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Fitch, plutôt optimiste pour l’économie tunisienne

20. November 2024 um 13:15

La tonalité a totalement changé, et les constats de Fitch sont résolument moins pessimistes pour l’économie tunisienne. Dans son nouveau rapport, ‘‘Tunisia Country Risk Report, Q1, 2025’’ (74 pages), publié la semaine dernière, Fitch Solutions fait ses analyses et projections des principaux agrégats économiques pour l’économie tunisienne, d’ici 2033. L’économie tunisienne est de plus en plus stabilisée, même si on attend tous la reprise de la croissance. Lecture entre les lignes….

Moktar Lamari *

La semaine dernière nous avons publié un premier groupe de constats (14), la suite de cette chronique présente un autre groupe de constats (26) et scenarii liés. On y traite des tendances lourdes de la politique monétaire, des incertitudes de l’investissement extérieur et des déficits, budgétaires et commerciaux.

1- L’inflation reste élevée : le rapport soutient que la Banque centrale va attendre 2026 pour envisager un assouplissement de ses politiques monétaires et une baisse de son taux directeur, insistant sur le fait que l’inflation reste élevée, malgré toutes les hausses du taux directeur des dernières années. Et il faut attendre que le taux d’inflation passe sous la barre de 6% pour envisager un début de relâchement des taux.

2- La croissance de la consommation privée s’améliorera en 2024 sous l’effet de la baisse de l’inflation alimentaire et des envois de fonds robustes, et ralentira en 2025 en raison de la hausse de l’impôt sur le revenu. La consommation publique restera limitée par des pressions budgétaires prononcées dans un contexte d’accès limité au soutien financier.

3- Les prêts étrangers entraîneront une légère hausse de l’investissement en 2024. Toutefois, un environnement politique encore risqué, une hausse du taux d’imposition des sociétés, une baisse des prêts au secteur privé et une liquidité publique restreinte freineront la croissance de cette composante en 2025.

4- La baisse de la demande extérieure pèsera sur la croissance des exportations en 2024. Le resserrement de la liquidité sur le marché des changes limitera les importations et la croissance en 2025, et l’amélioration de l’activité de la zone euro maintiendra la croissance des exportations stable malgré un ralentissement des exportations d’huile d’olive et de services.

5- La consommation privée reste le principal moteur de la croissance globale, représentant environ 76,4% du PIB (produit intérieur brut) en 2022. Après une forte baisse due au confinement dû au Covid-19 en 2020, Fitch prévoit que les dépenses des ménages augmenteront à un rythme relativement lent tout au long de la prochaine décennie, malgré les fluctuations occasionnelles engendrées par l’impact des récoltes volatiles sur les revenus ruraux.

6- Les transferts de fonds des Tunisiens à l’étranger (principalement en Europe) resteront une source cruciale de l’amélioration de la confiance des entreprises à long terme, qui devrait se traduire par une croissance plus forte des salaires dans le secteur privé.

7- Le taux de chômage élevé, en particulier chez les jeunes instruits, ainsi que l’inflation élevée, continueront de freiner l’augmentation des dépenses des ménages. De plus, la Tunisie affichera la plus faible croissance démographique de la région de l’Afrique du Nord et la part des personnes en âge de travailler (20-39 ans) dans la population passera de 29,2% en 2022 à 26,2% en 2033, ce qui pèsera sur les gains potentiels de consommation.

8- La hausse de l’impôt sur le revenu des personnes à revenu moyen ou élevé freinera davantage les dépenses privées. Par conséquent, Fitch projette une croissance réelle moyenne de la consommation finale privée de 2,3% entre 2025 et 2033, bien en dessous du taux moyen de 4,7% enregistré au cours de la décennie précédant la révolution de 2011. La consommation privée constitue presque 80% du PIB.

