IA et journalisme, quand la machine s’en mêle
L’intelligence Artificielle est partout, il n’y a pas un séminaire sur n’importe quelle thématique qui n’aborde pas de manière indirecte ou indirecte la question de l’émergence de l’IA. Suite à une formation autour de l’utilisation de l’Intelligence artificielle dans le domaine du journalisme, nous avons voulu expérimenter, avec nos lecteurs, un travail journalistique élaboré entièrement par DES intelligences artificielles. En effet, nous avons combiné plusieurs outils pour générer du texte, des images et même du son
IAMais attention, cela ne veut pas dire que le journaliste s’est contenté du rôle de spectateur, bien au contraire. Notre démarche est effectivement de démontrer le rôle actif du journaliste dans un monde qui serait dominé par l’IA. D’abord, le recueil des témoignages est bien réel par exemple, mais nous avons demandé à la machine de combiner tout cela. Pour les documents volumineux, nous avons également demandé à l’Intelligence Artificielle d’extraire les informations dont nous avions besoins. Et pour finir, le gros travail a consisté en une relecture minutieuse du contenu généré pour éviter d’induire le lecteur en erreur. Le titre de l’article est également fait du journaliste.
Nous invitons nos lecteur à réagir et à commenter cette expérience et à partager avec nous vos appréhension en général au sujet de l’Intelligence Artificielle dans le journalisme, mais aussi dans d’autres domaines…à vos claviers et n’hésitez pas à vous faire aider par une IA.
Dans le grand chambardement technologique que connaît le monde, le secteur du journalisme n’est pas épargné. Après le raz-de-marée du web et la déferlante des réseaux sociaux qui ont déjà remodelé la fabrique et la diffusion de l’information, une troisième vague, celle de l’intelligence artificielle, promet de transformer encore plus profondément nos métiers. Entre excitation et appréhension, les salles de rédaction du monde entier s’interrogent : comment naviguer dans cette ère nouvelle sans se noyer dans le flot d’informations – bonnes comme mauvaises – générées à la vitesse de l’éclair par des machines ?
Si la Tunisie, modeste nation sur l’échiquier mondial de la production d’IA, n’est pas encore au coude à coude avec les géants de la technologie, son écosystème médiatique, lui, n’entend pas rester à la traîne. C’est dans cette optique que Hammamet a servi de cadre, du 6 au 8 mai 2024, à une formation intensive sur le thème très actuel de : « Journalisme à l’ère de l’IA Générative : Nouvelles technologies et défis éthiques ». Pendant trois jours, sous la houlette éclairée de Kerim Messadi et Hanene Zbiss, des journalistes tunisiens ont plongé dans les arcanes de l’IA, cherchant à apprivoiser cette force tantôt alliée, tantôt rivale potentielle.
De la charrette à la Tesla : une transformation ressentie
L’IA dans le journalisme, c’est un peu tout à la fois. C’est un sujet d’actualité brûlant, mais c’est aussi un ensemble d’outils qui s’insèrent potentiellement sur toute la chaîne de production de l’information, de la collecte à la diffusion. Imaginez : des assistants capables d’aider à trouver des angles neufs, à structurer un article, à générer des brouillons de texte, à transformer des images ou des sons, à traduire ou sous-titrer des contenus pour toucher un public plus large.
Pour certains, découvrir ces possibilités a été une révélation. Jihene Eddayaa, journaliste à Radio Monastir, l’exprime avec une analogie qui ne manque pas de saveur : « Participer à une formation sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le journalisme, c’est un peu comme passer d’une charrette à une Tesla ». Un saut quantique dans l’efficacité et les perspectives, loin des méthodes d’antan. Basma Amari, de Radio Gafsa, a ainsi acquis des connaissances fondamentales sur les différents types d’IA et a pu constater comment elle « transforme le monde de l’information : automatisation de la production de contenus, algorithmes de recommandation, vérification des faits, etc. », découvrant au passage des outils utiles pour son travail quotidien.
L’IA : alliée ou remplaçante ? La question qui fâche (ou pas)
Derrière l’enthousiasme pour ces nouveaux joujoux technologiques se cache une question délicate : l’IA va-t-elle remplacer les journalistes ? Les plus optimistes y voient une « technologie d’assistance » qui rend le travail plus efficace, notamment pour les tâches répétitives et chronophages comme la transcription automatique d’interviews. Ainsi, l’IA excelle à traiter de vastes quantités de données pour des investigations complexes, agissant comme des « mains supplémentaires » dont parle Phil Chetwynd de l’AFP, dans un reportage de France 24.
