupant de Borj El Hissar. Selon lui, ce site, aujourd’hui délaissé et considéré comme une zone archéologique, revêt une importance historique bien plus grande qu’on ne le pense.
« Autrefois, cette région abritait une véritable ville située au nord de l’actuel Borj El Hissar, aujourd’hui recouverte par la mer. Pour protéger cette cité, les habitants d’alors avaient entouré la ville de plus de 370 ouliyas salihines (saints protecteurs), figures spirituelles vénérées, selon les croyances de l’époque. Ces saints étaient perçus comme des gardiens, protégeant la ville contre les dangers et les agressions extérieures.
Cependant, cette mémoire spirituelle et culturelle, tout comme le site lui-même, est menacée par l’indifférence et l’absence d’efforts de conservation », a-t-il expliqué.
Dans ce même cadre, Souheil Dahmen appelle les différentes parties prenantes à intervenir d’urgence pour sauver ce site exceptionnel.
« Une valorisation intelligente de Borj El Hissar pourrait intégrer ces croyances historiques et mettre en avant l’histoire des saints protecteurs, qui se trouvaient à l’origine dans des emplacements aujourd’hui engloutis par la mer. Une telle initiative permettrait non seulement de préserver un patrimoine unique, mais aussi d’attirer des visiteurs intéressés par le riche passé spirituel et culturel de Kerkennah », a-t-il précisé.
Un appel à l’action
Le contexte international montre que le patrimoine culturel peut être un moteur économique et social pour les communautés locales.
Borj El Hissar, avec son emplacement unique et son histoire fascinante, pourrait attirer des visiteurs du monde entier.
Une restauration et une valorisation du site permettraient de plonger les touristes dans l’histoire médiévale et contemporaine de Kerkennah, tout en mettant en avant les traditions locales.
Le fort pourrait également devenir un lieu de mémoire en hommage à Habib Bourguiba et à la lutte nationale. Des expositions, des visites guidées et des événements culturels pourraient redonner vie à ce monument tout en soutenant le développement économique de l’île.
Dahmen exhorte les ministères de la Culture et du Tourisme, les collectivités locales, ainsi que les organisations internationales à agir. « Restaurer ce monument, le protéger et le valoriser permettraient de préserver une partie essentielle de l’histoire tunisienne et d’offrir à Kerkennah une opportunité de développement durable… Sinon, en l’absence de mesures rapides, Borj El Hissar risque de s’effacer définitivement, emportant avec lui non seulement un trésor architectural, mais aussi la mémoire collective d’une nation…. Sauver ce fort, c’est sauver une partie de l’âme de Kerkennah et de l’histoire de la Tunisie », a-t-il assuré.
L’article En photos – Borj El Hissar : Une page d’histoire tunisienne sur le point de disparaître est apparu en premier sur La Presse de Tunisie.