9- La consommation publique en pourcentage du PIB est revenue à son niveau d’avant Covid, atteignant environ 21,3 % du PIB en 2022, estime Fitch, qui s’attend à ce qu’une période de pénurie de liquidités en 2024 et 2025 la fasse baisser, avant qu’elle ne se redresse progressivement au cours de la prochaine décennie, à mesure que les pressions budgétaires s’atténueront progressivement.

10- Dépenses publiques : le gouvernement n’envisage pas dans l’immédiat de réduire sensiblement ses dépenses, ses subventions et le volume de la masse salariale par rapport au PIB.

11- L’investissement reste la clef de voute pour la reprise de la croissance. La formation brute de capital fixe s’est contractée en moyenne de 5% par an en termes réels entre 2011 et 2015, pour ne renouer avec une croissance positive qu’en 2016. Après une forte contraction en 2020, l’agence prévoit une croissance modeste, bien qu’en hausse, dans les années à venir, en raison de la bureaucratie lourde, des niveaux élevés de corruption et de l’instabilité sociale en Tunisie.

12- L’investissement public, qui joue toujours un rôle important dans la formation de capital, sera également limité par la nécessité de maintenir des dépenses budgétaires plus faibles. En 2025, le recours accru aux sources de financement intérieures, le resserrement de la politique monétaire, la hausse de l’impôt sur les sociétés, l’opposition aux réformes budgétaires et les fortes pressions extérieures maintiendront la croissance de l’investissement à un faible niveau.

13- Cela dit, Fitch prévoit une reprise progressive de l’investissement fixe au cours des cinq prochaines années. La position géographique attrayante de la Tunisie et ses nombreux accords de libre-échange – en  supposant que les efforts d’amélioration de l’environnement opérationnel se poursuivent au cours de la prochaine décennie – devraient conduire à un retour régulier de l’intérêt des investisseurs à long terme.

14- La mesure dans laquelle le gouvernement peut améliorer ses revenus, l’accès aux prêts et une plus grande stabilité macroéconomique sont autant de facteurs déterminants de l’investissement étranger dans les années à venir.

15- L’amélioration du secteur bancaire en difficulté, qui souffre de taux de défaillance élevés et d’une faible capitalisation, sera également essentielle pour faciliter davantage d’investissements. Le projet des autorités de moderniser le système de change et d’assouplir progressivement les restrictions contribuera à stimuler l’investissement étranger.

16- Les perspectives des exportations nettes : Fitch prévoit que la croissance réelle des exportations continuera de rebondir après le marasme de 2020, mais qu’elle restera modérée à environ 3,2% en moyenne entre 2025 et 2033. Une hausse moyenne à deux chiffres est prévue pour les prochaines années, dans le domaine des exportations.

17- Les retombées de la guerre entre la Russie et l’Ukraine ont continué de peser sur la croissance économique des principaux marchés d’exportation en 2024, à leur tour sur la demande de produits tunisiens. Fitch prévoit que le rebond de l’activité chez les principaux partenaires commerciaux à partir de 2025 soutiendra la croissance des exportations tunisiennes. Pour améliorer les niveaux d’exportation, il sera essentiel d’accroître l’investissement étranger dans le secteur manufacturier.

18- La Tunisie a été freinée par la faiblesse des réformes, son instabilité politique et la détérioration de ses fondamentaux macroéconomiques par rapport à son concurrent voisin, le Maroc, ces dernières années, un écart qui ne fera que se creuser à moins que le gouvernement tunisien ne soit disposé à accélérer le rythme des réformes. Fitch se montre prudent quant aux perspectives que cela se produise.

19- À l’instar des autres pays d’Afrique du Nord, la Tunisie s’approvisionne en grandes quantités de biens de consommation et de biens d’équipements à l’étranger. Fitch prévoit que la poursuite de la consommation privée et la croissance de l’investissement fixe se traduiront par une augmentation des importations.

20- Cependant, l’affaiblissement du dinar au cours des derrières années, l’augmentation des pressions sur les liquidités extérieures et l’inflation élevée plafonneront la demande à moyen terme. Dans l’ensemble, Fitch prévoit que les exportations nettes seront déterminantes dans la relance de la croissance globale.