Mais la menace du remplacement plane, du moins pour certaines tâches. L’exemple de Channel One, cette startup américaine qui rêve d’une salle de rédaction entièrement automatisée, du journaliste virtuel au présentateur synthétique, a de quoi donner des sueurs froides. Leur logique ? Produire plus, à moindre coût, en compilant et reformulant des informations issues d’agences de presse. Un cauchemar pour qui défend la valeur ajoutée humaine.
Et c’est là que réside le cœur de la riposte journalistique : l’IA ne peut (pour l’instant ?) pas remplacer l’essentiel. Kerim Messadi, data Scientist et formateur n’a pas cessé de le marteler pendant toute la formation : « L’IA est un outil de travail qui ne saurait remplacer l’humain ». L’IA peut simplifier certaines étapes, potentiellement rendre des rôles moins nécessaires ou l’édition plus aisée à l’avenir, mais l’âme du métier, le contact humain, l’analyse critique, l’éthique, c’est le domaine réservé de l’homme. Manel Harzi, journaliste à Radio Maghreb, le voit bien : L’IA peut compléter certaines tâches et ouvrir de nouvelles perspectives, mais elle doit être un « véritable allié du journaliste, sans nuire à l’éthique ni à la créativité ».
Le défi éthique et la lutte contre la désinformation
Le revers de la médaille de l’IA générative, c’est son potentiel à produire, avec une facilité déconcertante, du contenu synthétique de plus en plus réaliste : fausses images, fausses vidéos (« deepfakes »), fausses voix. L’IA elle-même peut « halluciner », inventant des faits avec une crédibilité troublante, rendant la vérification d’autant plus cruciale.
Face à cela, l’éthique n’est plus une simple option, c’est une urgence. La Recommandation de l’UNESCO sur l’éthique de l’IA, adoptée en 2021, pose un cadre universel basé sur des valeurs fondamentales comme le respect des droits humains, la transparence, la responsabilité et la non-discrimination. Les systèmes d’IA comportent et accentuent des biais, ce qui soulève des préoccupations éthiques importantes. L’UNESCO souligne la nécessité de renforcer l’éducation aux médias et à l’information pour lutter contre la désinformation et l’utilisation abusive des données.
Le séminaire à Hammamet a accordé une place centrale à ces enjeux. Un atelier pratique a même été dédié à l’élaboration d’une charte de déontologie pour l’utilisation de l’IA en journalisme, une démarche essentielle alors qu’une grande majorité de rédactions manquent encore de politiques claires en la matière. Les participants ont discuté de l’éthique de l’IA, des cas concrets comme OpenAI vs NYT, des débats sur les limites des images IA, les deepfakes et le droit d’auteur. Dhiya Dine Krifi, de la radio nationale, résume bien cette prise de conscience, lui, qui utilisait l’IA de manière intuitive auparavant, confie que désormais, il travaille « avec ces outils de manière plus professionnelle et responsable en tenant compte des enjeux éthiques liés au journalisme ».
Maîtriser l’outil, pas le subir
L’objectif de cette formation n’était pas de diaboliser l’IA, mais de la démystifier et de donner aux journalistes les clés pour l’utiliser de manière éclairée et responsable. Les sessions pratiques sur le « prompting » – l’art et la manière de dialoguer efficacement avec l’IA pour en tirer le meilleur – ont été cruciales. Apprendre à formuler des requêtes précises pour générer des contenus ou même « interroger » des sources via l’IA est une compétence d’avenir. Les outils de recherche sémantique et les techniques de « fact-checking » assistées par l’IA ont également été explorés, précieux dans la guerre contre les « hallucinations » algorithmiques.
Tarek Ghediri, fondateur de la plateforme Zajel, témoigne de la transformation concrète. En effet, il reconnait qu’avant la formation, il utilisait l’IA comme un simple moteur de recherche ; aujourd’hui, il a décidé de créer « département IA » pour son site d’information, une sorte d’atelier de travail qui produit avec efficacité, rapidité et professionnalisme grâce au contrôle et à la révision humaine ».