21- Fitch pense que la Tunisie restera fortement dépendante de ses réserves de change et des investissements/prêts étrangers pour son financement extérieur au cours des prochaines années. Les investissements de portefeuille représentant une part très modeste du passif total de la Tunisie, les risques associés à des sorties soudaines de capitaux sont limités.

22- Dans le même temps, les flux d’investissements directs vers la Tunisie ont été faibles depuis la révolution de 2011 et le rétablissement de la confiance des investisseurs privés est un objectif clé du gouvernement. Compte tenu de la baisse des réserves et de l’investissement étranger direct, le rôle joué par les autres investissements, qui consistent principalement en des prêts préférentiels bilatéraux et multilatéraux, s’est considérablement élargi.

23- Au cours des dernières années, la Tunisie a été un grand bénéficiaire de l’aide étrangère et a bénéficié d’un accord avec le FMI entre 2016 et 2020. Compte tenu de sa dépendance accrue à l’égard des prêts préférentiels, le gouvernement tunisien devra intensifier ses efforts pour remplir les conditions associées à ces accords. Cela dit, in doit s’attendre à ce que l’accès au financement extérieur nécessaire pour financer le déficit du compte courant du pays et faire face aux paiements à venir soit difficile en l’absence d’un autre accord de financement avec le FMI.

24- Dette extérieure : en raison de la persistance des déficits courants au cours de la prochaine décennie et de l’insuffisance des investissements étrangers pour combler le déficit, Fich prévoit que la dette extérieure de la Tunisie continuera de croître au cours des prochaines années, avant de se stabiliser progressivement. Bien que cela soit quelque peu préoccupant, la grande majorité de la dette extérieure totale continuera d’être de la dette publique ou garantie par l’État, composée en grande partie de prêts bilatéraux et multilatéraux.

25- Cela dit, l’absence de programme du FMI et la réticence des créanciers à accorder des prêts sans programme en place rendront difficile pour la Tunisie le service de sa dette, sans risquer une forte dépréciation du dinar.

26- Pourtant, les créanciers du pays pourraient accepter d’accorder des prêts ou de renégocier une partie de la dette afin d’éviter une déstabilisation de l’économie. Le gouvernement actuel semble inspirer plus confiance que ses prédécesseurs, et ce message subliminal est rassurant pour les investisseurs internationaux, ainsi que pour les bailleurs de fonds.

Blog de l’auteur. Economics for Tunisia, E4T.

L’article Fitch, plutôt optimiste pour l’économie tunisienne est apparu en premier sur Kapitalis.

Le dinar tunisien s’échangera à un taux de 2,7 face au dollar dès 2026, selon Fitch

16. November 2024 um 12:10

Il y a une semaine, Fitch-Solutions a publié un volumineux rapport (74 pages en anglais) sur l’économie tunisienne, le présent et le futur, jusqu’au 2033. Ce rapport intitulé «Tunisia, Country Risk Report, Q1 2025» annonce une sensible remontée de la valeur du dinar tunisien face au dollar américain (1$= 2,79 DT) et une légère baisse du taux directeur en 2025, si l’inflation passait en dessous de 6%. Entre autres nouvelles…

Moktar Lamari *

On reprend l’essentiel des constats et projections en 14 points.

1- Le rapport prévoit constate un rebond du secteur agricole et de l’activité touristique qui feront remonter le taux de croissance du PIB réel de la Tunisie de 0,6 % en glissement annuel à presque 2% pour 2024.

2- Les auteurs pensent que la croissance ralentira ensuite à 1,0 % en 2025, en raison notamment des hausses d’impôts qui affaibliront encore le pouvoir d’achat des ménages et décourageront l’investissement, amplifiant ainsi l’impact négatif des problèmes structurels budgétaires et externes actuels sur l’économie.

3- La réduction du déficit commercial énergétique entraînera une réduction de l’excédent de la balance courante de la Tunisie, qui passera de 2,2% du PIB en 2023 à 1,3% du PIB en 2024 et à 0,7% du PIB en 2025.

4- La réduction du déficit courant, le soutien extérieur provenant principalement de l’Union européenne (UE) et de solides réserves de change permettront aux autorités de faire face à leurs obligations de change de plus de 2,0 milliards de dollars en 2025. Néanmoins, la position extérieure reste extrêmement vulnérable aux chocs extérieurs, tels que la hausse des prix mondiaux des produits de base.

5- Le déficit budgétaire de la Tunisie se réduira également progressivement, passant de 7,2% du PIB en 2023 à 5,7% du PIB en 2025, en raison de l’augmentation des recettes fiscales et de la baisse des dépenses en subventions. Le ratio dette/PIB passera à 82,9% du PIB à la fin de 2025.

6- Les auteurs anticipent que le dinar gagnera des points face au dollar américain, si rien ne change dans les tendances de reprise des secteurs économiques et de l’investissement. La pression dépréciative sur le dinar augmentera au début de 2025 car 1,0 milliard de dollars de paiements en devises sont dus.

7- La Banque centrale de Tunisie (BCT) maintiendra le taux directeur à 8,00% jusqu’à la fin de 2025, car l’inflation ne ralentira que légèrement, passant de 6,5% en glissement annuel en décembre 2024 à 6,0% en glissement annuel en décembre 2025. Le taux directeur sera légèrement ajusté dès que l’inflation passe sous la barre de 6%.

8- Sur le plan politique, les auteurs du rapport pensent que le rejet persistant des réformes douloureuses, le recours accru aux financements nationaux et les hausses d’impôts risquent de détériorer davantage les conditions socio-économiques. Cela maintiendra ainsi le risque de manifestations et tensions sociales, durant 2025.

9- L’incapacité des autorités à mobiliser les fonds nécessaires pourrait peser davantage sur la position extérieure de la Tunisie, le dinar et la croissance économique. Les investissements fixes resteront tributaires du maintien d’un environnement sécuritaire stable et de la réduction des actions syndicales locales.

10- La dépendance récurrente à l’égard de la Banque centrale pour financer le déficit budgétaire et faire face aux paiements de la dette extérieure risque de déstabiliser la situation macroéconomique. Des conditions météorologiques défavorables persistantes pèseraient sur la production agricole.

11- Une nouvelle augmentation de l’inflation et des pénuries plus prononcées de produits de base, en particulier le pain, pourraient alimenter le mécontentement social. Une augmentation soutenue du chômage dans un contexte de croissance économique atone pourrait entraîner des protestations et mécontentements dénonçant la cherté de la vie et des produits de base.

12- Les risques qui pèsent sur ces prévisions sont à la hausse. Si la Banque centrale de Tunisie décidait d’assouplir sa politique monétaire en raison d’une baisse plus forte que prévu de l’inflation (et/ou de pressions politiques), cela améliorerait la demande de crédit et, par extension, l’activité d’investissement. La part de l’investissement dans le PIB peine à dépasser 15%, contre 26% en 2011.

13- Un soutien ou un investissement étranger plus important entraînerait une croissance économique supérieure à 1,0 % en 2025. D’autre part, un pic de pression extérieure dû à une flambée des prix de l’énergie en cas d’escalade brutale des tensions géopolitiques, pèserait sur le dinar, alimenterait l’inflation et freinerait l’activité économique.

14- La masse monétaire (M2) va continuer à croître, en moyenne de 8% par an, d’ici 2033. Selon les projections de Fitch, le dinar s’échangera en dessous de 2,8 dollars américains dès 2026. Une note d’espoir, une perspective qu’il faut valoriser pour rompre avec la déprime qui envahit l’opinion dominante chez les économistes de la place.

Blog de l’auteur : Economics for Tunisia.

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